Tout commença par une simple feuille de papier, sur laquelle des lignes et des lignes d'écriture venaient peindre une réalité bien trop violent pour être lu. Un simple Journal intime, qui aurait dû rester secret... - Citation :
- Cher Journal,
j'ai envie de vomir. Envie de disparaître de ce monde que je déteste tant. J'ai encore fait ce même cauchemar. Il ne s’effacera jamais de ma mémoire, j'en suis sûre aujourd'hui et ça me donne envie de mourir. De sauter de cette falaie que je déteste tellement, tant elle m'oblige à rester prisonnière de cette ville. Et eux, ils s'en foutent. Ils ne voient rien tous autant qu'ils sont. Ou alors ils font semblant de ne rien voir. Je suis le vilain petit canard. La ratée de cette ville, de cette famille. Les autres, eux, ils sont réussis. Moi pas. Ils ne veulent pas voir, ils ne veulent pas comprendre. De toute façon pour mon père, il y a toujours eu que la mer qui comptait à ses yeux. Mon frère, il prend exactement le même chemin. Et ma mère, elle est aveugle. Elle fait semblant de ne pas comprendre parce que ça fait trop mal de comprendre. Ah oui, il y a Alice aussi. Alice non plus elle ne voit rien. Pourtant, j'aimerai qu'elle voit. Qu'elle voit à quel point je l'aime. A quel point je suis prête à tout pour elle. Mais elle non plus elle ne veut pas voir, elle ne veut rien dire de l'amour que je lui porte. Si elle le disait, sa réputation serait bien trop tâchée. Je suis la seule qui se fout de sa réputation, de l'image que je renvois. Sans doute parce que ça fait des années qu'on m'a sali. Qu'IL m'a sali. Je me souviens quand ma mère m'emmènait le voir. Elle disait qu'il allait me soigner. C'est ce que sont censés faire les médecins non ?!Ô oui, tout le monde le respecte. Surtout ma mère. Lui et sa famille sont des amis de la notre alors, il ne faut rien dire. Il faut se taire. Il me le répétait toujours. Il me disait de me taire. Alors je me suis tus. Je ne devais rien dire. Je m'asseyais dans son cabinet et je jouais avec les jouets qui me donnaient. Je jouais, je jouais, je jouais parce que je ne voulais surtout pas le regarder. Je ne voulais pas voir ses yeux de prédateur sur moi. Je ne voulais pas entendre sa voix. Et puis, il s'approchait de moi. Il m'embrassait et je voulais vomir mais je ne disais toujours rien. C'était il y a dix ans. Et encore aujourd'hui, il me réveille chaque nuit. Parce que je le vois toujours. Je le croise encore tous les jours. Je vois ces gamins entrer dans son cabinet et je ne dis rien. Encore une fois, je me tais. J'accepte qu'il soit un hors la loi en liberté alors que des comme lui sont en prison. Pas lui. Lui, il est libre et moi...Je suis morte.
Prologue
- Juillet 2004 Cette falaise ne m'a jamais semblé aussi horrible que cette nuit là. Et pourtant, je ne l'ai jamais autant aimé de ma vie. Je me penche. Il est là, étendue sur le sol. Je ne vois pas son sang mais si j'étais en bas, je sais que je le verrais. Je verrais ce corps en train de se vider de son sang. Il pleut averse et la pluie n'apaise pas ma souffrance. Elle n'apaise pas ma culpabilité et elle ne m'aide pas à me sentir mieux. Pourtant, je devais aller mieux. Je devrais être heureuse. Me réjouir de la mort de ce monstre. Mais je n'y arrive pas. Je ne peux pas. Et c'est à cause d'Alice. Elle est là. A côté de moi. Elle pleure et moi je suis morte de trouille. Pourtant mon monstre vient de mourir mais je suis terrifiée.
