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| little whispers in the waves (r) | |
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| Sujet: little whispers in the waves (r) Lun 21 Oct - 22:58 | |
| “Missing her kept him awake more than the coffee.” An Abundance Of Katherines, by John Green Même inconsciemment, il ne reste jamais loin de la mer. La Mer. Les villes dans lesquelles il s'arrête ont toutes ce point commun : les ports qui se dessinent en bord de mer, ceux qui lui permettent un retour à sa source le plus rapidement possible. Sans obstacle, sans route à traverser des heures durant pour retrouver son voilier. La grandeur des villes connues dans le monde entier ne l'intéresse pas : qu'en a-t-il à faire, de Paris, de New-York, de Tôkyô ? Aussi grandes, majestueuses puissent-elles être, elles n'auront jamais la beauté de la mer, ne procureront jamais les mêmes sensations qu'elle. Elles ne seraient qu'étouffement et malaise pour lui, le louveteau des mers qui a apprit la navigation bien avant sa table de huit, qui c'est toujours senti chez lui sur l'eau plutôt que dans les maisons dans lesquelles il a vécu. Gamin de Douvres qui n'en connaît pourtant pas les recoins tant il n'y a jamais réellement prêté attention, ça n'a jamais été que la mer et lui. Son pied-à-terre est son bateau, et quand certains ont le mal de mer, lui, il a le mal de terre. Quitte à ne faire qu'un court chemin sur l'eau, il est impossible pour lui de rester plus de deux jours le pied sur la terre ferme : il en devient malade, il tourne en rond, il est irrité et irritable. Lorsque l'on sépare Sihem de sa muse, son véritable amour, celui qu'il ne serait tout bonnement pas capable de quitter, il en devient invivable. Et même lorsqu'enfin il décide de rentrer son voilier au port, l'Amphitrite – référence à la fille de Nérée, vieux dieu marin doux et bienveillant, elle est celle qui épousa Poséidon et devint donc la déesse des mers –, ses oreilles continuent immanquablement de guetter les bruits des vagues contre les rochers, ou qui viennent lécher le sable de la plage. Comme pour se rassurer lui-même, pour se dire qu'elle est toujours là. Qu'elle l'attend. Qu'elle l'appelle, l'invite à la rejoindre, à la retrouver. À l'aimer comme parfois l'on peut aimer une femme : on veut la faire sienne, la posséder, la connaître et la découvrir, tout savoir d'elle. Glisser ses mains sur sa peau, redessiner ses formes, s'imprégner de la force de son regard et déposer ses lèvres sur les siennes dans un baiser qui vaudrait mille mots. Sihem n'est jamais pleinement lui que dans les méandres de l'eau qui vient caresser sa peau salée, ses yeux rougis par l'eau iodée. Et qu'est-ce qu'il s'en fout putain. Au diable ceux qui le prennent parfois pour un fou, parce qu'il l'est, fou : fou de la grande étendue d'eau qu'il a sous les yeux et qui lui apporte le bonheur, le bien-être, la plénitude que ceux qui parlent, qui chantent, qui bougent, qui passent leurs vies sur terre ne sont tout bonnement pas en mesure de lui apporter, quand bien même ils essaieraient. Il ne pourrait vivre qu'avec son exact identique, une personne qui aimerait la mer plus qu'elle ne l'aimerait lui, et ainsi tous deux seraient libérés des contraintes qu'entraîne la dépendance à autrui qu'il trouve bien triste. Pourquoi donc s'attacher à quelqu'un qui finira toujours par partir, quand on a une éternelle alliée, comme lui ? À tirer sur sa cigarette, assit au milieu de la plage, face à la mer, Sihem prend conscience de tout cela. À vingt-quatre ans, il n'a pas la vie que certains auraient rêvés pour lui; sa mère l'aurait voulu marié, peut-être avec son premier enfant, dans la maison non loin de la leur, avec son père, et toujours proche d'eux. L'archétype même de l'homme qui n'a jamais réussi à couper le cordon d'avec sa génitrice et qui s'enfonce toujours plus dans ce cocon bien trop protecteur pour ne pas étouffer celui qui est à l'intérieur. Son père, lui, aurait sans doute préféré le voir revenir plus souvent, recevoir de ces lettres