Ses ongles parfaitement limés caressent la surface du comptoir. Niel, il a les yeux collés, l'esprit encore soufflé. Niel, il a le coeur qui fait des loupés, des ratés, là, au creux de sa poitrine. Il lève les yeux vers l'horloge, le petit, juste là, au dessus de la porte. 7h28. Il pince ses lèvres, passe sa langue sur l'une d'elle  ; la réceptionniste lève les yeux, l'observe, adresse un sourire. Il baisse les yeux, fin sourire sur les lèvres, les joues rouges, déjà. « Oh niel, t'es adorable. » Elle lève sa main, la pose sur ses doigts, stoppe le claquement des ongles, contre son comptoir. Le petit trop grand lui adresse un regard rapide, un sourire timide, avant de rougir, merci soufflé au bord des lèvres. Rire d'enfants, là, derrière. Il tourne la tête, le pot de miel, sourire sur les lèvres. Le miel brille, au creux de ses prunelles. Les petites sont agitées, bien réveillées, les garçons veulent jouer aux dragons, avant de faire leur prise de sang. Niel, il les observe, là, par les portes vitrées. Il les observe bouger, s'agiter. Petit bruit automatique ; la porte d'entrée s'ouvre, les prunelles changent de route ; moue au creux des lèvres, un instant, lorsqu'il croise le regard d'un visiteur hebdomadaire. Il a peut-être les yeux méchants, au fond, par la déception ; Niel baisse les yeux, murmure un pardon, de peur d'aller en enfer. Derrière, les cris d'enfant, encore. Son prénom, des sourires, tout le temps. Il jette un regard à l'horloge, encore. 7h34. Pincement de lèvres, il fait un mouvement léger, pour aller les amuser. Quelques minutes quelques instants, le temps qu'il en vienne à arriver.

Difficile matinée, comme toutes les autres. Les sourcils sont encore froncés, là, sous ce casque qui semble peser plus lourd que d'habitude. Une partie de mon âme est peut-être restée perdue sous les draps chauds, aujourd'hui, en compagnie de Felipe. Juste de quoi profiter un peu plus longtemps de sa présence. Un soupir de soulagement quitte mes poumons lorsque le grand bâtiment s'installe dans mon champs de vision. Le moteur s'arrête, offre du repos à mes neurones encore fragiles de la nuit passée. Lorsque mon visage retrouve l'air libre j'ai l'impression de retrouver mes esprits. Comme si la masse de nuages tout autour de ma tête venait soudainement à se dissoudre. La grande porte de l'hôpital ne tarde pas à s'ouvrir. L'air médical me prend aux poumons, me donne presque envie de faire demi tour mais la raison de ma venue m'incite pourtant à ne pas tourner les talons. Mes yeux se bleus caressent la réception, rencontrent le sourire d'une réceptionniste me faisant signe de regarder ailleurs. Mes yeux, curieux, se tournent et finissent par s'échouer contre le visage d'un jeune homme. Le voilà, l'inconnu aux messages. Ses traits sont doux, là, dans cet univers trop malade et désespérant. C'est presque agréable de le voir comme ça, avec ses yeux brillants. Pourtant, dans le doute, ma voix résonne, sûre d'elle. « Miel ? » La lèvre inférieure se retrouve pincée pour empêcher le rire de s'en échapper. Il fait fausse note, ce rire joyeux et pétillant, le rire à Ilir. Tant pis. « Non, Niel, j'veux dire. » Mes doigts se resserrent instinctivement sur le casque, laissant mes yeux se perdre vers l'horloge, y apercevoir un léger retard. « La route est toute gelée, j'suis obligé de rouler doucement. Désolé. » Même mes yeux sont en train de lui sourire, au petit.