"Alice qu'est ce que tu as fais ? Putain, qu'est ce que t'as fais ?" dis je en passant mes mains dans mes cheveux. J'ai presque envie de me les arracher. Je ne sais plus bien si c'est la pluie qui mouille mes joues ou si c'est les larmes qui coulent de mes yeux. J'avance vers elle. Immobile, la tête dans ses mains, Alice pleure. Secouant son corps comme un pantin animé, tremblante de froid et de peur. Accroupie devant elle, j'attrape son visage entre mes mains pour qu'elle me regarde.
"C'est un accident...Je te le jure..." Je passe une main sur mon visage afin d'essuyer tout ce liquide qui m'empêche de la voir autant que je le voudrais.
"Je voulais qu'il m'avoue ce qu'il t'avait fait. Ce qu'il fait aux autres...Et...Il m'a attrapé alors je l'ai...C'était un accident." Je m'assois à côté d'elle, la prenant alors dans mes bras. Je la serre contre moi. Embrasse son crâne. Alice vient de tuer de son oncle. Elle l'a poussé du haut de cette falaise. Et c'est à cause de moi.
"Chut...Ecoute moi Alice, je t'en pris..." Elle redresse la tête vers moi.
"Tu n'as rien fais d'accord ?! C'est moi. Je l'ai tué. Okay ?! Je suis mineure, je risque moins que toi et, avec mon journal, j'aurais des circonstances atténuantes. Je veux..." Elle attrape mon visage entre ses mains pour venir poser ses lèvres sur les miennes. Comme si elle voulait m'empêcher de parler et peut être même de respirer.
"Non, non, non...Je ne peux pas te laisser prendre à ma place." Je me redresse violemment.
"On n'a pas le choix. Alice, c'est moi et c'est tout. Promets moi que tu diras jamais rien. Promets le moi." Je sens des larmes couler sur mes yeux et encore une fois, je tente de les faire disparaître d'un geste rapide de la main droite.
"Promets moi que tu ne diras rien et...Promets moi que tu n'épouseras jamais mon frère Alice. J'ai besoin que tu le promette sinon j'y arriverais pas, je pourrais pas continuer à vivre si tu..." "Je te le promets. Je te le promets." Elle embrasse mes lèvres avec une passion dévorante avant de laisser s'entrouvrir ses lèvres toujours collées aux miennes.
"Je t'aime." - Septembre 2003"Chérie, j'espère que tu compte passer une meilleure année que celle que tu viens de passer. Je te rappelle que tu as un examen à la fin de l'année. Peut être qu'Alice en professeur de littérature t'aidera à te tenir mieux en classe." Je soupire. Ma mère a toujours eu le don de me mettre mal à l'aise. Ce qu'elle peut être énervante. Il faut toujours qu'elle me donne des leçons, qu'elle me fasse la morale. Il faut dire que je ne suis pas assez bien pour elle. Je ne l'ai jamais été et ne le serais sans doute jamais. Alec, mon grand frère, il n'a jamais fais la moindre étude, il n'a même pas eu son examen de fin d'année mais ça tout le monde s'en fout. Alec est comme mon père, c'est un homme de la mer. Il est marin pêcheur et c'est tout ce qui compte pour ma famille. Me concernant, je dois absolument devenir médecin ou quelque chose dans ce genre pour faire la fierté de ma famille. Et dans des moments comme celui-ci, je déteste clairement cette famille. Baissant légèrement la tête sur mon assiette, je me concentre sur mon poisson afin de pas avoir à regarder ma mère, mon père, Alec ou encore Alice ma future belle soeur. Ah oui, elle est aussi mon professeur de littérature depuis cette année. Elle vient d'avoir son diplôme et je vais donc devoir passer une année scolaire complète avec elle. Dans le fond, ça ne me dérange pas tant que ça. J'ai toujours apprécié Alice même si je n'ai jamais compris ce qu'elle pouvait bien trouver à Alec. Finalement, je m'en fiche. Je l'aime bien. D'ailleurs, je l'aime plus que bien. Si seulement son oncle n'était pas le monstre qui hante mes jours et mes nuits, je crois même que je réussirais à me confier à elle.
"Tu entends quand je te parle Dylane ?" Je soupire de plus belle. Ma mère a vraiment le don de me taper sur les nerfs.
