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| pourtant ce soir il fera zéro (jad) | |
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| Sujet: pourtant ce soir il fera zéro (jad) Lun 26 Aoû - 4:20 | |
| Tes orteils étaient enfoncés dans le sable et tu prenais racine en regardant l'eau. En fait tu avais peur de t'y jeter, parce que tu pensais à elle, bouffée par les poissons et l'âme au ciel. Frémissement dans le dos. Peut-être à cause du vent qui soufflait près de toi. Sur toi ou dans toi. Après tout, qu'est-ce que ça change. Tu as reculé d'un pas, puis tu as avancé. Tu hésitais vraiment, et ça te rendait presque anxieux. Anxieux de ne pas savoir, de ne jamais savoir, d'être toujours au bord d'un rien immense. Puis tu t'es décidé. Là, comme ça. Tu as arrêté de réfléchir, parce que pourquoi penser quand on peut agir. Tu as retiré ta chemise en vitesse, laissé tomber ton short en jean déchiré sur le sable. Et tant pis pour le regard des gens si tu te baignais en caleçon, là, devant la foule. La foule inexistante. Le ciel était gris. Tu jurerais même avoir senti une goutte tomber sur ton épaule. Tes pieds se sont aventurés dans l'eau froide, et tu ne prêtais même plus attention à la température. Besoin urgent de te baigner. Tu as sautillé comme un gamin frileux, tu as passé de l'eau sur ta nuque, créant le frisson le long de ton échine et faisant se dresser les poils de tes bras tatoué. C'est jamais rien que de l'eau de mer. L'angoisse semblait se réveiller au fond de ton ventre, et tu y donnais un coup de poing pour l'assommer. Tais-toi. Je t'en supplie, tais-toi... tu te baignes finalement, et tu restes la tête sous l'eau. Comme ça tu as l'impression de couler, et au dernier moment tu refais surface, en prenant une longue inspiration bruyante et douloureuse qui brûle les poumons. C'est jamais rien qu'un peu d'eau de mer, n'est-ce pas ? Tu regagnes le sable froid, tremblant sous les coups de vent et d'eau, la pluie tombant par intermittence. Tu t’assois sur le chiffon de jean qui te sert de short. Des longs bras entourent tes jambes. Tu grelottes à présent. Tu jettes des regards autour de toi, puis tu enfonces ta tête entre tes genoux, te balançant de gauche à droite. |
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| Sujet: Re: pourtant ce soir il fera zéro (jad) Ven 30 Aoû - 17:31 | |
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la mer. sans fin ni début, juste là, seulement là, elle ou ce qu'elle n'est pas. comment nommer quelque chose d'infini dans sa naissance et d'éternel dans sa mort ? c'était bleu - gris - vert - marron, c'était doux - froid - saisissant, et puis tranquille, et puis paisible, et puis. et puis dangereux. mes cheveux blonds témoins du vacarme muent algues et s'agitent en courant contre-courant. c'est une baignoire de porcelaine végétale qui accueille mon corps en péril. tu ne sais pas vraiment pourquoi mais tu es là. c'était un appel étranger contre vents et marées, l'eau qui glisse au creux de tes genoux pâles et un souvenir (tu sais la première fois que j'ai nagé pour de vrai ?) qui brise les frontières pour te faire tremper là, robe transparente ou pas. c'est un souvenir qui dit : j’avais peur. /la première fois que j’ai nagé, j’avais peur. mais pas peur comme tout le monde, ce n’était pas nager qui me faisait peur. c’était savoir, apprendre. je ne voulais pas et j’ai toujours du mal aujourd’hui avec ce truc qu’on appelle école, éducation, études, apprentissage, bref, normes règles et obligations. je voulais pas savoir parce que c’était tellement bien, tellement parfait, tellement rêvé dans ma tête que j’avais peur d’être déçu. que je voulais seulement le connaître comme moi je le connaissais et pas comme tout le monde le connait, je