NOM(S) - dahl, venu tout droit de l'europe du froid, des montagnes froides et des vallées enneigées. dahl, le nom de ma mère, abandonnée par un homme pas fait pour être à deux, encore moins à trois. un nom chargé d'aucun souvenir, à part celui du pays que j'ai quitté, ce grand pays coincés entre l'immense forêt de laponie et l'eau noire de la mer baltique. dahl, donc. PRÉNOM(S) - mon prénom ne veut rien dire et n'a pas de sens secret enfermé jalousement en lui. ce n'est pas un vieux coffre de bois duquel on exhibe fièrement, de temps en temps, une vielle histoire à raconter. c'est une page blanche, jamais remplie, la panne de l'écrivain, le silence de l'historien. kaj, ce n'est que trois lettres et un son, un claquement de langue contre le palais et c'est fini. AGE ET LIEU DE NAISSANCE - je suis né dans le silence que j'ai explosé en poussant mon premier cri. je suis né dans la neige que j'ai sali en saignant. tout en haut de la suède, là où personne ne vient jamais, que les élans et les indigènes. j'ai baigné dès ma naissance dans l'épaisseur de la neige, assommante de constance, là où les hommes n'ont pas de sentiments et où le feu brûle longtemps dans la nuit infinissable de l'hiver. quand je suis né, il faisait noir. je suis un enfant des prières de l'obscurité, des étoiles voilées par les nuages, des animaux endormis, des renards aux yeux luisants. je suis né il y a trop longtemps, il y a vingt-sept ans, et j'aurais dû mourir depuis des années. mais les vieux dieux païens ont joué avec moi et ne se sont pas lassés, ils m'ont laissé là, pantois, hagard de mes propres erreurs. alors je vis encore, empli de l'odeur du froid. NATIONALITÉ - on ne quitte jamais vraiment la suède. quand il neige, on y retourne. quand le vent souffle et cogne contre nos tempes et nos murs, on y retourne. j'ai beau l'avoir quitté, avoir abandonné ma nationalité et mes papiers dans la poubelle de l'aéroport, je suis suédois, hier aujourd'hui et demain. aucun mensonge ne me libèrera jamais de cet écho, de cette langue germanique qui racle encore ma gorge quand je ris. STATUT CIVIL - j'ai pris un amant. ORIENTATION SEXUELLE - j'ai pris une maitresse. MÉTIER - rien.  GROUPE - éphémère infini. AVATAR - claflin.

Noyade #3, dans la mer, l’été, le soleil qui brille et le regard aveugle, percé par les rayons brûlants. Le corps qui coule, qui ne se bat pas. Tant pis pour la vie, je laisse aller. Les bulles d’air qui sortent en panique de mes narines et de ma bouche, mes cheveux qui ondulent. Pas de résistance – pourquoi ? Je laisse tout couler, je ne vois plus le soleil, juste l’eau trouble et mes mains qui ne s’agitent pas. Adieu la vie adieu la mort, je vais nager, loin très loin, je vais jouer avec les sirènes danoises. J’attendrais sagement en bas que les poissons, les crustacés et les fantômes des naufragés viennent me bouffer les bras, les doigts et les yeux, je m’en fiche. Tant que je n’ai pas besoin de remonter.
Noyade #2, sous la neige, et enfoui. J’aime me cacher, et ma sœur aime me chercher. Je disparais tout doucement, mes empreintes dans la neige recouvertes par les flocons qui cognent par terre. J’entre dans le bois sombre, jamais elle n’osera, jamais. Elle est froussarde et bête. Elle pue l’alcool que ma mère renverse sur ses vêtements en lui disant qu’elle l’aime. Elle ne me renverse jamais d’alcool dessus ma mère. Je crois qu’elle ne m’aime pas. Rigole au loin, et compte encore, tu ne me trouveras jamais. Je cours à toute allure. Crac, crac, les branches tombées sous mes semelles. Et voilà, plus de lumière dans le cœur des arbres, je suis à l’abri. Je me protège et me cache dans les bosquets. Elle comptera longtemps, elle se lassera et elle rentrera. Et j’aurais gagné. Froussarde.
Noyade #6, sous les draps chauds du lit, les vêtements par terre. Rien que moi et l’autre. Ses bras me serrent contre son torse. Je ne respire plus tout à fait. C’est le plus joli moment, le matin, quand personne ne s’est rhabillé et quand on se regarde, les yeux encore brillants d’excitation. Deux masses inertes enlacées, pas un bruit, son souffle contre ma peau et ses ongles plantés dans ma colonne vertébrale, où ils prennent racine et enveniment mes veines. Noyade, oui. Pas de surface au delà des draps, pas de monde autour du lit. Si on se lève, on tombe et on crève.