"J'aimerais aussi que tu t'intéresse aux garçons, comme tout le monde chérie. Les voisins commencent à parler depuis cet été que tu as été vue avec une jeune touriste." Cette fois s'en est trop. Je laisse tomber ma fourchette en métal sur le bord de mon assiette en porcelaine, ce qui a pour effet de faire sursauter tout le monde.
"Lâche moi maman d'accord ?!" Elle semble outrée de mes propos. Si seulement elle entendait les siens... Je croise le regard d'Alice et je pourrais presque me perdre dans son regard, alors je préfère tourner la tête, comme s'il s'agissait d'une question de survie.
"Tu crois que Dieu veut..." "Je me fou totalement de ce que pense Dieu tu sais et les voisins aussi d'ailleurs." Mon père me regarde. Je sens dans son regard qu'il compati, mais bien sûr il ne dit rien. Cet homme ne dit jamais rien. Il est l'homme le plus silencieux de la planète d'ailleurs. Les trois quarts du temps, il est en mer et quand il est à la maison, il se tait. Laissant ma mère dire et décider ce qu'elle veut.
"Thomas, tu te rends compte de ce qu'elle dit. Ta fille est sacrément malade. Dis quelque chose." Je soupire. Cette fois, ça suffit. Je fini par poser ma fourchette pour sortir de table. Je ne resterais pas une minute de plus à ce repas de famille. Je sors de la salle à manger et me dirige vers l'escalier qui donne sur l'hôtel dont ma mère est la gérante. Je rentre dans celui-ci pour rejoindre le toit. C'est l'endroit que je préfère. D'ici je vois presque toute la ville. Enfin, je vois surtout la mer et ça me suffit. Elle est la seule à pouvoir m'apaiser.
- Janvier 2004"Dylane, qu'est ce qui t'a pris ?" Assise sur ma chaise, face un bureau vide, je pousse un long soupire, avant de redresser la tête vers celle qui me fait face. Je n'ai pas envie de parler et encore moins avec Alice. Elle ne me lâche pas du regard, attendant certainement une réponse que je n'ai pourtant du tout l'intention de donner. Je soupire une nouvelle fois.
"Alice, tu es gentille mais mêle toi de ce qui te regarde." M'apprêtant alors à me lever de ma chaise, elle pose sa main sur la mienne se trouvant sur le bureau comme pour me retenir. Je la regarde alors intensément dans les yeux. Cette femme est magnifique. Je l'ai toujours pensé, mais plus je vieillis et plus je trouve que c'est encore plus flagrant. Le simple contact de sa main sur la mienne, me procure une sensation étrange. Comme des milliers de frissons qui parcourent mon corps. Je laisse échapper une légère toux, qui peut venir montrer ma gêne.
"Ici, je ne suis pas Alice. Alors je te demanderai de m'appeler madame comme tout le monde. Et enfin, tu te bats dans l'enceinte du lycée alors je crois que ça me regarde en tant que professeur principale." C'est vrai que je me suis battue. Mais elle méritait ce que je lui ai fais cette connasse. Parce que j'en peux plus de cette ville, de ces gens qui ne comprennent rien. Ils me jugent tous. Parce que je suis différente. Parce que je ne me suis jamais habillée comme les autres nanas en robe et talons. Ils me jugent parce que j'aime les femmes. J'en ai eu marre, c'est tout. Elle a mérité ce que je lui ai fais. Je veux partir. Je ne veux pas discuter avec Alice. Parce que ça fait trop mal de parler avec elle. Cela fait plusieurs mois que je tente d'oublier que je suis dingue de cette fille. De cette hétérosexuelle qui va bientôt épouser mon frère. Je dois partir d'ici parce que c'est de plus en plus difficile de me retrouver seule avec elle. Je tente de m'échapper de son emprise mais sa main fait une légère pression sur la mienne. Me regardant dans les yeux, comme un professeur qui ne lâchera pas le morceau, je sens mon visage se fermer. Il faut vraiment qu'elle me laisse partir.
