Les falaises sont là, comme toujours. Elles ont la couleur de l'éternité, le blanc un peu passé, caressé par l'écume, submergé par les vagues - mais pas brisé, jamais. La mer peut se déchaîner, l'océan peut crier, la tempête peut se lever et frapper, encore et encore, les falaises ne vacilleront pas. Elles sont l'immuable, là où l'océan est l'absolu. Esté aime les regarder de loin et penser. Elle pense qu'elles sont le rempart contre la mer, et que si elles n'étaient pas là, elle reprendrait son dû, elle recouvrirait Douvres, elle recouvrirait la terre entière. Parce que la mer est infinie, et l'eau grignote chaque jour un peu plus la pierre. Mais jamais elles ne tremblent, jamais elles ne tombent. Esté, elle tombe souvent. Parce qu'elle va trop vite, parce qu'elle ne regarde jamais où elle met les pieds, parce qu'elle fait des erreurs - elle en fait plein. Mais peu importe, Esté, elle sait se relever. Même quand ça fait mal, quand son cœur est tout égratigné et qu'elle a envie de fondre en larmes - ça ne pleure pas une comète. Ça ne reste pas à terre, une comète. Ça passe, ça file, et ça brille tellement fort que quand tu la regardes, tu as des étoiles plein les yeux et qu'elle t'éblouit et qu'elle te donne envie de vivre - de vivre putain, la vie, la vraie, celle où tu te lances et peu importe les risques, celle où tu fais ce que tu veux parce que c'est le plus important, celle où tu explores toutes les possibilités et pas de regret non, jamais de regret, pas d'occasions manquées parce que tu les auras toutes saisies. C'est la vie, ça, la vraie. Et qu'est-ce qu'elle est belle. Elle est immense, immense comme un océan, et magnifique comme une mer en furie, un lac qui s'éveille, l'explosion là, dans les cœurs, tout d'un coup, sans prévenir, sans crier gare. Tu ne voudrais pas exploser toi ? Tu ne vois pas comme ce serait beau ? Si ton cœur battait si fort au point d'en faire mal, si tes yeux étincelaient au point de voir flou, si ta tête tournait au point de t'en faire perdre le monde. Tu ne voudrais pas, juste une fois, rien qu'une fois, voir le monde d'Esté ? Esté, c'est un oiseau, et si elle voulait, elle se tiendrait là, juste un bord des falaises, tout au bord, elle étendrait les bras, et le vent s'engouffrerait dans sa robe, elle ferait un pas, juste un. Mais elle ne tomberait pas, non, elle s'envolerait. Elle s'envolerait, Esté. Elle reprendrait sa place d'étoile, elle parcourrait le ciel. Elle en ferait pas de carte, non, parce que c'est tellement plus beau de se perdre. Tu y crois toi ?
Elle se retient de courir, Esté, parce qu'elle sait qu'elle va trop vite pour lui. Il ne courrait pas. Elle sait qu'il la suit, à pas de loup. Il est là, blotti dans son ombre, à avancer tout doucement pour ne pas faire de bruit, pour ne pas brusquer le temps, brusquer l'espace, brusquer le monde. Mais elle voudrait lui dire, à ce garçon - à cet homme. Lui dire que dans la vie, il faut agir, parce que sinon la vie elle passe, et elle s'en va. Parce que la vie n'attend pas. Et après c'est trop tard. Elle voudrait lui dire qu'il ne faut pas avoir peur. Parce que parfois il aura mal, on a toujours mal, mais il y aura du beau aussi, surtout. S'il laisse une chance à la vie, il y aura des arcs-en-ciel qui viendront annoncer le soleil. Parfois la pluie reviendra, mais elle ne restera pas - elle ne reste jamais. Mais comment lui dire, à ce garçon, ce garçon qui ne veut pas écouter, qui ne veut pas savoir, qui ne veut pas vivre ? Comment lui dire à ce garçon trop timide, trop effrayé pour se laisser approcher ? Comment lui dire qu'il est temps que sa vie, il se l'approprie ? Parce que c'est la sienne, pas celle de quelqu'un d'autre. C'est lui le héros, c'est lui qui décide. C'est à lui de la prendre en main. Alors elle progresse tout doucement pour ne pas le perdre, alors qu'elle voudrait courir sauter virevolter se laisser porter par le vent tourner crier qu'elle est en vie merde elle est en vie dire son amour pour l'océan voler s'envoler. Et l'envoler avec elle. Mais. Doux. Tout doux. Il ne faut pas lui faire peur encore une fois. Esté sait. Si elle réagit de façon trop vive, il s'enfuira le renard. Elle doit avancer lentement. Prendre son temps - elle ne connait pas, ça, Esté, prendre son temps. Lui tendre la main. Et l'apprivoiser.