que les autres marins de son âge envoient à leur famille, remplies des promesses d'un retour prochain, la baloche remplie de souvenirs et d'histoires formidables à raconter, signalant toute fois qu'ils repartiraient sans doute après un an ou deux sur la terre, pour leur tour d'honneur, ce moment où ils rendront ce qui fait d'eux des marins. Mais c'est trop fort, bien trop fort pour Sihem pour être abandonné. Quitte à ne jamais se marier, à ne jamais avoir d'enfants, qu'importe : si on lui retire celle qui le définit en tant que personne, que lui reste-t-il ? Et toujours, il s'obstine a croire en l'idée que personne n'arrivera à le changer. Et pourtant, depuis deux jours, après cette nuit passée dans le bordel du coin, lorsqu'il ferme les yeux pour se concentrer sur le bruit des vagues, un visage continue de lui apparaître, d'une drôle de façon. Il ne lui crie pas de tout lâcher pour lui, de cesser d'aimer la mer pour mieux l'aimer lui. Il est compréhensif, et c'est sûrement bien le seul. Depuis son retour à Douvres, il n'a revu personne. Pas même ses parents, pas encore. Il est toujours resté près de la mer. Toujours. Et rouvre doucement ses yeux, alors clos, qui contemplaient dans le noir de ses paupières le visage lointain de Rivka. Un léger soupir s'échappe d'entre ses lèvres. Il a brièvement entendu parlé d'une femme, la vingtaine, légèrement typée asiatique. Et irrémédiablement, elle lui est revenue en tête. Le seul détaille qui cloche étant des soit-disant tatouages. Rivka n'est pas tatouée. Pour avoir observé et caressé son corps, il le sait : elle n'est pas tatouée. Son regard commence à tourner autour de lui, s'arrêtant sur les quelques personnes qui tournent ici et là sur la plage, avant de se tourner vers le port. Lentement, il se relève, et laisse ses pieds le mener là-bas. Là-bas, là où il y a son bateau, son Amphitrite. Il fait doucement craquer son cou, marche, marche. Et arrivé devant, le regarde avec l'hésitation qui toujours vient l'enserrer : repartir maintenant, ou attendre ? Elle le hante, cette hésitation. À chaque fois. À chaque fois poussé par ce désir de retrouver la mer comme l'on voudrait retrouver une femme. Son regard se détourne du voilier, comme pour ne pas influencer son jugement, et se pose sur une silhouette qui lui semble familière, plus au loin. Il hésite à nouveau, mais pour autre chose cette fois. Il la détaille, cette femme qu'il semble reconnaître. La regarde faire – mal – son nœud d'amarrage. Et enfin, elle tourne légèrement la tête vers lui. Plus de doute. Et voilà que finalement, le destin lui fait un signe. Il s'avance, ébouriffe rapidement ses cheveux, et enfonce ses mains dans son vieux coupe-vent bleu marine – toujours. Un léger sourire sur les lèvres, placé derrière elle, il commence à parler. « Je t'avais pourtant montré comment les faire, les nœuds de ce genre. Tu l'as mal fait, il ne tiendra pas s'il y a des vagues, et en plus tu l'as fait en tête d'alouette : il se sectionne à la moindre pression en trop. » S'accroupissant pour saisir la corde en lui adressant un petit sourire, il entreprend, sans son accord, un nœud en demi-clé, avant de se redresser, son sourire qui s'agrandit. « Et voilà. » Sihem plante son regard dans le sien, une drôle de sensation lui prenant le cœur. Le genre qu'il serait incapable de décrire. Et ses yeux finissent par glisser le long de son corps, de haut en bas et de bas en haut, avant de s'éterniser sur son visage après avoir remarqué l'encre, sur sa peau. Et de nouveau, les yeux dans les yeux, il ne peut retenir un petit sourire. « Je t'ai connue mieux ancrée, et surtout moins encrée. » Humour de marin, dira-t-on, lorsque lui qualifierait plutôt ça comme étant le signe de la gêne. Il souffle un coup, comme pour une bouffée de courage qu'il se donnerait à lui même, avant d'avancer sa main vers la sienne, de la saisir, de la serrer. Et de finalement l'attirer toute entière vers lui, passant ses bras autour d'elle – et si elle ressent toujours la même chose que lui, eh bien, elle n'y verra pas d'inconvénient. Et doucement, dans un murmure qui se perd au fond des vagues : « Ça me fait plaisir de te voir. » |