Il a ce sourire, là, doux, sur ses lèvres. Il est heureux, Niel, à voir la petite lui montrer sa dernière peluche, celle que son père lui a apporté, la veille. Il passe ses doigts dans ses cheveux fins, en lui souriant doucement. Elle ressemble à une petite princesse, malgré sa peau pâle et ses veines apparentes. « Miel ? » Il clignote des yeux, sur le coup, un peu surpris. Les yeux grands ouverts, il finit par se redresser, pour observer. « Non, Niel, j'veux dire. » Niel observe les traits de l'homme, alors que celui-ci observe l'horloge. Il a les yeux bleus ; bleu joyeux, avec un peu de vert et de jaune. C'est une jolie couleur qui capte son attention, pique sa curiosité. « La route est toute gelée, j'suis obligé de rouler doucement. Désolé. » Ils brillent ses yeux, alors qu'il serre son casque. Niel lui adresse un fin sourire, avant de s'approcher. Il fait quelque pas, là, de ses pieds légers. « oh mais - avec la glace, c'est dangereux » Il fronce un petit peu des sourcils, en penchant la tête sur le côté. Il rougit un peu, même, face à son audace ; on ne dit pas des trucs comme ça aux gens que l'on ne connait pas. « pardon je - c'est pas de mes affaires. » Il baisse les yeux, tout en parlant, passant ses doigts contre sa nuque d'enfant. Niel pince ses lèvres, un peu, avant de l'observer de nouveau. « hm... je connais pas votre nom par contre. il a écrit connard avec un coeur, pour le répertoire. » Niel, il joue avec ses doigts, gênés,.

Sa voix résonne, douce à mes tympans. Elle est presque comme une caresse contre mes pensées. J'ai l'impression de me retrouver dans un autre monde, soudainement. Les insultes de Felipe sont remplacées par l'agréable timbre de Niel. Et je lui souris, de le voir enfin, après cette nuit à imaginer les traits de son visage. Cette nuit à penser à un inconnu, quelle idée. « oh mais - avec la glace, c'est dangereux » Cette glace, elle m'en aura apporté des réflexions, de la part de la terre entière. Mais le danger est partout, celui du givre est visible, au moins. Il nous tombe pas sur la gueule par surprise, non. « pardon je - c'est pas de mes affaires. » J'suis presque surpris d'entendre un pardon quitter ses lèvres. Surpris de chacun de ses mouvements, même. Il m'en faut peu, au final, pour finir en extase. Si peu que mon sourire n'a cesse d'augmenter, de se faire plus présent et plus voyant. C'est d'un pétillant, tout ça. « hm... je connais pas votre nom par contre. il a écrit connard avec un coeur, pour le répertoire. » Ma respiration se coupe légèrement, sous la surprise. Un nouveau rire prend forme dans mon palais. Les idées de Felipe. Mon regard bleuté rencontre à nouveau celui de Niel, s'y perd sans la moindre source de gêne. « Oh. Moi, c'est Ilir. Vous devez vous dire que l'on est fou et con … fin c'est le cas, après tout. » J'baisse légèrement la tête, faut dire que Niel, du peu que j'ai pu en voir, il a l'air d'un autre univers. Une source de calme et d'intelligence que j'ai rarement eu l'occasion de rencontrer. Ma main s'agite légèrement dans le vide dans un bruit de sac et se soulève légèrement. « J'ai apporté des croissants, c'est pas grand chose pour vous remercier mais les commerces sont pas encore ouverts, sauf les boulangeries. J'vais pas vous déranger plus longtemps, de toute façon, vous travaillez. » Une grimace déforme mes traits en guise de pardon.

