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 noyé dans un verre d'eau. (fel)

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Oze Cyganik
Oze Cyganik

noyé dans un verre d'eau. (fel) Tumblr_mphd8hCd041s1trpto1_r3_500
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MessageSujet: noyé dans un verre d'eau. (fel)   noyé dans un verre d'eau. (fel) Icon_minitimeLun 6 Jan - 16:38

Cette nuit, j'ai rêvé que la neige tombait. (à vrai dire, je rêve d'elle toutes les nuits)
mais là, il y avait un manteau brillant, sur toute la ville. Un couche blanche qui craquait sous les pieds. Et moi, je courrais dessus, comme un gamin, les pieds gelés et les cheveux humides, même si je ne cours plus et que je n'ai pas le moindre poils sur le corps.
Je me suis réveillé avec le sourire, pour une fois. Un sourire qui frôlait presque l'apaisement.
Un vrai sourire, rapidement détruit par le grincement des roues sur le trottoir glacé.

Non, pas les roues d'une moto ou d'un vélo qui dévale à pleine vitesse les pentes de Douvres mais plutôt le bruit d'un fauteuil roulant, lui-même à l'agonie. Perdu sous une couverture épaisse, j'ai à peine la force d'avancer. Ce doit être pour ça qu'une infirmière s'est dévouée à me faire quitter l'hôpital pour quelques heures (une heure, à vrai dire, mais ça semble une éternité). Elle a du avoir de la peine à me voir si faible et petit dans ce grand ascenseur. J'ai vu sa main se tendre et l'envie de crier m'a brisé les côtes. J'ai voulu lui dire, de ma voix basse et mélancolique, j'ai voulu lui crier comme je pouvais me débrouiller seul. Je ne l'ai pas fait parce qu'à ce moment là, je savais déjà que c'était un mensonge. Et je n'aime pas mentir. Je n'ai jamais aimé ça, duper les gens, encore moins lorsque l'évidence est ancrée dans mes yeux, en gras et lumineux : JE SUIS UN LEGUME. Ça l'aurait fait rire à Novalee, j'en suis sûre, parce qu'elle adorait les légumes, elle, contrairement à tous les autres enfants. Alors, elle m'aurait aimé encore plus que d'habitude. Dommage qu'elle n'est plus là pour voir cette scène pathétiquement drôle. Son Oze assit et cloué à un fauteuil roulant, un chapeau trop grand sur la tête, un blouson, des gants, trois pulls, deux slips, dix paires de chaussettes et une couverture. Non, j'exagère. Mais c'est presque ça, en fait.
J'y trouve quand même un avantage : j'ai presque l'air gros.

Le visage légèrement baissé, les yeux rouges et le visage pâle, j'ai l'air d'un vieil homme en fin de vie. On en est plus trop loin. Si on enlève l'histoire de l'âge, on est carrément dans le mille ! Mais la vérité, si je baisse les yeux comme ça, comme un cadavre, c'est uniquement parce que j'ai honte. Honte de dévoiler une telle faiblesse. Donc, idiot, je baisse la tête, dissimule la maladie et prie tout bas pour que l'on ne me reconnaisse plus. Je suis un fantôme, c'est bon. Et toi, qu'est-ce que tu regardes là ? Un fauteuil roulant vide poussé par une jolie blonde ? C'est vrai qu'elle est belle, sous sa tonne de maquillage. Magnifique, même. Je l'ai déjà vu sans artifices, moi. Si, je te promets. Elle pleurait dans ma chambre au petit matin, le départ de son copain. Et tu veux savoir ? Sans maquillage, la poupée est encore plus jolie. On est toujours plus beau, sans ces conneries. Fin non, c'est un mensonge. Depuis que j'ai perdu mes bouclettes et ma barbe, je ne ressemble plus à grand chose. Juste à un cancéreux (tous les cancéreux se ressemblent, pour en côtoyer à longueur de temps). J'ai parfois l'impression de me trouver dans un groupe de skinhead en retraite. Nous, au moins, on a pas à le raser, notre crâne, ils en seraient jaloux, j'en suis certain.
Non, je blague.

Grincement, un caillou s'emmêle dans les roues et me voilà secoué comme un sac à patates. L'infirmière m'a promis que nous irions voir la plage, après un chocolat chaud. C'est donc décidé, écrit en surligné sur mon planning d'avant-mort : réveil 8h30, analyse, chimio, douche, repas, sortie après-midi (1heure), repas, psychologue, coucher. Ça donne tellement envie. J'ai déjà hâte d'être à demain. Je suis même persuadé que sur leur grand planning est écrit la date de ma mort, ou une approximation. Parce qu'ils savent tout les médecins, tout sur tout, même lorsqu'ils viennent vous dire que tout ira pour le mieux. Si on lit entre les lignes, on comprend qu'ils commencent déjà à nous dire adieu.

Devant le bureau de tabac, la jolie blonde me fait signe : pause achat de cigarettes. Signe de tête, enfin, mon regard se relève et mes mains se posent sur les roues. Les grincements recommencent, le fauteuil prend un peu de vitesse, pour changer de ma vie à deux à l'heure. L'entrée du tabac s'éloigne dans mon dos, je peux le sentir à l'odeur de cigarettes qui ne vient plus dans mes narines encombrées par de dérangeants tuyaux. Je me surprends à apprécier chaque détail de cette grande rue. Mon regard caresse les visages, détaille les tenues et mon cerveau s'imagine la personnalité de chacun. J'ai les sourcils qui se froncent et le cœur qui perd la tête lorsque l'un de mes cobayes surgit des entrailles du passé. Il me faut quelques secondes avant de tout retrouver, par ci, par là. À quelques mètres de moi, recouvert de peinture, Felipe s'éveille. Et mes doigts accélèrent le mouvement contre les roues. J'y vais pas avec force, non, j'accélère juste, de mon mieux, pour ne pas le laisser s'échapper dans la foule. « Felipe ! » J'ai le cri brisé, tiraillé entre joie et désespoir. Joie de le revoir, désespoir de ne pas être assez rapide. Pourtant, contre toute attente, au milieu des bars en bord de route, la fauteuil parvient à le rejoindre.
Je parviens à le rejoindre.
À ce moment, c'est le silence total, il doit bien se demander ce qu'un handicapé lui veut.