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| Sujet: Re: little whispers in the waves (r) Sam 26 Oct - 9:38 | |
| Elle fait son nœud, le visage fermé. Elle n'a pas tellement envie d'être là, au fond. Douvres n'a pas la majesté d'une ville qu'elle voudrait découvrir. Elle est restée suffisamment longtemps, il est temps de repartir vers des contrées plus exotiques et surtout moins grises. Elle ne fait pas attention à ce qu'elle fait et pourtant elle est loin d'être distraite, d'habitude. Simplement les nœuds d'amarrage n'ont jamais été son fort. Et puis au fond, elle n'a pas vraiment envie de le laisser là, son bateau. Elle a l'envie de s'enfuir, Rivka, de retrouver l'océan qu'elle a laissé depuis trop longtemps et elle pense à son départ prochain au lieu de penser à son nœud. Elle a la tête pleine d'Heka, aussi. Heka qui est partie se jeter dans les bras de son Eurydice. Prisonnière d’une felle trop sédentaire pour une voyageuse, âme errante pour qui seul le monde est un empire suffisant. Eurydice n’est pas comme elle, pas comme elles. Est-ce qu’elle se rend compte, de ce qu’elle est en train de gâcher ? Tenter de la retenir sur terre alors qu’elle appartient tout entière à l’océan. Heka est fille des chemins, enfant de la bohème, Heka c’est un goéland. Elle est belle Heka, mais dans sa liberté seulement. On ne peut pas mettre les oiseaux en cage et garder leur beauté intacte. Jalouse, Rivka ne l’est pas. Elle refuse seulement de voir son renard apprivoisé entravé par une autre. Heka est libre et elle doit le rester. Si elle veut partir, Elle partira. Si elle veut rester, elle restera. Rivka ne la retiendra pas. Elle trace sa route, Rivka, et tant pis pour les autres, même pour Heka. Même pour Sihem. Elle n’a jamais cherché à le retrouver. Elle aurait pu, pourtant, tenter de questionner les marins dans les ports où elle accoste. Mais elle ne s’y est jamais résolue. Elle retrouvera Sihem mais elle ne le devra qu’au vent qui l’aura portée jusqu’à lui, qu’au hasard qui aura décidé de les réunir, un jour, juste comme ça. Elle sourit parfois, rien que d’y penser. C’est beau d’imaginer qu’un jour, l’océan les réunira. Elle n’est pas du genre à ressasser ses souvenirs avec mélancolie, regrettant un temps passé. Rivka, elle préfère aller au devant des choses, au devant de son futur, plutôt que de rester focalisée sur son passé. C’est ça qui la rend belle. Elle n’est pas froide ou indifférente, au contraire. Elle aime bien les gens, Rivka. Elle aime découvrir les âmes dans les yeux. Elle tente d’en apprendre plus sur eux, de loin, de deviner, de dessiner. Mais jamais de les cerner. Quel intérêt, d’enfermer des inconnus dans des cases pour avoir l’impression de mieux les connaître et ne plus les craindre ? L’inconnu fait peur, l’inconnu est laid. Mais Rivka, elle, le trouve magnifique, l’inconnu. Parce que la plus belle action est encore de découvrir. Elle s’attache aux gens, Rivka, mais d’une manière étrange. Elle sait les aimer mais en gardant un certain détachement. Elle ne dépend pas d’eux. Elle n’a pas besoin d’eux. Elle est liée mais le lien reste élastique. Il n’est pas nécessairement rompu, non, mais Rivka ne reste jamais. Pour rien ni personne. Rivka appartient à l’océan, aux sentiers tracés sur l’eau. Elle n’est elle-même que quand elle erre sur les chemins. Ce serait idiot, d’essayer de la retenir. Elle est comme le vent, Rivka, et elle se laisse porter par lui. Elle tourne légèrement la tête, le regard dans le vague, et le laisse jouer avec ses cheveux qu’il s’amuse à emmêler, à faire voleter tout autour d’elle. Elle ne regarde rien de précis, le ciel peut-être, pensant déjà au moment où elle reprendra la mer, où elle s’éloignera de cette terre qui manque trop de couleurs, de douceur et de force. Aucun endroit n’a la beauté de l’océan qui rugit, rien ne peut reproduire cette sensation qu’elle a, lorsqu’elle ne fait qu’un avec lui. Ce sentiment