Il y a quelque chose dans ses traits ; quelque chose de sauvage et pourtant de tant amical. D'exotique un peu, aussi ; il doit en avoir vu des choses, qu'il se dit, Niel. Il doit avoir vu tant de choses ; il le voit, Niel, par ce qui brille au fond de ses prunelles. On dirait un joyau ; des milliers de joyau, même. Tant de petites histoires à raconter ; des histoires que l'on veut entendre, avant de se coucher, ou alors autour d'un thé. Et puis son rire, dans les airs. Un rire là, doux, et pourtant léger comme du cristal. Il voyage dans l'air et fait naître un sourire léger sur les lèvres de Niel. Il sourit doucement, le petit, en l'observant. Il l'observe comme un enfant, jouant encore un peu avant de ses doigts. « Oh. Moi, c'est Ilir. Vous devez vous dire que l'on est fou et con … fin c'est le cas, après tout. » Ilir. Liberté. Ça compte des histoires, ça aussi. Niel, il a les yeux qui brillent un petit peu plus, à y penser. Il secoue un peu la tête, suite au reste de ses paroles. « c'est l'amour c'- c'est tout. » Il lève les yeux vers lui, les joues encore un peu rouges, par l'embarras. Le petit bruit de sac attire son regard, et il fronce un peu des sourcils, le regard un peu perdu, sous les multiples questions qui mijotent dans sa tête. Il est tout curieux, Niel, soudainement. Si curieux, comme un enfant. La petite odeur de boulangerie commence à danser, dans les airs. « J'ai apporté des croissants, c'est pas grand chose pour vous remercier mais les commerces sont pas encore ouverts, sauf les boulangeries. J'vais pas vous déranger plus longtemps, de toute façon, vous travaillez. » Il cligne des yeux, sous la surprise. Sous l'attention si gentille, si adorable. Et puis le sourire, sur ses lèvres, il grandit ;il devient bien grand et brillant, sur ses lèvres, comme une douce lumière. Niel, il sourit comme un enfant, avant de s'approcher de nouveau de quelques pas, et puis de prendre le sac, entre ses doigts, lentement. « ils sont au beurre ? » Il mord ses lèvres, et lève les yeux vers lui, avec un regard d'enfant, brillant. Puis, il se convient de la suite, et cligne des yeux, rougit, se trouve impoli. « oh pardon je - j'ai faim alors j'ai oublié la suite de  - » Il lui adresse un sourire, un peu embarrassé, avant de continuer. « Je commence à 8h, en fait, mais je - j'arrive toujours plus tôt, pour les enfants. Ils aiment avoir de la compagnie pour aller faire les tests du matin et  - » Il trouve qu'il parle trop, soudainement. Niel, il lui adresse un sourire innocent, pour dire désolé. « Si vous avez du temps  ou - on peut les manger dans la cafétéria... on a du café. » Il précise, au cas. « à la vanille. »

Ses joues sont rouges, rouges piquantes, rouges d'embarras. Ça me fait sourire un peu plus, sur le moment, ça change tellement des brutes que je côtoie à longueur de temps. Niel, il est plus grand mais semble si fragile. Une poussière, légère, qui s'envole à la moindre secousse du vent. Ses doigts attrapent les croissants, en même temps que ses lèvres ne cessent de s'étirer un peu plus. « ils sont au beurre ? » J'lui réponds seulement d'un signe de la tête, d'un maigre oui, incapable de quitter mes cordes vocales. Mes doigts se resserrent d'avantage sur le casque, comme pour éviter de le faire tomber maladroitement. « oh pardon je - j'ai faim alors j'ai oublié la suite de - » Nouveau pardon, inlassable, au milieu de ses mots hésitants et brouillés par un tremblement. J'hausse les épaules, comme un 'c'est pas grave' et le fixe un peu plus longtemps. L'espace d'une seconde, je le lâche tout de même, pour regarder l'heure et puis la porte. Faudrait que je parte, oui, mais sa voix me retient une nouvelle fois, un peu comme ses messages, capable de me tenir éveillé. « Je commence à 8h, en fait, mais je - j'arrive toujours plus tôt, pour les enfants. Ils aiment avoir de la compagnie pour aller faire les tests du matin et - » Instinctivement, mes yeux rencontrent les visages des petits, presque émerveillés. Je me pince l'intérieur de la joue et recule d'un pas. J'ai certainement coupé Niel au moment où il ne fallait pas, avec mon retard. Soupir. « Si vous avez du temps ou - on peut les manger dans la cafétéria... on a du café. » J'lui fronce les sourcils, peut-être surpris par sa proposition avant de lui adresser un nouveau sourire. Ses derniers mots suffisent à me convaincre totalement et en oublier l'heure. « Oui, bien sûr, j'vous suis. Je commence pas de suite, non plus. » Mon pas suit le sien dans les couloirs presque interminables. J'ai l'impression d'être dans une fourmilière pleine de terre, dans laquelle des personnes peinent à y respirer et finissent par s'étouffer. Pourtant, mon sourire, naïf, tente encore de dissimuler le mal être profond que je peux ressentir à l'idée d'être ici. Dans ma tête, c'est toute une tempête de flash qui s'installent dans mes pensées. Y a même le timbre de ma voix, un peu trop joyeux qui brise à nouveau le silence. « Vous travaillez ici depuis longtemps ? » J'ai aussi envie de lui demander si ce n'est pas trop difficile, pour lui, autant physiquement que moralement mais les autres questions viendront plus tard. J'ai pas envie de l'agresser de ma maladresse alors, silencieux, j'entre dans la cafétéria et prends place à la première table vide. Le casque trouve sa place sur la chaise libre, juste à côté de moi et le silence reprend doucement ses droits, éphémère.