"Alice..Arrête, je suis sérieuse." Réussissant à enlever ma main, je me redresse d'un bond, me dirigeant alors vers la salle de classe pour sortir immédiatement. Elle me rattrape. Attrapant mon bras, elle m'oblige à me regarder.
"C'est quoi ton problème en ce moment Dylane ? Je m'inquiète pour toi...Vraiment..." Cette fois, s'en est trop. Je laisse exploser un rire totalement ironique, avant de la regarder de nouveau dans les yeux.
"Tu veux savoir mon problème ? Et bah je vais te le dire." Dégageant mon bras de sa main, de manière plutôt violente, je m'avance légèrement vers elle.
"C'est toi. Le problème, c'est toi. Toi et ton putain de sourire. Toi et tes mots...Qui arrivent toujours au bon moment. Ton rire, le son de ta voix, la manière dont tu me regarde. Voilà, c'est ça mon problème." Et voilà c'était dit. Et je savais pertinemment que je ne pouvais plus revenir en arrière. Je venais de dire à mon professeur, à la petite amie de mon frère que j'en étais complètement dingue. En fait, je n'attendais pas une réaction de sa part. J'avais juste envie de m'enfuir le plus loin possible, mais j'étais bien trop orgueilleuse pour m'enfuir après lui avoir dit cela. Je voulais montrer que j'assumais. Alice sembla gêné. Je crois que c'est la première fois que je la voyais dans un tel état. Alice, semblait toujours tellement sûre d'elle. Intelligente, forte, drôle. Elle savait toujours quoi dire et à quel moment le dire. Néanmoins, cette fois, elle sembla troublée. A tel point qu'elle finit même par baisser la tête et passer une main dans ses cheveux. J'ai soupiré, laissant mes bras tomber le long de mon corps.
"Tu sais quoi ?! Laisse tomber." J'allais sortir. Ouvrir cette porte qui me retenait prisonnière et m'enfuir très loin d'ici. C'est d'ailleurs ce que j'aurais du faire. Parce que si je l'avais fais, toute ma vie, aurait été différente.
"Dylane..." C'était comme un soupire. Un léger petit son dans un silence de mort. Elle s'est approchée. J'ai reculé. Et puis, j'étais bloquée par cette porte. Ses mains sur mon visage, je ne pouvais plus bouger. Elle a embrassé mes lèvres. Elle l'a fait sans que je n'ai eu le temps de dire quoi que ce soit. Je ne sais pas combien de temps ça a duré mais j'aurais voulu que ça dure toute la vie.
- Juin 2004 "Je veux que me dise ton secret. Ce qui fait que tu es autant...Torturée, mystérieuse, terriblement sexy et totalement mais alors totalement excitante." J'ai laissé échapper un léger rire devant sa remarque. Alice souriant. Allongée, nue à mes côtés, laissant son doigt caresser le haut de ma poitrine, je la trouvais plus belle que jamais. Cinq mois que notre relation durait. Cinq mois que dés que mon frère partait en mer, je la rejoignais dans leur lit. C'était affreux, je le savais pertinemment mais je ne pouvais pas m'en empêcher. J'étais dingue de cette femme. Peu importe qu'elle soit mon professeur, peu importe qu'elle soit la fiancée de mon frère. Tout cela n'avait aucune importance. Enfin si, en réalité, c'était important. J'aurais aimé qu'elle ne soit plus mon professeur, qu'elle quitte mon frère mais elle refusait toujours, systématiquement. Elle avait bien trop peur du regard des autres. Peur de tout perdre. Dans le fond, elle avait raison, elle avait beaucoup trop à perdre et pas tellement à gagner. Je me penche légèrement vers elle pour l'embrasser. Embrassant ses lèvres, puis son cou, les moindres petites parcelles de son cou. Elle se redresse alors d'un bon, me regardant droit dans les yeux.