d’être en parfaite communion avec lui et d’être exactement là où elle devrait être. Elle repose ses yeux sur son nœud avec une petite moue, ne perçoit pas que les pas dont elle distingue le bruit se dirigent vers elle, précisément. Mais elle entend la voix et elle sait. Elle la connaissait trop bien pour l’oublier. Et elle comptait trop, surtout. Cette voix capable de l’apaiser, de discipliner son caractère fougueux, de la mettre en colère, aussi, et de la faire crier avec des larmes plein la voix. Elle n’a pas besoin de lever les yeux ou de se retourner. Elle sait que c’est Sihem derrière elle, et elle le saurait quand bien même il ne lui aurait laissé aucun indice. Mais elle tourne la tête quand même pour attraper au vol le sourire qu’il lui adresse et pour fixer son visage, alors qu’il refait son nœud pour elle. Elle n’a rien demandé, et lui n’a pas l’autorisation pour, mais elle s’en fiche. Ce n’est pas quelque chose qu’elle accepterait de la part de n’importe qui : pas question qu’on touche à son bateau, mais Sihem n’est pas n’importe qui. Elle affiche un petit sourire amusé sur ses lèvres. – Tu sais que j’ai toujours détesté ce nœud. Et puis c’est triste d’attacher un bateau. Elle se retourne pour lui faire face, fouille ses yeux, son visage. Il ne lui semble pas différent, Sihem, et c’est peut-être parce que le retrouver ici, c’est abolir les deux années de séparation, sans aucune nouvelle, c’est effacer d’un seul geste le temps perdu entre eux mais qui n’a jamais été vraiment perdu, puisque c’était du temps passé en compagnie de l’océan, le grand, l’unique, celui qui compte le plus. Le magnifique, sublime par sa violence, par sa douceur, capable de bercer autant que de faire s’écraser contre les rochers. L’océan qui fait chavirer leurs cœurs. Elle se redresse à son tour pour mieux le voir la regarder, s’attarder sur les dessins visibles qui ornent désormais sa peau. Elle hausse légèrement les épaules, avec toujours le même amusement. – Quoi, tu n’aimes pas mes histoires ? Histoires lointaines, histoires extraordinaires écrites à même sa peau. Elle regarde toujours son visage, cherchant une marque d’approbation ou de désapprobation de sa part, même si, au fond, elle s’en fiche. Elle veut simplement savoir si ça lui plait ou pas, s’il laisserait à nouveau ses doigts courir sur sa peau pour découvrir les dessins. Il l’a aimée, Sihem, et il l’a aimée vrai. Il n’a pas menti, il ne lui a pas fait de fausses promesses, faisant miroiter monts et merveilles devant ses yeux. Elle a toujours su qu’il repartirait, et elle l’a laissé repartir. Maintenant, ils sont là tous les deux, l’un en face de l’autre, changés et pourtant toujours les mêmes. Ils ont tant de choses à dire, à se murmurer, une nuit presque légère mais profonde, assis sur le point du bateau, en regardant la mer qui les a séparés hier et réunis aujourd’hui. Sa main attrape la sienne mais ça ne suffit pas, ce n’est pas assez pour combler deux ans d’absence. Alors c’est elle toute entière qu’il attire à lui, et c’est comme s’il ne l’avait jamais quittée. Et Rivka ne peut s’empêcher de sourire parce qu’elle a toujours su, que leurs retrouvailles se passeraient ainsi. A son tour, elle passe ses bras autour de son cou, rendant l’étreinte réciproque. Puis, elle dépose doucement un baiser dans le creux de son épaule, goûtant au sel de sa peau. Avant de chuchoter à son oreille, comme une caresse – Ça me fait plaisir à moi aussi. |
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| Sujet: Re: little whispers in the waves (r) Mar 29 Oct - 23:26 | |
