Barnabas.
Barnabas c'est un peu comme un tableau de Salvador Dali, celui qui joue sur les contrastes, sur les nuances. Celui sur lequel il faut s'attarder pour en voir surgir une autre facette, un autre sens. Les moins courageux ne font que passer devant lui, le regarder du coin de l'oeil pour y découvrir quelque chose de terne.
De terne et sans profondeur.  Le genre de peinture qui semble avoir perdu de sa couleur et se grandiose au fil du temps, trop manipulé par des mains sales. Trop fixé par des regards insistants. Des critiques mal placées. Cette face trop pâle, on la nomme Barnabas, le père de famille aux cheveux longs et en bataille. Celui qui possède trop de frics, certainement et passe son temps à vivre dans une maison de catalogue. Sa voiture fait autant de bruit que ses poumons dévorés par la clope. Ça le rend encore plus banal et inintéressant que la foule de gens qui se précipite chaque matin pour aller au travail. Mais lui, il ne quitte que rarement sa maison, un peu comme s'il avait usé toute son énergie durant sa jeunesse et que ses pieds avaient soudainement posés racines ici-même. À Douvres, dans la maison de ses propres cauchemars. Perdu dans son atelier morbide, il en oublie parfois sa fille, même s'il fait étonnement de son mieux pour s'occuper d'elle. C'est certainement la seule chose qui compte réellement à ses yeux, à ce jour. Son unique repère, son équilibre superficiel. Si on ne s'attarde pas sur Barnabas, on peut prétendre qu'il est sain d'esprit et de corps. Juste un peu paumé par la mort de sa femme.

Si on creuse un peu, c'est là que tout vient plus sombre et effrayant. C'est en donnant quelques coups de poing dans son masque que l'on découvre l'ignoble réalité. Celle que personne ne voudrait un jour rencontrer. Les vices d'un homme seul, obnubilé par l'immortalité. Amoureux des enfants et de la jeunesse perdue. Sous ses ongles se cachent toute une pluie de cruauté. Du sang qui ne partira peut-être jamais, incrusté dans les propres parcelles de son corps. Barnabas, c'est une explosion de colère et de folie. Il ne craint pas, non, la justice et la punition. Il ne craint personne si ce n'est sa propre personne, capable de la pire des choses. L'Ignoble ne contrôle pas les démons obsessionnels qu'il possède en son sein. Ses accès de colère sont animés par un feu qui lui brûle l'âme. Pureté, Immortalité, Beauté, Douceur. C'est un monstre avide de fragilité. Un carnassier dont le goût du sang l'effraie parfois. Barnabas pleure sa cruauté plus grande que lui, recherche une lumière qui lui donnerait la sensation de ne pas être qu'une bête féroce.
Parce qu'il ne sait pas, non, à quel moment les ténèbres ont pris possession de son cœur.
Il ne sait pas quand son regard a changé de lueur.
De toute façon, le résultat reste le même.
C'est une hécatombe de sentiments.