Niel Ambrose
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Feuille de personnage ♒ âge: vingt-six ans ♒ profession : aide aux soins de l'enfance. ♒ le choix du coeur: le magicien d'oze.
Sujet: Re: sur le fil. (n) Mer 28 Aoû - 20:43
Niel, il vole. Là, doucement, contre la vie et le temps. Il est le vent, la caresse lugubre, dans votre dos, et la larme séchée, contre votre joue. Il sourit, bas, toujours trop bas, assez pour que vous ne le voyiez pas. Niel, il est là, toujours, éternellement là, mais jamais vous apercevez quoique ce soit. Niel, ce n'est qu'un petit fracas, que poussière, contre les âmes amères. Il traverse la ville, là, doucement, du bout des pieds, sans chercher à exister, arrivant à peine à respirer. Les yeux trop grands, grands comme le monde, là, toujours là à observer. Les larmes glissantes, brisées, toujours au creux de ses prunelles, reflet de votre âme, lorsque soudainement, vous y plongez. Niel, c'est le maux, toujours, trop, beaucoup trop présent au fond de votre être. C'est le malaise, présent, certain, qui vous coupe l'envie, lorsque vous plongez vos yeux au creux des siennes. Danse, toujours, furtive et fugace, la mort qui jamais ne se lasse. Les mouvements sont amples et virevoltants, alors qu'elle s'élance au travers de la vie, de la mort, caresse votre corps et encercle son coeur toujours un peu plus fort, un peu plus rudement, brisant et déchirant. Niel ; c'est la brume contre votre peau, la rosée du matin, après la tempête sans regrets.
Niel, il se fracasse à chaque pas, tangue sous le coup du vent, et s'envole loin, trop loin, et jamais éternellement, pourtant. Niel, ce sont les feuilles, là, au printemps, qui reprennent forme après la neige, mortes et ternies. La poussière qui, doucement, l'on nettoie pour ne plus voir, pour laisser place à une beauté sans relief, superficielle et bien faite. Le pauvre petit, le trop grand, voilà ce qu'on lui dit bien souvent ; « pardonnez moi, j'aimerais passer. » Et le voilà bousculé. « Pardonnez moi, mais vous me cachez » Et le voilà recoquillé, effacé, crispé. Niel, il a honte ; honte d'exister, de ne pas être quelque chose que l'on vient à apprécier. Niel, il se fait tout petit, alors qu'il est né pour être grand, et il demande pardon, souvent, lorsqu'il ouvre la bouche. Pardon d'exister, maman. Pardon d'être à vos côtés, monsieur. Alors Niel, le pauvre Niel, il ne fait que reculer, alors qu'il la voit s'avancer. Ses doigts se serrent, un peu, beaucoup, et son souffle se fait amer. Il chouine, contre le vent, et manque un pas, doucement. L'odeur des étoiles lui caresse les narines ; il éternue, le petit, allergique à toute cette liberté. Il éternue, fort, trop fort, et les larmes prennent place, au coin de ses yeux. Pardon, qu'il murmure, encore, toujours. Pardonnez-moi d'éternuer, par pitié. Et il recule, encore, toujours, il s'éloigne, pour ne pas être frapper, pour ne pas être percuter par cette comète si brusquement envolée, celle qui souhaite l'emmener, le kidnapper.
Attrape mes doigts et envole toi, qu'elle lui souffle tout bas, et Niel, il secoue la tête, encore, sans fin, perdu dans son infini à lui. Il les cache au travers de ses manches, ses doigts noueux, pour ne pas qu’elle les capture, et qu'elle se blesse, par la même occasion. Elle est trop belle, trop pure, trop douce. Elle vole trop bien, elle ne peut se briser ; il ne peut la briser. Alors, il secoue la tête, vivement, trop, à s'en faire mal, à se la casser, mais qu'importe. Oui qu'importe, tant qu'elle n'est pas brisée, cette petite illuminée, cette petite rescapée qui ne fait que voler et virevolter. Niel serre les doigts, fort, et puis se fait petit, trop petit, pour ne pas qu'elle puisse l'attraper, pour ne pas qu'elle s'approche trop près de ce trou noir, au fond, qu'il est. Car son âme, au final, oui, elle n'est qu'un puits sans fond, qu'un trou noir trop obscur et trop lugubre pour la lueur qu'elle est, au travers de la galaxie. Niel, il se fait tout petit, pour ne pas qu'elle l'effleure, et que la Mort, cessant sa danse, ne soit attirer par l'éclat de sa beauté.
Ellle s'avance, alors, douce, douce comme le vent qu'il n'est pas, vers lui. Et Niel, il recule, les prunelles mouvementées, le coeur serré. Il mord ses lèvres, fort, toujours trop fort même, et serre les doigts, pour ne pas qu'elle lui prenne la main. Il dit non, non, très fort dans sa tête, mais pas le moindre mot s'évade de sa bouche.
sur le fil. (n)
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