Andrée, elle a toujours aimé la mer. Elle est fascinée par cette infinité, cette étendue de bleu. Elle trouve ça beau, impressionnant. Elle s’arrête souvent pour regarder les vagues, marcher les pieds dans l’eau. Elle aimerait pouvoir s’y aventurer, dans la mer. Elle voudrait voyager très loin, prendre le large et s’envoler loin, juste comme ça, pour voir comment c’est de l’autre côté de l’horizon et puis revenir parce qu’elle sait qu’elle pourra pas partir longtemps, ça lui manquera. Andrée elle a toujours aimé la mer, pourtant Andrée, elle a jamais apprit à nager. C’est triste de ne pas savoir nager quand on grandit tout près de l’eau. Pourtant elle en a pas peur de l’océan, elle le connait depuis toute petite, mais simplement y’a personne pour lui apprendre. Elle vit avec sa tante, depuis toute petite parce qu’elle est orpheline. Ses parents ont disparus dans un accident de voiture. Du jour au lendemain elle se retrouve seule Andrée, avec son prénom de vieux, de garçon en plus. Elle sait pas d’où ça vient, peut-être qu’on a ajouté un « e » au dernier moment parce qu’on pensait que c’était un garçon. C’est raté. Mais pourtant, elle a jamais ressenti de manque, elle s’est pas senti abandonnée. Elle a perdu ses parents, c’est comme ça, c’est triste mais c’est la vie, on fait avec. Elle a jamais manqué d’amour, elle a pas connu une enfance décadente. Elle a grandi entourée, par des cousins, de la famille d’à droite à gauche, des amis et puis Francis. Andrée elle trempe ses pieds dans l’eau, parce qu’elle peut pas aller plus loin. Pourtant un jour elle a essayé, juste pour voir, parce que la mer lui fait pas peur, elle a fait un pas de plus. Puis deux, trois, jusqu’à avoir de l’eau jusqu’au genoux. Et puis badaboum les vagues, Andrée se retrouve emportée par le courant, et puis elle coule. Mais elle meurt pas non, il en faut de peu. Quand elle se réveille, elle a tout oublié. Ses souvenirs, sa mémoire, toute sa vie s’est noyée avec elle, sauf qu’elle a pas réussi à remonter. Alors depuis un mois, Andrée c’est plus qu’un corps de vingt-quatre ans auquel on a donné un nom. C’est toujours la même pourtant, c’est toujours la jeune femme douce, un peu ailleurs qui est toujours serviable. Celle qui dit bonjour aux petits vieux et qui s’énerve pas souvent, qui pleure parfois pour des broutilles. On lui dit qu’elle a pas changé, elle hausse les épaules en souriant, si vous le dites, c’est qu’c’est vrai qu’elle répond toujours. Elle réapprend sa vie, on lui raconte pleins de chose sur elle, et elle essaie de faire comme si c’était elle, en se disant qu’avec le temps ça viendra tout seul. Qu’un jour peut-être tout lui reviendra, les médecins ils ont dit que ça arrivait parfois. Mais parfois ça laisse pas beaucoup d’espoir. Mais Andrée, elle a de l’espoir pleins les poches, elle s’en fou des probabilités. Tant qu’on y croit, y’a rien d’impossible.