"Je suis sérieuse Dylane, tu fais des cauchemars presque toutes les nuits, tu passe des heures sur un toit ou sur le haut de la falaise, tu tiens à un journal intime. Qu'est ce que tu cache? Je m'inquiète et je veux savoir." Je pousse un léger soupire. Alice me connait trop bien. Elle lit en moi comme dans un livre ouvert et c'est là toute la difficulté que j'éprouve à lui cacher quelque chose. Seulement je ne veux pas lui dire. Je ne peux pas lui annoncer que son oncle a abusé de moi, comme il continue d'abuser d'autres enfants. C'est trop difficile. Alors je préfère me taire, encore une fois. Elle s'approche encore d'avantage de moi. Se penchant vers mon oreille.
"Un jour, je le découvrirais." Je souris, amusée avant de fermer doucement les yeux. Je sens alors le corps d'Alice venir au dessus du mien. Elle m'embrasse, langoureusement, passionnément, puis finis par décoller ses lèvres des miennes pour me regarder droit dans les yeux. Elle caresse mon visage, d'une main douce, trop douce.
"Je t'aime tellement.." Je fronce légèrement les sourcils.
"Pourquoi j'ai l'impression que tu me dis adieu ?" Elle sourit légèrement. C'est un sourire triste et tendre à la fois.
"Ton frère...Il revient demain et reste un mois." Je pousse un soupire, avant de me redresser, m'asseyant sur le bord du lit. Je sens alors Alice coller son corps contre mon dos, pour venir blottir sa tête contre mon cou.
"Ca ne va pas pouvoir durer éternellement et tu le sais..." Je me retourne, lui faisant alors face.
"Quitte le. On part. On s'enfuie ailleurs, on s'en fiche." Elle me caresse la joue de nouveau et je déteste quand elle fait ça. Je sais toujours trop ce que ça veut dire.
"Ne change jamais Dylane...N'arrête jamais de me faire rêver surtout." "Je ne tiendrais pas un mois là..." Elle ne répond rien. Alice ne répond jamais rien quand c'est trop douloureux. Elle se contente de venir m'embrasser de nouveau, comme si ça suffisait. Comme si ça faisait moins mal alors qu'en réalité, ça faisait toujours plus mal.
- Citation :
- Cher Journal,
Alice n'aurait jamais du te lire. Si elle ne l'avait pas fait, elle n'aurait rien découvert et rien de tout cela ne serait arrivé. Alice a tué mon monstre, son oncle. Et moi j'ai tout perdue. Tout. Alice, ma famille, mes amis. Un centre éducatif fermé. C'est comme ça qu'il appelle l'endroit où je me trouve. Je suis mineure alors j'échappe à la prison, alors qu'au fond, c'est exactement la même chose. Je vais finir de grandir ici et ensuite, je pourrais revenir près d'elle. Ou alors, je pourrais ne jamais revenir. Elle m'a promit qu'elle n'épousera pas Alec et pourtant, je sais qu'elle le fera. Je le sais pertinemment. Tout ceci me détruis. Alice était ma raison de vivre, comment je suis censée continuer sans elle ?! Comment je suis censée vieillir sans elle ?
- Mai 2013, Londres Assise sur le canapé de mon appartement, je regarde mon écran de télévision, pourtant éteint, sans être capable de bouger, sans être capable de faire le moindre mouvement. La nuit est tombée sur Londres et j'ai presque l'impression que le temps vient de s'arrêter. La porte d'entrée claque, je n'y prête aucune attention. C'est comme si je ne l'avais même pas entendue, étant sans doute trop absorbé par mes pensées.
"Y a une panne de courant ?" Je sursaute. La voix de mon meilleur ami vient de me faire revenir à la réalité. Je le regarde, vide, sans même prendre la peine de lui adresser un sourire. Il lève les yeux au ciel et vient me rejoindre sur le canapé.