| Si on avait dit à Sihem que le destin le mènerait à Douvres, qu'il y croiserait la seule femme qu'il n'a jamais vraiment aimé – des sentiments qui diffèrent totalement de la simple et unique envie lié à l'acte sexuel, de cette curiosité qui l'enserre à l'idée de retrouver dans le corps de ces autres les remouds de la mer, la couleur de l'eau dans le profond de leurs yeux, le bruit des vagues au fond de leur âme, le désir insatiable de sentir une femme contre son corps, des baisers contre sa peau, la fusion de leurs deux personnes pour ne faire plus qu'une seule en échange de quelques billets à peines, pour braver la solitude que lui impose son unique amour réelle ; la mer. Parce que c'est ce qui s'est passé avec Rivka : il l'a aimée, vraiment, avec des sentiments qui allaient bien au-delà du désir charnel, de l'attirance physique sans aucun attrait pour l'âme enveloppée dans cette chair typée, désormais encrée. Il l'a d'abord aimée pour son prénom, qui claquait dans sa bouche, faisant frissonner sa langue, son palais. Ce prénom qui rappelle tant les rivières, les enfants de la Mer, la seule et l'unique, ces bâtardes qu'elle a fait naître au creux des terres qu'elle a envahit et colonisé de la sorte, laissant sa trace un peu partout. Il l'a aimée pour ce regard marron profond dans lequel il semblait y lire les mêmes choses que le sien pouvait raconter ; un dialogue de sourds muets qui s'était lentement, naturellement instauré entre eux pendant ces instants de silence où seuls leurs regards s'embrassaient, s'embrasaient, communiquaient tout ce que chacun avait à dire à l'autre, sans qu'il ne puisse le cacher autrement qu'en fermant les yeux. Mais fermer les yeux serait revenu à perdre l'image de cette beauté atypique, une beauté qui n'en est pas vraiment une, un visage unique comme l'on ne pourrait en croiser d'autre : elle a dans ses traits la douceur de l'écume et la violence des vagues, la profondeur des océans et l'immensité de ces étendues qui continuent de l'appeler – si certains marins cèdent aux appels des sirènes dans les mythes qu'il a tant aimé découvrir, presque autant que le corps de sa Rivka, Sihem, lui, n'a guère besoin de ces créatures mi-femmes mi-poissons ; sa véritable sirène était, est et restera toujours la Mer elle-même. Le corps de Rivka qu'il peine pourtant à reconnaître, sous ces dessins indélébiles à l'encre noire ou de couleur qu'elle s'est rajouté dans la peau, qui lui fait perdre petit à petit ses repères, à Sihem. Il ne retrouve plus ces grains de beauté dont il avait apprit par cœur l'emplacement durant les heures de contemplation de ce corps endormi, dans l'obscure clarté de la nuit, sous le regard attentif et protecteur de la lune. Ces petites îles perdues dans l'océan de sa peau qu'il a effleuré pendant le sommeil de sa belle, quand elle venait se serrer contre lui, nue, laissant à son regard curieux et avide le soin de contempler cette étendue de douceur dans laquelle ses doigts se noyaient ; le genre de mer dans laquelle il se serait jeté à corps perdu sans jamais penser à remonter à la surface, marin engloutit dans les méandres d'un épiderme qu'il aurait trop aimé, que ses lèvres auraient trop baisé. Ces îles dont il aura cherché tout les trésors, mémorisant leur longitude et latitude pour pouvoir les retrouver sans carte, sans rien d'autre que son instinct qui l'aurait conduit jusqu'à elles ; elles n'apparaissent que pour celui qui les désire vraiment, que pour Sihem. Sous la transparence du tissu fin de son haut, il devine ces dessins qu'elle se plaît à appeler ses « histoires », se remémorant les endroits où ses îles étaient ancrées avant d'être encrées, noyez sous des raz-de-marées de noire, de rouge, de jaune dont il ne comprend pas réellement le sens. Mais bien qu'il a toujours chérit ces îlots de terre imaginaires, sur lesquels il entreprenait les plus beaux voyages, ceux qui lui donnent envie de repartir à leur recherche, de redécouvrir cet océan qu'il a délaissé pendant deux longues années et dont il devra se réapproprier la surface et les profondeurs, ces étendues salées restent celles de Rivka – ce prénom, ce prénom qu'il a bien souvent hésité à prononcer entre deux vagues sur lesquelles il voguait, solitaire – et il était et est de son droit de recouvrir ou non les endroits où il aimait tant jeter l'ancre de ses lèvres pour ne plus jamais les quitter. Elle lui demande un avis sans vraiment le lui demander, un avis qu'il n'a ni à avoir ni à donner : ces terres sont sa propriété à