Lore, c'est l'écho de sa génération, celle qui se sent perdue, celle qui a déjà vomi, parfois, dans la cuvette, car elle se trouvait trop grosse. Lore, c'est la petite qui passe des heures son portable à la main, juste pour quelques sms sans importance ou alors regarder ses emails. Lore, c'est celle qui a un blog rempli de jolis mots, celle qui achète de jolis vêtements, et puis qui se prend en photo. Lore, c'est celle qui parle trop peu, peut-être, un peu timide, malgré ses jolis yeux. Lore, elle a du mal, au fond, à se faire des amis ; elle a peur des gens et des risques, même si, lorsqu'on la connait, elle sourit et puis elle rit. Lore, c'est une petite étoile dans le ciel, celle que l'on peine à voir, à cause des lumières de la ville ; celle qui se cache derrière la grande ourse et puis des astres déjà connus, et qui est si jolie pourtant. Lore, c'est une boîte à idée, un esprit plein de lumière qui ne demande qu'à photographier, qu'à écrire quelques mots pour expliquer, montrer. Si Edwin a les yeux tournés vers la mort, la petite a les prunelles grandes ouvertes sur le monde. Elle sourit, tout doucement, dans les rues, s'arrête un instant, malgré le temps qui manque, pour prendre un enfant et sa maman en photographie. Elle fige le temps, un bref instant, puis court des heures après, par la suite. Lore, elle a les cheveux un peu fous, le stress qui lui ronge la peau, les ongles qui grattent ses bras, quand elle s'inquiète trop. Lore, elle traîne dans les jambes de son frère, le serre dans ses bras, va lui souhaiter bonne nuit, même si elle ne souhaite pas le voir. Lore, elle se fait toute petite, elle rit tout bas, la main devant, mais elle a le coeur grand. Il suffit de plonger dans son blog, là, sur internet, et puis de lire ses textes, de voir ses photographies et ses pensées, pour bien comprendre comment elle est.

Les Earl ; ils sont là depuis toujours, ombre de la ville, souffle que l'on oublie, avec le temps. Ils sont là, sages, silencieux, souriant. Monsieur et Madame Earl, avec leur cinq enfants. Le grand Edwin, Eleonore, et puis les trois petites. Petite famille calme, sans mouvement, presque douce, là, comme dans les magazines. Les Earl, ils sortaient presque d'un magazine, oui, d'un pub télé. Et puis, il y a eu cela, il y a deux ans ; un pacte de suicide, ou juste un acte un peu stupide. Les dires sont divers, à ce sujet, mais l'image parfaite, elle a disparu. Deux morts et puis un nom changé à jamais, porteur de malheur. Les murmures sont trop nombreux, au sujet de son frère.