"Okay d'accord.. Je t'ai connu dans des meilleurs jours. Tu as pris de la drogue ?" Je ne réponds toujours rien. Je n'ai pas la force ni le courage de lui parler. Pourtant, Sam, il est toute ma vie. C'est mon meilleur ami. Ma famille, la seule et unique qui me reste. Je l'ai rencontré en foyer lorsque nous étions; ce qu'ils appellent; des délinquants. Il sait tout de moi, toute ma vie. Je ne lui ai jamais rien caché de mon histoire. Il sait aussi que je me suis retrouvée dans un centre éducatif fermé pour mineurs alors que j'étais totalement innocente. Cependant, Sam est comme moi. Il ne dit jamais rien. Il écoute juste et il se tait. Il est le meilleur ami que tout le monde rêve d'avoir.
"Dylane, je vais appeler le SAMU, je suis sérieux." Je soupire et finit par me retourner vers lui. Je sens des larmes me monter aux yeux mais je tente à tout prix de les dissimuler.
"Ma mère est morte." Je l'avais dis, c'était lancé. Je n'avais pas vu ma famille depuis huit ans. Je n'avais aucune nouvelles d'aucun d'entre eux. Ils me détestaient. Me considéraient coupable d'un crime horrible et se fichaient bien de savoir que cet homme avait mérité cela, car il m'avait violé. Ils s'en fichaient. Tous. Même mon frère qui m'avait pourtant passé ce coup de téléphone pour m'annoncer la mort de ma mère. Et ce n'était pas tout d'ailleurs.
"Alec...Enfin plutôt mon père, il voudrait que je reprenne l'hôtel. IL veut que...Il voudrait que je le gère, que je revienne." J'étais abasourdie par cette demande. Je ne comprenais pas, pourquoi ma famille voulait me voir revenir. Ils s'étaient passés de moi depuis tellement longtemps. Pourquoi vouloir que je revienne ?! C'était stupide, ridicule.
"Tu devrais accepter." Surprise, je regardais mon meilleur ami. IL était tombé sur la tête. Il connaissait toutes les raisons qui m'avaient poussé à jamais revenir la bas alors pourquoi il me disait cela ?!
"Tu es malade ?! Je te signale que cette ville me déteste. Pour elle, je suis une meurtrière." Sam se tourna vers moi et attrapa mes mains dans les siennes. Je détestais quand il faisait ça. En général, ça signifiait jamais rien de bon.
"Non, tu mélange tout Dylane. Cette ville ne te déteste pas. Tu t'es mis cela en tête pour que ce soit plus facile. Plus facile d'accepter que ta famille est trop stupide pour te dire qu'ils te pardonne et qu'ils s'en veulent à eux mêmes de n'avoir rien vue quand tu subissais tout ça à cause de cet homme. Ils s'en veulent de ne pas avoir pu réagir avant que ce drame se produise et que tu sois envoyé à l'autre bout de la planète. Alors ils ont fait ce que tu fais si bien faire, ils se sont tus. Ils t'ont laissé à Londres, sans prendre de tes nouvelles. La vérité Dylane, c'est que si tu veux pas revenir là bas, c'est à cause d'Alice." Avec Sam, on parle très peu de ma vie. De nos vies respectives d'ailleurs. Sans doute parce que c'est trop douloureux. Je déteste quand il prononce le prénom Alice et il le sait.
"Alice elle a épousé ton frère. Elle n'a pas tenue la seule promesse qu'elle t'ai jamais faite. Et toi tu l'aimes encore. Alors tu devrais retourner là bas. Dire merde à cette ville, te créer une nouvelle réputation et récupérer la femme de ta vie." Sam était un rêveur. Bien plus que je ne l'étais.
"Cette ville elle te manque. Je le sais." Quoi que j'en dise, Sam avait raison sur un point. Cette ville était toute ma vie. Et cela faisait des années que j'avais envie de revenir.
