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| Sujet: la renaissance. (carmelita) Dim 10 Nov - 8:51 | |
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L'anniversaire.
Il se sentait différent en ce funeste jour ; accablé de la perte d'un être cher et poignardé de cent coups de couteau en plein cœur. Elias était mort. Il fut submergé par quelques bribes de cette macabre réalité enveloppée dans la douce mélopée de la nostalgie. Il redevenait ce garçonnet de huit ans. Libre et sauvage, dansant sous les feuilles automnales qui parsemaient le lac noir de couleurs vives et brutales. Il avait été l'antihéros de sa propre quête et poursuivi par le chevalier blanc ; l'avait-il poussé dans cette eau répugnante ? Sa vision se brouillait sous le traumatisme de la mer déchaînée contre les falaises blanches. Ses souvenirs disparaissaient et la causalité du spectre renaissait en lui. Kane accordait une partie de son âme au bon vouloir de son défunt frère. Il se nourrissait de sa tristesse infinie. Ils partageaient cette chère corporelle en fusionnant leur gémellité. Elias et Kane ne formaient plus qu'un et même individu.
Il contemplait la beauté refoulée de l'océan. Le mouvement féroce des vagues lui semblait décuplé, aperçu du haut de ces falaises miraculées. Il s'approchait du rebord sans ressentir la peur grouillant au fond de ses tripes. Il était paralysé sous les merveilles quotidiennes que lui offrait la ville portuaire. Elle menaçait pourtant de prendre sa vie et d'abandonner son corps aux flots destructeurs de son âme. Un pas et il finirait noyer sous les carcasses de vieilles bicoques. Le suicidaire n'avait aucunement conscience de ce qui l'attendait au fond du précipice. Les membres déchiquetés, le cœur écrasé et les billes oculaires explosées. Le jais de ses yeux s'obscurcissait. Tomberait-il ? La nouvelle prudence d'Elias le poussa à reculer sous la crainte de cette étendue empyrée. Ils étaient en vie. Kane se sentait différent parce qu'un surplus de tendres sentiments se mêlait à la décadence de son obsession. Le paradoxe des frères jumeaux.
La délicatesse de l'un forçait l'état brut de l'autre à s'adoucir indéniablement. Le désir de la souffrance devenait une lame perfide effleurant la peau de sa proie. La peur calmait cet excès de courage et côtoyait l'imprudence de l'intrépide. Une lutte subsistait entre les Raemie. Le pouvoir ne pouvait être partagé et la dominance revenait de droit au créateur. Kane attendait impatiemment la venue de sa victime. Elias était désireux de son amoureuse. Elle devenait le pantin d'un jeu salace et la poupée disgracieuse de leur amour. N'était-elle pas magnifique ? La douce indécise... Elle ne croyait pas en la réincarnation mais il s'en accommodait parfaitement. Il maniait la musicalité des mots et la faisait sienne. Les pulsions se mêlaient les unes aux autres. A la mort, à la jouissance de l'unisson. Il se dirigea vers un rocher volumineux et s'y installa calmement. Ses saphirs se nuançaient selon la lumière et la vivacité prédominante. Un bleu pur. Son souffle glacé se perdait dans l'immensité des vents marins. Le parfum salé de la mer enivrait ses narines. Le cri des mouettes perçait ses tympans. Il n'y avait de plus belle chanson. Douvres lui offrait une perception sensorielle inépuisable. La métropole changeait chaque jour un peu plus. Les quotidiens routiniers n'existaient pas. Bientôt, l'odeur des chocolats chauds embaumeraient quelques maisons. La neige métamorphoserait ce qu'il connaissait. Les chants de Noël donneraient un ton jovial. Les enfants créeraient des bonhommes avec de vieilles branches, des pierres et autres artifices naturels. La mer s'apprêtait à dormir sous la glace. Et Elias ne serait plus là.
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| Sujet: Re: la renaissance. (carmelita) Dim 10 Nov - 20:46 | |
| les vagues s'éclatent contre les roches, de l'autre côté des carreaux mal nettoyés. aujourd'hui, c'est elle qui se noie. l'écume fait enfler ses poumons, les remplit jusqu'à ce qu'ils éclatent. ses veines se remplissent de bleu océan, la main contre l'oreille elle entendrait presque le mouvement de houle. son cœur hurlerait pour un peu d'air frais sans quoi il va moisir. ça va pourrir là-dedans et il tombera comme une vieille pomme. elle glisse sous l'eau, trop bas pour voir la surface correctement, trop haut encore pour se propulser contre le fond. chaque année elle finit sous le tsunami, à se noyer dans ce que dégueulent encore ses poumons. c'est comme une vieille musique qui tourne en boucle, encore et encore. et elle danse, en pauvre marionnette. désarticulée, un peu, lassée de l'entendre au fond de l'océan déchaîné. énervé. retourné. changé, une fois par an. chamboulé, transformé pour l'occasion. et pourtant le même pour la onzième fois. est-ce que tu vois elias, de là où tu es, dans quel état tu mets l'océan ? même lui part à la dérive, et y a plus qu'un semblant de toi qui attend en haut des falaises. un imposteur. un grand menteur. un peu voleur, de toi, du reste. est-ce qu'il te faudra longtemps avant de revenir ? à la nage, en dauphin, on s'en fout. y a une gamine avec le nez rougit par le froid qui attend son vieil ami, son amoureux. est-ce que c'est parce que tu ne peux plus te passer d'elle que tu envahis jusqu'à ce qui te ressemble, ou c'est pour oublier les vagues qui t'ont trop baladé à t'en filer la nausée ? c'est fou, d'apercevoir cette douceur dans les yeux du jumeau. c'est comme arriver en terre inconnue. c'est perturbant au point de ne plus savoir. ça pourrait n'être qu'un mauvais tour, ça pourrait n'être que toi tous les ans. qui t'amuse, une journée. est-ce que tu as peur qu'on t'oublie si tu ne reviens pas nous hanter ? c'est presque du harcèlement, de forcer les gens à se souvenir. ça ne repart plus jamais, les vagues ramènent toujours douloureusement ton image. on se demande si tu nous laisseras tranquille, un jour, si tu arrêteras de nous faire couler avant l'hiver. carmelita se dépêche en voyant la silhouette. c'est comme un mirage, et elle sait, que ce n'est jamais plus que ça. sa main se glisse contre un semblant de toi, en haut des falaises. aujourd'hui, elle redevient la marionnette. tout pourvu qu'elle puisse t'apercevoir dans le fond de ces yeux océan. et à nouveau, elle s'y noie. |
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