PSEUDO - fantômette. PRÉNOM - jonathan. ÂGE - des millions d'années. T'AS CONNU LE FORUM OÙ - dans la signature d'amiante sur bazzart. COMMENTAIRE(S) - where have you been all my life  . POISSON PRÉFÉRÉ - le thon, parce que c'est beau et c'est bon. CODE AVATAR -

Code:

<pris>avatar pris</pris> <ppn> sam claflin</ppn>

Personne n’écoute. Pourtant le vent souffle fort, je m’étonne. Mes cheveux chatouillent les gros nuages dodus et dansent dans tous les sens. L’orage grondera toute à l’heure, quand la tourmente aura cessé. Gifle après gifle, le vent s’acharne sur mon joli visage et rosit mes joues. Je souris timidement aux étrangers d’ici. Qu’il fait froid. Le sang en stalactites, je trépigne. L’homme n’a pris que sa valise. Il est emmitouflé dans un imperméable rouge vif qui virevolte autour de lui. La même couleur que ses joues. Il a les yeux qui brillent de larmes et d’étoiles. Il a la peau du nord. Il tient fermement sa valise entre ses deux mains fouettées par la bise. Le gros bus pétarade derrière lui, klaxonne pour se faire remarquer, la voilà la grosse carcasse à roulettes. Quand il parle à la conductrice, l’ours nordique grogne dans sa gorge et roule les yeux à chaque son qu’il ne peut prononcer. Oui il a la peau du nord, une fine couche de neige sur l’épiderme et des frissons en permanence. L’odeur des sapins de Laponie le harcèle. Monte dans le bus, mon garçon. Peut-être que là où tu vas, quelqu’un t’aimera.

Super joli, je pense, quand il m’embrasse.

Brique après brique, ils ont construit une petite prison, ils en ont condamné les fenêtres. Plus rien ne sort, on entre pour toujours. Quand la porte s’ouvre sur le jour, c’est pour laisser passer un autre mort. Je ne compte plus mes copains d’infortunes. Des dealers, des assassins, des violeurs, de petits cambrioleurs et des braqueurs de bijoutiers. Des gros connards, des racistes, des pervers, des maso, des malades, des séropos, des barbares. Tous ces gros troncs, abattus comme de vulgaires brindilles cassées, qui roulent des mécaniques entre les barreaux de leurs cellules et ne font peur qu’à leur ombre. Quand ils pissent par terre la nuit, ça me réveille en sursaut. Là, je me rappelle que je suis vivant : toc-toc dans la poitrine. Je me fais muet, silencieux, un courant d’air et je sors de ma cellule. Je cours, je cours. Et chaque nuit, je me heurte aux briques. Le nez en sang, je retourne, piteux, dans mon lit. Je m’endors, lourd comme l’univers, le cœur en déséquilibre, dans l’air qui pue les chiottes et les poubelles.

L’immigré est assis dans la salle d’attente de l’aéroport, les yeux clos. Pas de doute, il aura été fatigué par le voyage. Alors il aura voulu se reposer quelques secondes. Le brouhaha autour de lui va finir par le réveiller. Il sursautera et ouvrira grand les yeux. Et puis il se lèvera, prendra sa valise, une seule valise tiens, et quittera la salle d’attente. Il enfilera son imperméable rouge et disparaitra comme le petit chaperon rouge dans les bois. Et le soir, quand les employés viendront vider les poubelles, ils trouveront un passeport au nom de Kaj Dahl dans la corbeille. Mais personne ne trouvera jamais Kaj.

Appelle-moi Salinger, je lui dis pendant qu’il quitte ses fringues.

Fais pas ton âme, je grogne, entre ses cuisses.

Salinger l’alter-ego, le garçon craquant, mystérieux, un acteur de films sérieux. Il a le sourire généreux et le regard humide. Il dit des choses cryptiques qui font marrer ses copains. On a arrêté depuis longtemps de lui poser des questions : qui tu es d’où tu viens c’est quoi ton nom de famille. Salinger ne répond pas, il rit un peu et change la conversation. Vous embrasse. Glisse entre votre pull et votre peau. Salinger, il est fou disent les uns. Mais Salinger est juste malheureux.

Je hurle.