- Juin 2013"Esteban attends." Accoudée contre le bureau de l'accueil de l'hôtel de ma mère, ou plutôt de l'hôtel dont je venais d'accepter la gérance, je vis, presque amusée un petit garçon courir à l'intérieur de celui-ci pour se précipiter dans le jardin. J'avais déjà vue ce petit garçon. Une fois, c'était il y a une semaine. A l'enterrement de ma mère. Tout ce que je savais de lui, c'est qu'il était mon neveu. Et ce que je savais depuis quelques secondes, c'est qu'il connaissait par coeur cet hôtel. Mon regard se redressa alors vers la voix qui venait d'appeler ce jeune petit homme. Cette voix, je la connaissais trop bien. Tellement bien qu'elle me faisait toujours autant frissonner et bien que je détestais cette sensation, je devais avouer être heureuse de la retrouver. Personne ne m'avait fait la sensation qu'Alice était capable de me faire. Elle était là, en face de moi. Après huit ans d'absence. Enfin nous nous étions vus à l'enterrement mais nous n'avions pas vraiment réussit à s'échanger des paroles et quelque chose me disait que ça n'allait pas être tellement différent aujourd'hui. Elle s'approcha de moi, un léger sourire sur les lèvres, avant de baisser la tête gênée.
"Excuse le, il a l'habitude de venir jouer ici, sa grand mère...Euh, ta mère, gardait un oeil sur lui pendant que j'allais travailler. Je trouverais une autre solution mais pour aujourd'hui est..." "Ca va. Je peux le garder." Elle sembla assez surprise et me regarda droitement dans les yeux.
"Tu es sûre ? Ne te sens pas obligée surtout." Je souris légèrement, comme pour tenter à tout prix de détendre l'atmosphère alors qu'en réalité, je suis pétrifiée. Je revois cette femme dont j'ai toujours été amoureuse, qui a aujourd'hui un fils de six ans qu'elle a eu avec mon propre frère, il y a de quoi être mal à l'aise.
"Ca va je te dis. Il est mignon et...Je ne connais plus grand monde ici. Alors j'aurais le gosse au moins." Elle sourit à son tour alors que dans le fond, elle semble autant apeurée que je peux l'être. Je détourne mon regard d'elle. C'est tellement plus prudent. Il faut dire qu'à cet instant précis, je n'ai qu'une seule envie, l'embrasser. Je regarde à travers la verenda. Esteban joue dans le jardin. Il est blond, aussi blond que sa mère et je dois avouer qu'il est tout simplement magnifique. Quelques secondes passent et j'ai l'impression que ça dure une éternité.
"Tu vas vraiment reprendre l'hôtel ?" Je me retourne vers elle, la scrutant du regard, comme si j'essayais de deviner le sens caché de cette question. Etait elle contente que je sois de retour ou au contraire, était elle déçu ?
"Et bien oui, tu vois, ça en a tout l'air." "C'est bon de te revoir." Elle a sourit. Comme elle savait si bien le faire autrefois lorsqu'elle me regardait. Je n'ai rien dis. Je n'ai pas souris non plus. J'étais devenue encore plus experte en matière de silence. Je n'avais plus qu'une seule envie, qu'elle s'en aille. C'était trop douloureux de la revoir, du moins pour l'instant.
- Juin 2013Je dormais comme un bébé, dans mon ancienne chambre d'adolescente quand je fus réveillée par des coups de tambour. Ou plutôt par quelqu'un qui frappait de toutes ses forces à la porte de l'hôtel. Il était trois heures du matin, alors forcément, à une heure aussi tardive, je dormais. Les touristes n'avaient donc aucun respect pour arriver à cette heure ci ?! Soupirant, je me suis levée rapidement. Attrapant un jean je l'ai enfilé et j'ai pris soin de mettre un tee shirt par dessus. L'avantage quand on est masculine et qu'on ne porte pas des robes et des talons, c'est que c'est toujours très rapide de s'habiller. Arrivée devant la porte, je l'ai ouverte et c'est alors que j'ai découvert le visage d'Alice. Il pleuvait averse et elle était trempée. Son visage était plein de petites gouttes. Cela me renvoyait à huit ans en arrière, sur la falaise. Je l'ai regardé surprise, surtout qu'elle restait silencieuse.