Il est gêné, le pauvre petit trop grand. Il a l'impression de peut-être trop demander, Niel, au final. Au fond, Niel, il ne sait même pas pourtant il l'invite comme ça. Pourquoi il lui parle comme ça. Le portable n'a même pas été donné ; il se sent si mal élevé. Il est là, les yeux grands face à sa bêtise, prêt à s'excuser et lui donner, lorsque l'autre répond, au bout d'un petit moment. « Oui, bien sûr, j'vous suis. Je commence pas de suite, non plus. » Il tourne les yeux vers lui, Niel, tout lumineux, pétillant. Il sourit, là, comme un enfant, avant de traverser les couloirs pour se rendre à la dite pièce. Niel, il serre le petit sac de croissant entre ses doigts, tout en marchant, et puis la pièce, elle se dessine enfin. « Vous travaillez ici depuis longtemps ? » Il sursaute un petit peu, Niel. À peine, juste assez pour que le mouvement soit remarqué, ressentit. Ses prunelles se tournent un instant vers lui, ses lèvres lui sourient, alors qu'il va chercher deux cafés, avant de se poser en face de lui. « je - un peu moins d'un mois, en fait. pas longtemps » Il lui adresse un sourire gêné, Niel, avant de prendre une bouchée de croissant. Ses doigts, il les met devant sa bouche, pour ne pas en mettre partout. « mais je - je venais souvent voir les enfants, au cours des d-derniers mois. pendant les rendez-vous de mon a- ancien amoureux » Il lui adresse un petit sourire, avant de se souvenir du portable, et puis de s'agiter un peu, maladroit, pour le sortir de sa poche. Niel, il s'excuse tout bas, avant de le lui donner. « voilà, pour le vôtre. » Il lui sourit, là, doux, calme, avant de prendre une gorgée de son café, non sans brûler sa langue de chaton.

Elle est douce, cette rencontre, légère comme un coup de vent. Et mon sourire, face à tout ça, il est incapable de s'en effacer. Attaché à son visage, j'aperçois le teint de ses joues changer au fil des mots. C'est une petite œuvre d'art pleine d'expression qui me fait face en cette matinée glaciale. Le café, c'est à peine si je l'aperçois, fumant entre nous. « je - un peu moins d'un mois, en fait. pas longtemps » Enfin, mon regard rencontre la tasse abandonnée pour la prendre entre mes doigts encore glacés. C'est d'un geste lent que je porte celle-ci à mes lèvres, faisant attention à ne pas m'y brûler, au passage. « mais je - je venais souvent voir les enfants, au cours des d-derniers mois. pendant les rendez-vous de mon a- ancien amoureux » Un faible sourire prend place sur mes lèvres. Hôpital, rendez-vous, ancien amoureux. Y a quelque chose qui me donne soudainement un goût amer au palais, une simple mauvais intuition, peut-être. Ouais, espérons que ce soit seulement ça. « voilà, pour le vôtre. » Le téléphone glisse doucement sur la table, entre ses doigts fins. J'en avais presque oublié la raison de ma venue ici. « Oh merci. » Ma main s'avance pour l'attraper fermement et l'enfoncer dans une des poches de ma veste, pour être sûr de ne pas l'oublier cette fois. « Excusez-le, il est un peu tête en l'air parfois. Il s'ra content de le retrouver, il passait son temps à râler. Il aime bien ça, insulter, grogner et faire la tête. » Je marque une pause, me mords la lèvre inférieure, conscient de déballer trop d'un coup. « Enfin, on a eu de la chance de tomber quelqu'un comme vous. » Sur quelqu'un de bien, donc, mais pas besoin de le préciser.