elle, évidemment, elles n'étaient que le prêt de quelques nuits pour le marin qu'il est. Il évite la question, le marin. L'élude par une autre, accompagnée d'un sourire à la fois charmeur et sincère. « Certaines de tes histoires parlent de moi ? Il faudrait que tu me les racontent, pour pouvoir me le dire. » La question semblerait anodine à quiconque l'entendrait, une question un peu rieuse, qui n'en dit pas forcément long sur ses réelles idées, son vrai désir de savoir. Car le désir est là, la curiosité lui pique la peau plus encore que le sel marin sur les plaies des longs voyages tout seul : est-ce qu'il est le personnage de l'une de ces nombreuses histoires qu'elle a jugé suffisamment importantes pour être notées sur sa peau et jamais oubliées ? Est-ce qu'il fait partie de ces souvenirs qu'elle veut dévoiler en partie aux autres, où n'est-il que l'un des recoins poussiéreux de sa mémoire ? Jamais il ne le demandera de la sorte, et pourtant, ça le tourmenterait presque, tel le vent qui menace de s'abattre violemment sur son voilier. Il garde la surface de son visage aussi lisse qu'il le peut, adressant un petit sourire à son interlocutrice. Il acquiesce doucement. « Je sais. C'est pour ça que je me suis permis : tu ne m'aurais pas jeté à l'eau. » Quoi que ça ne l'aurait pas forcément dérangé, Sihem, de retrouver les eaux houleuses et colériques de la mer, trouvant ainsi une bonne raison de partie quand il a en face de lui une raison de rester quelques jours de plus – une raison plus que bonne, par ailleurs. Une raison qui l'a déjà retenu suffisamment longtemps pour pouvoir rester enfermée dans son esprit, à souvent venir se projeter sur ses paupières dans l'obscurité manquant cruellement de clarté sans elle de la nuit. Et il la retrouve dans ses bras. Ses bras qui se serrent tout autour de son corps mince, de ces océans de souvenirs qui viennent déferler sur son cœur, s'abattre sur lui dans une douce violence qui le chamboule en secret, au plus profond de son âme. L'étreinte se resserre peu à peu, pour la sentir plus proche encore de lui, pour se rappeler ces promesses qui n'en étaient pas vraiment qu'ils s'étaient murmuré du bout des lèvres, la nuit de son départ. Dans un souffle qui s'est perdu au coin de ses commissures, lorsqu'il l'a embrassée pour la dernière fois avant de retrouver son véritable amour, tel un homme qui saluerait sa maîtresse à la fin de la nuit pour retrouver les bras de sa femme qui l'appelle, le ramène à elle, sans jamais promettre à la seconde qu'il la reverra un jour, sous le manteau de la nuit, éclairés par les étoiles, jusqu'à ce que le soleil les dérobent l'un à l'autre. Et c'est sans doute le meilleur des résumés à faire lorsqu'il repense à leur relation, si belle mais tellement éphémère. Elle était sa maîtresse quand sa femme, sa véritable femme, celle qu'il a aimé dès le premier regard et qu'il aimera jusqu'à son dernier souffle l'a finalement rappelé à elle pour un voyage dont il ne sera jamais revenu réellement, un voyage qui n'est toujours pas terminé, simplement mit en pause le temps d'un repos pour son cœur auprès d'un alter ego retrouvé. Il rouvre doucement ces yeux qu'il avait clos, comme pour garder enfermée la beauté du moment. Son regard vient se perdre dans les vagues de cheveux noirs qui volent derrière elle, qui volent en direction de la mer, semblant lui rappeler ce à quoi il appartient réellement – ils appartiennent ? Doucement, sa main frotte le dos de Rivka, avant qu'il ne se détache finalement d'elle, qu'à peine, pour pouvoir contempler de nouveau les traits de son visage de poupée des mers à la peau salée, et aux lèvres gercées. Il la détaille, fait doucement, lentement, presque tendrement glisser le bout timide de ses doigts sur sa joue, dans une caresse qu'il n'a pas effectué depuis bien longtemps. Un sourire un peu mélancolique vient se dessiner sur son visage, tandis que sa main retombe lentement le long de son corps, s'arrêtant pour attraper le bout de la sienne, pour ne plus le lâcher. Et toujours silencieux, il la tire, l'attire vers lui, la forçant sans geste brusque à faire un pas vers lui. Son visage se rapproche du sien, ses lèvres viennent effleurer les siennes, doucement, presque interdites. Elle lui a manqué, Rivka, malgré tout. |