"Alice, il est trois heures du matin, tu sais que les gens dorment à cette heure là et que..." Elle ne me laissa pas le temps de terminer ma phrase, qu'elle m'avait déjà poussé à l'intérieur de l'hôtel,me sautant au cou pour m'embrasser. Wahou ! Ca m'avait terriblement manqué et pourtant, je restais tout de même lucide. Je ne pouvais pas faire ça, surtout pas en plein milieu de mon hôtel. Bien que je répondais à son baiser, j'ai rapidement trouvé la force de la repousser.
"Alice qu'est ce que tu fou putain ?" Elle me faisait mal et elle n'avait même pas l'air de s'en rendre compte. Je l'avais attendue huit ans. Esperant chaque jours recevoir un appel de sa part mais ça n'avait jamais été le cas.
"Tais toi. Je t'en pris, tais toi." Elle m'embrassa de nouveau ou du moins elle essaya car cette fois, je l'ai tout de suite repoussée.
"Arrête, je suis sérieuse." Elle se figea. Et c'était comme si elle venait de reprendre conscience de ce qu'elle faisait et de là où elle se trouvait. Elle passa une main sur son visage, l'air terriblement gêné.
"Je suis désolée...Oublie ça." Elle s'apprêtait à partir alors j'ai attrapé sa main pour la forcer à me regarder. J'en avais assez d'obéir au doigt et à l'oeil à Alice. Je n'avais plus dix sept ans, elle n'était plus mon professeur, je pouvais me rebeller un peu.
"Non, c'est trop facile Alice, je ne vais pas oublier. Comme je n'ai pas oublié ce qu'on a vécu il y a huit ans. Je n'ai pas eu une seule nouvelle de toi putain." Elle me regarda surprise et sembla tout d'un coup en colère. Elle était en colère ?! C'était plutôt à moi de l'être non ?!
"Ne fais pas ça Dylane, ne te fais pas passer pour la victime." J'ai laissé éclater un rire totalement ironique.
"Et pourquoi pas ?! Je suis la victime non ?! J'ai été envoyé à l'autre bout du pays pour avoir tué un homme, que je n'ai pas tué, et tu n'as pas été fichue de tenir la promesse que tu m'as faite. Tu l'as épousé putain." Je sentais les larmes me monter aux yeux et je savais que je n'arriverais pas à les dissimuler longtemps. La concernant, elle pleurait déjà. Son visage était fermé, plein de haine. Je devais avouer détester ça. "
Tu n'as pas le droit de me reprocher maintenant d'avoir pris pour moi. Qu'est ce que tu crois que je ressens moi ? A chaque fois que je me regarde dans un miroir, je me dis que c'est moi qui l'ai tué." Je me suis approchée d'elle pour prendre ses mains dans les miennes mais elle m'a repoussé vivement.
"J'ai épousé ton frère c'est vrai. Parce que je l'aime Dylane. Peut être pas comme toi mais je l'aime et...Quand mon oncle a été vu comme le pédophile notoire de la ville, c'est moi qu'on a montré du doigt. Alec était là pour moi. Alors je t'interdis, de me reprocher quoi que ce soit. Parce que tu n'es pas la seule a avoir souffert." J'ai soupiré. De colère, pas de lassitude. Son oncle avait prit ma vie et elle cherchait à ce que je la plaigne. Qui m'avait plains moi ?! Qui m'a aidé ?! Personne. J'ai été seule durant huit ans. Du moins, je l'aurais été si Sam n'avait pas été là.
"Oh pardon Alice, tu as eu une vie de merde dis donc. Pas moi, tu as raison, pour moi tout allait bien. Si tu n'avais jamais ouvert mon putain de journal intime, tout ceci n'aurait jamais eu lieu. Et pour ça je t'en voudrais toute ma vie, crois moi." Certes, elle avait voulu savoir ce qui n'allait pas chez moi. Elle avait voulu que je cesse de me sentir coupable, c'est pour cela qu'elle était allée voir cet homme, pour qu'il reconnaisse les faits. Néanmoins, elle m'avait sauvé tout en me rendant coupable d'un autre crime. Et je lui en voulais. Si bien que tout l'amour que je lui portais était une souffrance, une véritable souffrance.