Il a le sourire facile sur les lèvres, le grand Niel, le si petit coeur, là, au creux de son si petit torse. Il sourit, Niel, les yeux étoiles, les yeux miel et lumière, pour un petit oui, pour un petit tout, comme ça, qui fait son plaisir. Il sourit, pour un merci et un sourire, là, sur les lèvres d'Ilir. Ça lui fait plaisir. Il sourit, alors, Niel, avec sa grande tasse entre les doigts, pour le tenir au chaud. Il observe la fumée, sous ses yeux trop grands, qui se met à danser, et puis Ilir qui range le portable, également. Sourire de chat, sur ses lèvres, avant qu'il ne prenne une autre gorgée, naturellement. « Excusez-le, il est un peu tête en l'air parfois. Il s'ra content de le retrouver, il passait son temps à râler. Il aime bien ça, insulter, grogner et faire la tête. » Les doigts posent la tasse sur la table, doucement, alors qu'il écoute ses paroles. Niel, il a les yeux qui brillent, sous les récits. Parce que c'est joli ; c'est eux, lui, ce qu'ils sont, juste là. Il sourit Niel, alors, face à tout cela. Parce que c'est vrai, qu'importe Ilir qui se mord la lèvre, qui stoppe ses mots, avec cette impression d'en avoir trop dit. Niel, il n'a rien contre ça ; il a les pensées qui volent, un instant, face aux images qui traversent son esprit. « Enfin, on a eu de la chance de tomber quelqu'un comme vous. » Niel, il penche un peu la tête sur le côté, avec ses yeux d'enfant, là, à l'observer. Il l'observe sagement, un moment, avant de lui sourire, comme ça, timidement. Ses yeux se détournent vers une des grandes fenêtres, pour observer la neige qui danse, là-bas, ailleurs. « je paniquerais perdre mon portable. toutes mes photos importantes sont à l'intérieur » Les photographies d'Oze et de lui. Des doux baisers et des grimaces un peu laides, Oze qui dort, sous les draps. Oze qui mange, juste comme ça. Oze avec son chat sur le ventre, alors qu'il observe la télé. Une pluie de souvenir, là, sur son portable, oui. Niel, il tourne ses yeux vers Ilir, au bout d'un moment, un petit sourire sur les lèvres. « vous devez beaucoup l'aimer. » C'est dit avec la sincérité du coeur, alors qu'il l'observe, comme ça, l'âme presque trop ouverte, trop vive, aussi. La peine, elle n'est pas encore partie. Elle est à vif, comme sa peau et son être. Niel, le pauvre bébé fragile. « faites y attention et aussi...aussi, profitez des bons moments. » Il sourit, quelque chose de tremblant, là, sur ses lèvres, avant de baisser les yeux, pour se calmer un peu. ll prend son croissant, encore, pour en prendre une bouchée.