voulais pas juste nager. je voulais nager, mais tu comprends, pas comme il le fallait, pas comme les autres, seulement nager sans ces putains de jugements de valeur, que ce soit ni bien ni mal, juste un sentiment simple et transperçant - nager. pour la première fois dans un océan si grand que tu ne peux en faire le tour. si j’avais eu quelqu’un pour me dire d’y croire, pour me rassurer, pour me donner envie des autres et du monde, je n’aurais pas eu peur d’apprendre. et tu sais ce qu’il s’est passé ? j’ai bu la tasse. j’ai bu une putain de tasse. je me suis presque noyé, et depuis c’est toujours comme ça. je veux plus découvrir parce que je n’ai personne pour me sauver si jamais c’est trop profond. en fait, c’est aussi une façon de ne pas vivre les choses comme les autres. je crois. je ne sais pas vraiment et je ne veux pas savoir/ un souvenir qui blesse et torture. dans cette eau si sale, berceau des vagues, berceau des monstres berceau de la fin du jour du lendemain qui me mène à ta tombe. alors je tremble pour de vrai, je ne sais où regarder. quand, bizarrement, je regarde. là devant, le sable rassurant, et l'ombre d'un marin, d'un homme, d'une bête, d'un être qui disparaît. et ce que j'y vois est appel au secours (sans savoir pourquoi ni comment). c'est étrange comme la mer peut être si belle et pourtant si dangereuse à la fois. tu jettes à l'aveugle en direction de cette forme, quelle qu'elle soit, sans sembler contrôler le débit des mots sortis de ta gorge avec hâte. dans un brouillard presque complet, tu attends une réponse, un souffle, un mouvement - quelque chose qui te prouverait que la vie n'est pas qu'un fantôme.
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| Sujet: Re: pourtant ce soir il fera zéro (jad) Sam 31 Aoû - 13:13 | |
| L'eau ruisselle sur ton corps, caresse aqueuse, et le balancement de ton être entre tes genoux te berce doucement. Tu sembles suivre le mouvement des vagues qui lèchent le sable. Puis des mots, une voix inconnue, ils glissent à ton oreille. Cette voix avait quelque chose de cassé, comme le cri d'une mouette perdue dans la brume. Instantanément, tu relèves la tête, te tournes vers cette silhouette menue dont les petits pieds se posent dans le sable froid. Sur le moment, tu ne réponds rien, et tu te contentes de la fixer. L'enfant sauvage que tu es pose ses yeux farouches sur cette tête jeune et blonde. Le rose te monte aux joues : tu es un peu honteux de te présenter dans cette tenue inappropriée. Tu médites la phrase qui est sortie de sa bouche. Tu as envie de dire : oui. Mais tu as envie d'évoquer le mal sourd qui dort au fond de ton ventre, et qui n'attend presque rien pour s'éveiller et prendre possession de ta tête. La grande montagne que tu es se lève, tu t'habilles de tes vêtements mouillés. Elle est plus dangereuse que belle, je trouve. Regarde, regarde comme elle est avide, regarde comme elle est avide et comme elle avale les coquillages. Tu frissonnes, puis tu y repenses. Tu aimerais chasser son visage du brouillard de ta mémoire, souffler sur la poussière de son existence. Oui, c'est ça, elle prend la poussière dans ton cœur, et tu n'arrives pas à faire fuir cette présence céleste qui stagne dans le marais de ton âme. La mer t'a fait du mal, à toi aussi ? Je le sens, ça se voit, dans tes yeux. Un sourire empreint de compassion se dessine sur ta face dure. Tu t'approches doucement de cette enfant. Tu remarques la douleur qui hante son regard de vieille adolescente. Oh tu pourrais lui parler de dieu et des divinités qui nagent dans les cieux. Mais tu te tais, tu attends. Tu prends le temps d'écouter ton souffle et le sien, en parfaite harmonie avec le ressac de l'eau. |
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