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| Sujet: Re: little whispers in the waves (r) Ven 15 Nov - 18:17 | |
| La surprise a acquis une place importante dans la vie de Rivka depuis qu’elle est partie, laissant tout derrière elle, téléphone et adresse, offrant au hasard la possibilité de décider de son existence. Elle s’en est remise à la mer et au vent, aux flots houleux pour la guider. Vers où ? Vers quoi ? Jamais elle ne se pose la question, puisqu’elle n’a pas la réponse. Seul l’océan sait où il l’entraîne. Et pourtant, elle a beau aimé cette vie, chérir cette liberté et cette communion naturelle avec la seule chose qui puisse la gouverner, qui possède des droits sur elle, parfois les gens lui manquent. L’absence d’Heka se ferait cruellement ressentir si elle venait à rester là, dans les bras d’Eurydice, comme pour y trouver un port, au lieu de repartir avec elle. Mais surtout, c’est le manque de Sihem qui lui pesait lors des longues nuits de solitude où elle s’abîmait dans la contemplation des vagues jusqu’à entrapercevoir son voilier au loin, illusion si douce dans une lucidité pourtant profonde. Sihem l’a suivie, pendant ces deux longues années à n’appartenir qu’à la mer. A croire qu’il ne l’a jamais vraiment quittée. Sihem, elle l’a toujours recherché mais sans le dire, fouillant les vagues à la recherche de son visage familier. Même quand elle épanchait sa soif d’amour et de caresses dans les bras d’un autre pour un voyage d’une nuit unique, elle se laissait parfois aller à penser à lui. Rivka n’appartient à personne si ce n’est à l’océan. Elle glisse entre les doigts pour mieux s’échapper, pour mieux retrouver son univers, son unique empire. Elle n’est pas des femmes qu’on emprisonne derrière un statut, elle n’est pas la fiancée, ou l’amie. Elle est elle, Rivka, la fille des océans. Et pourtant, elle est sienne, derrière cette promesse muette, cet échange de regards, tout comme il est sien. Leur relation n’a rien d’exclusive, ils se sont naturellement aimés mais en respectant la liberté de l’autre toujours, et surtout pour admettre qu’ils ne seront jamais ce que l’autre a de plus important. S’ils ont à choisir, ils choisiront l’un comme l’autre la mer. Mais à quoi bon se réfréner, à quoi bon se mentir, à quoi bon la jalousie ? Ils sont parfaitement semblables, se ressemblent et se complètent. Rivka n’a pas demandé tu m’aimes ? Elle n’a pas dit si tu m’aimes, reste avec moi. ne pars pas. ou emmène moi. Rivka ne savait que trop bien qu’elle n’avait pas encore sa place sur les vagues et qu’elle devrait choisir le moment où elle serait prête seule. Un moment magique qui n’appartiendrait qu’à elle et qu’elle ne pouvait pas gâcher en choisissant de partir, non pas par amour de la mer, mais par amour d’un homme qui aimerait toujours quelque chose d’autre davantage. Comment aurait-il pu continuer de l’estimer, et comment aurait-elle pu continuer de s’aimer, si elle n’avait agi que pour le suivre au lieu de suivre son propre destin ? Rivka n’est pas de celles que l’on emmène avec soi car les adieux sont trop durs. Elle n’a rien de la princesse qu’on aurait fait trôner sur un royaume illusoire et qu’on aurait apporté pour satisfaire ses nuits et combler l’isolement. A quoi bon un navire quand on peut avoir l’océan ? Pourquoi se rattacher à un bateau quand la mer pourrait être le domaine ? Pourquoi se laisser emprisonner quand on peut choisir la liberté ? Alors Rivka l’a laissé partir. Elle l’a regardé glisser au loin sans un mot, sans une larme. Parce qu’elle savait au fond d’elle que ce moment arriverait, ce moment où l’océan déciderait qu’il était temps pour eux de se retrouver. Quand elle est partie à son tour, seule, elle n’avait pas peur. Parce qu’il était là tout entier, avec elle et l’océan. S’il est inscrit dans sa peau ? Elle