On a l'air un peu bêtes à se sourire aussi facilement sans se connaître. C'est une étrange sensation, d'être si facilement à l'aise avec lui. Pourtant, au plus profond des pupilles de Niel baigne une lueur mélancolique qui ne cesse de s'intensifier au fil des minutes. J'me sens presque coupable de le voir se dégrader comme ça. J'ai envie de lui demander, si j'ai fait quelque chose de mal. Si mes sourires débiles, je peux les remballer. « je paniquerais perdre mon portable. toutes mes photos importantes sont à l'intérieur » Petit soupir, un peu nostalgique. Il a pas tord, Niel. Mon téléphone, il en contient des photos débiles de Felipe. Surtout dans nos débuts. Quand il transpirait encore la haine et la connerie. Lorsque l'amour dormait toujours, quelque part dans son cœur, écrasé par les sentiments négatifs. « vous devez beaucoup l'aimer. » Je ris légèrement à cette phrase frappante de vérité, mes yeux se baissent dans mon café pour s'y noyer. J'ai des étoiles dans les pupilles, quelque chose de niais et d'intense. Mes doigts se mettent même à trembler, là, contre cette tasse orpheline. Ma langue passe contre mes lèvres, pour y essuyer les restes de café. « Ah ça, pour l'aimer ... j'espère lui demander sa main. Pour noël.» Rire. « J'sais même pas pourquoi à noël, surtout s'il me dit non. mais j'ai envie, pour une fois, de fonder quelque chose de vrai et de fort. Fin, on a pas besoin de mariage pour ça, je sais. Je l'aime, j'ai envie qu'il le sache vraiment, que c'est pas une amourette bidon. » Je me pince la lèvre, retourne à mon silence. J'me perds encore une fois dans le regard tendre de Niel, la tristesse y est frappante. « faites y attention et aussi...aussi, profitez des bons moments. » Non, non, le voilà qui baisse la tête. Et moi j'reste là, à rien comprendre, ou à vouloir rien comprendre. Pourtant, après quelques secondes, l'une de mes mains tremblantes glisse sur la table glacée et se pose sur la sienne. Mon pouce caresse sa peau, timidement, j'ai l'air d'un grand-frère. D'un grand-frère qui s'y prend mal, un peu con. « hey … ça va pas ? » Non, sans blague, Ilir, pour demander ça, tu ferais mieux de te la fermer. « ça m'regarde pas je sais mais si vous avez besoin de parler. Vous savez, de tout et n'importe quoi, j'suis là. C'est plus facile, souvent, de parler à des inconnus. Et c'est mauvais, de garder la douleur en soi. » Nouveau sourire, sur mes lèvres. Il est tout doux, tout compatissant. Un petit sourire qui en dit long, bien plus que mes mots maladroits.

C'est... beau, comme histoire. Elles sont toutes jolies, au final, les histoires d'amour. Même les plus laides, même les plus tristes. Celle d'Ilir, elle pourrait lui faire plaisir, naitre un sourire, sur ses lèvres. Pourtant, Niel, il a mal. Un petit peu mal, oui, en dedans. Parce que c'est... il ne sait pas. Ce n'est peut-être pas le bon moment, au final, pour être heureux, pour les autres. Pas le bon moment, non. Il observe la table, alors. Un petit sourire sur les lèvres, il observe la table, Niel. Il a mal, en dedans. Parce que... et bien, il aurait peut-être aimé, quelque part, demander sa main à Oze. Passer un bon moment avec lui, toute une vie, pourquoi pas. L'absence, il ne l'accepte pas totalement encore, et cela malgré le fait que... qu'il a été, pour sa mort. Niel, il n'accepte pas encore la réalité. Il a un petit sursaute, léger, lorsqu'Ilir pose sa main sur la sienne. Niel, il a le souffle tremblant, un peu sanglot, et il pince ses lèvres, tout bonnement, un instant. « hey … ça va pas ? » Le noeud, il n'est pas assez solitude. Niel, il a beau essayer un fin sourire, quelque chose de bien, il ne trouve pas. Il basse les yeux, les détourne, vivement. « ça m'regarde pas je sais mais si vous avez besoin de parler. Vous savez, de tout et n'importe quoi, j'suis là. C'est plus facile, souvent, de parler à des inconnus. Et c'est mauvais, de garder la douleur en soi. » Souffle tremblant, encore, entre ses lèvres d'enfant. Niel, il pèse le pour et le contre, un instant, avant de tourner sa main, lentement, un peu tremblant, et de serrer ses doigts. Il l'observe dans les yeux, une seconde à peine. « ça - ça va, c'est juste... » Il soupire, encore, le poids trop lourd, sur ses épaules. Il en a si peu parler, dernièrement, de la mort d'Oze. À personne, en fait, sauf Cerbère. « Oze il -  c'était mon amoureux. Il est mort il y a quelques....quelques jours. » Il fait un sourire mince et brisé, tout cassé, craquelé. Son petit corps, maigre, s’affaisse un peu dans la chaise. Il secoue la tête, un peu, à voir comment Ilir est sur le point de réagir. « Il avait le  - tumeur. depuis toujours, elle - elle est revenue vivement je - je savais déjà, tout ça, avant de - de ...je voulais l'aimer assez fort pour effacer la douleur, et puis lui donner de bons souvenirs. je connaissais la fin avant le début...et pourtant... ça fait mal, encore. » Rire nerveux, entre ses lèvres. Rire cassé, alors qu'il détourne les yeux, les yeux océans, un instant.

L'atmosphère se fait plus lourde, plus violente. J'ai les mains qui se réchauffent automatiquement, à cause de ce cœur qui accélère la cadence. Il rate quelques battements, se serre de façon indélicate. Niel, j'le connais même pas, alors pourquoi j'me mets dans un tel état pour un inconnu ? Son prénom, c'est la seule chose que je sais de lui. Ah non, il bosse aussi dans cet hôpital et puis il sait écrire sans faire de fautes, contrairement à moi. « ça - ça va, c'est juste... » ça pue le mensonge. Je le sens s'échouer contre mes tympans, me décocher un frisson trop fourbe. J'ai les doigts qui tremblent, contre les siens, j'dois avoir l'air de rien à perdre la face comme ça. Ce doit être à cause de l'hôpital. Et puis de ces souvenirs qui ne cessent de remonter à la surface comme un cadavre jeté à la mer. Allez, respire, Ilir, ça va aller. Mais non, ça commence déjà à aller mal, foutue empathie. J'ai le cœur qui se fait la malle et l'âme qui se brise en des milliers de petits morceaux. J'ai pas envie d'entendre la suite. « Oze il - c'était mon amoureux. Il est mort il y a quelques....quelques jours. » Bam. Douleur. Regard qui se perd dans le sien, une montagne de désespoir ambiant. La mort rode toujours, elle n'est jamais bien loin, au fond. C'est comme ça que ça se passe, après tout, la suite logique des choses. Pourtant, aujourd'hui, elle porte le visage d'un enfant paumé. Le visage de Niel. Mes doigts se resserrent instinctivement contre les siens. J'vais même finir par les broyer. Il manquerait plus que ça, que le grand se retrouve avec une main en moins, tiens. « Il avait le - tumeur. depuis toujours, elle - elle est revenue vivement je - je savais déjà, tout ça, avant de - de ...je voulais l'aimer assez fort pour effacer la douleur, et puis lui donner de bons souvenirs. je connaissais la fin avant le début...et pourtant... ça fait mal, encore. » J'trouve encore de quoi lui sourire, même après son récit. J'ai presque les larmes qui viennent se loger au creux de mes paupières mais elles coulent pas non, elles font que rendre les choses un peu plus difficiles et intenses. J'ai les mots qui se perdent, qui hésitent à sortir pour venir réconforter Niel. J'ai jamais été très fort pour ça, faut dire. En fait, en dehors de conneries et insultes, je vaux plus grand chose. J'ai perdu de ma beauté d'âme sur le champs de bataille. J'vis plus qu'avec quelques débris d'humanité qui partent en vrille, trop fragiles et indélicats. « C'est normal, Niel. Elle est toute nouvelle, cette blessure. » J'me pince la lèvre, à lui répéter tout un tas de choses qu'il a déjà du entendre mille fois. Ferme la Ilir, ferme la. « Il doit être mieux, là haut, loin de la souffrance. » Mieux là haut. Putain, qu'est-ce que j'en sais. Silence, le temps de rebondir et de trouver quelque chose de valable. « Vous savez quoi ? Vous avez besoin de vous changer les idées. Tenez. » Ma main libre descend dans ma poche, y sort un stylo bic que je colle contre sa peau. J'ai pas d'autre support, de toute façon. « Mon numéro de téléphone. Comme ça, si vous avez envie de parler, ou juste d'écrire ou je sais pas. Envoyez moi un message, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Et c'est … c'est pas de la pitié. » Je lance un dernier regard à la paume de sa main avant de le lâcher complètement. Le verre de café se retrouvé vidé d'un trait. « Je dois partir mais hésitez pas. » C'est presque une déchirure de devoir le quitter si rapidement. « J'ai été content de vous rencontrer, sincèrement. » Signe de tête et disparition.