affiche un léger sourire, riant de sa question. S’il est inscrit dans sa peau ? Sihem est celui qui l’a initiée à l’océan, qui l’a offerte à la mer tout en lui offrant en retour. Comment pourrait-il être absent ? Ce corps sur lequel elle a voulu qu’on dessine à l’encre indélébile pour ne jamais oublier, c’est celui qu’elle lui offrait durant des nuits d’amour. Comment pourrait-elle l’oublier, lui refuser de marquer son appartenance à sa vie, leurs destins croisés ? Son regard vient rencontrer le sien, se noyer dans son azur. – Tu me poses vraiment cette question ? Comme si tu pouvais en douter. Tu crois qu’après tout ce temps, je serais là, près de toi, si tu n’étais pas enfoui sur ma peau, parmi tous les autres voyages ? Sihem était son premier, de voyage. Il suffisait qu’elle se perde dans ses bras, que ses lèvres errent sur sa peau salée et qu’il lui murmure à l’oreille des paysages lointains pour qu’elle s’évade et s’envole. Si elle est partie, c’est à cause de lui, ou plutôt grâce à lui. Il l’a délivrée de la prison où on s’attendait à la voir évoluer et grandir. Mais Rivka n’aurait pas été heureuse, là-bas, dans cette vie trop rangée, trop banale, trop routinière, pour celle qui voulait appartenir au monde entier. Sihem lui a ouvert les yeux, lui a donné une possibilité, lui a offert une issue là où tout semblait déjà écrit. Elle se rapproche de lui, et sa voix se fait plus douce, plus basse, dans un murmure rauque mais pourtant harmonieux. – Un soir, pour combattre le froid, sans doute. Sans doute ? Oui, il peut se débarrasser de ses doutes, elle le fera. Ils ont tant de choses à se dire, à se conter un soir, les yeux dans les yeux, à s’abreuver du visage de l’autre d’un œil avide. Rivka veut savoir tout ce qui lui est arrivé alors qu’elle n’était pas là, elle veut un soir magique dans un mélange de souvenirs, à mi-chemin entre l’avant et le maintenant, entre l’amour de la mer, trop amer parfois quand ils s’endorment et se réveillent seuls, et leur amour à eux. Elle n’est pas jalouse, Rivka, elle se fiche qu’il ait aimé d’autres femmes le temps d’une nuit, elle veut simplement abolir les secrets et les non-dits qui pourraient s’immiscer entre eux, dans leur relation trop pure pour s’arrêter à de telles considérations. La seule chose qui pourrait blesser c’est une barrière invisible instaurée entre eux par le temps, l’éloignement et l’oubli. Barrière qui n’est pas là aujourd’hui. Elle lui adresse un sourire complice, acquiesce d’un léger signe de tête. – Tu as raison, je ne t’aurais pas jeté à l’eau. Mais c’est uniquement parce que c’est toi. C’est une femme de caractère, Rivka. Il aurait été hors de question qu’elle laisse un inconnu la reprendre, et poser ses mains sur son bateau sans autorisation, quand bien même il s’agirait de réparer ses erreurs. Mais il s’agit de Sihem et alors tout est différent. Sihem lui a tout appris. Sihem est son âme sœur, là où ils appartiennent tous deux à une entité supérieure, aux vagues qui se brisent sur les côtes comme pour dénoncer la terre et l’ensevelir un peu plus, les entrainant vers le large par la pensée, pour mieux les attirer à nouveau à elles. Pourtant à cet instant précis, elle n’a pas envie de repartir, de s’éloigner des bras de son ancien amour, de son amour de toujours, où elle vient se perdre. Si elle n’est elle-même que voguant sur l’océan, peut-être qu’elle ne se rattache à aucun autre endroit existant que ses bras. Mais il lui semble être une île, au milieu de l’océan, où elle peut s’arrêter, mais pas un port, jamais, qui l’emprisonnerait. Rivka n’est pas captive de ses bras puisque consentante. Elle ne se délecte que davantage de leur rapprochement, de la caresse paisible, du contact de leurs deux peaux, de leurs deux corps. Et c’est leurs lèvres qui s’unissent tendrement, (presque) doucement, si un certain empressement ne venait pas accélérer leurs retrouvailles, Rivka refusant l’attente et l’envie de leurs bouches trop proches mais trop lointaines. |
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