« C'est … c'est Oze. » J'hésite à lui dévoiler mon identité. J'ai peur qu'il se moque. Peur qu'il ne me reconnaisse pas. J'ajoute quand même quelques mots, encore, comme pour le supplier. « J'ai juste abandonné les bouclettes et la barbe, ça faisait trop bestial. Un garçon les a noté en dessous de 3/10. » Léger rire, lueur enfantine, on se fiche bien de ce mensonge évident. Je cherche seulement à alléger l'atmosphère, prendre un bon premier contact, à peine de quoi mieux le retrouver.
Pourtant, on peut encore voir les larmes au fond de mes yeux : de belles larmes qui ne demandent qu'à sortir, pleine de joie et de peur.
Surtout de joie.
Felipe, c'est pas possible, je suis tombé dans une autre dimension.
Ou alors, c'est un rêve, comme pour la neige.
Le retrouver, c'est presque un 11/10.


Dernière édition par Oze Cyganik le Mar 7 Jan - 10:15, édité 1 fois
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Felipe Sabouraud
Felipe Sabouraud

TU PRENDS MON ÂME.

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MessageSujet: Re: noyé dans un verre d'eau. (fel)   noyé dans un verre d'eau. (fel) Icon_minitimeLun 6 Jan - 18:42

C'est marrant quand même, mine de rien ; comment le monde, subitement, il décide de changer. Un peu comme les saisons, sauf que le passé, il revient pas. Aucune roulette, aucun sentier qui, au final, revient au même départ. Ça change, tout simplement. Littéralement, même, avant même que l'on se rende compte de quoique ce soit. Y'a les idiots, les fous ou nostalgiques, qu'importe le nom que l'on leur colle, qui tournent leurs pupilles vers le passé, souvent, parfois, et puis qui soupirent un peu trop fort. Ceux qui passent la plupart de leur temps à parler du bon vieux temps, si bien que ça devient lourd, lourd et amer, dans la gorge des passants. Et puis ceux, ceux là qui paniquent dès l'instant où le changement, ils en viennent à le réaliser. Ceux qui pensent, l'esprit en tempête, la panique dans l'âme qui les lacère de toutes parts. Les petits nerfs à vif, les peureux de la vie, des sentiers inconnus qui stoppent tout mouvement, qui attendent de penser vingt ans, avant de faire le moindre pas. Ceux qui observent cent ans le décor environnant, pour ne pas croiser de surprise, pour avoir ce petit sentiment là, dans le coeur, de contrôle. Les gens tristes, les gens peureux, que l'on dit. Les Felipe, oui. Felipe qui cache les pensées, pourtant, maintenant. Felipe qui fronce des sourcils un peu plus fort, et pose des baisers sur les lèvres de son amoureux, en public, pour le faire taire. Sans penser aux regards qu'ils peuvent bien affronter, sans penser aux gens, autour, qui se mettent à analyser, classer, noter, et juger. Felipe, l'enfant qui est devenu grand, l'enfant qui ne pense plus à la vie, au parcours - ou du moins, qui tente- et qui la vit, simplement.
Felipe, l'idiot qui jure un peu, encore ses doigts, non sans lancer un sourire bien heureux, bien joli, à la bonne femme qui le fait travailler, qui en vient à le payer. Il grince des dents à cause des muscles à vif, de la douleur qui envahit ses bras et son dos, ses jambes aussi, à force de peinturer, mais il ne se plaint pas. Il ne fait pas l'enfant, à être là, un peu de rose bébé dans ses cheveux pourtant cachés. Il soupire un peu, simplement, tout cela pour montrer peut-être qu'au final, qu'importe le temps, il n'a pas réellement changer. Felipe fait sa vie, sans penser, analyser et calculer ; la crise est passée depuis un petit moment, de toute manière. Il a fait un cas social pour quelques mois, quelques semaines du moins, dans tous les cas.

Il baisse un peu la tête, à y penser.
Fin sourire sur les lèvres, ça le fait presque marrer.

Derrière, quelques bruits de pas. La vielle dame se pointe avec quelques biscuits, quelques gâteaux pour ses beaux yeux ; solitaire depuis la mort de son mari, elle profite de la présence de Felipe au plus haut point. Il n'est pas stupide ; la peinture n'était pas à refaire dans toutes les pièces de la demeure, mais une présence presque constante lui fait du bien, tout au moins. Felipe lui adresse un fin sourire, pour être poli ; impossible d'être méchant avec la vieille dame aux cheveux blancs, aux doigts tremblants. Un soupir traverse ses lèvres, léger, alors qu'il pose le pinceau au sol, contre les journaux, et lève les prunelles vers l'horloge. « J'dirais bien oui, m'dame, mais il est l'heure de manger. J'file prendre un sandwich au café du coin et puis j'reviens manger ça, 'kay ? » Il s'avance et pose un baiser contre sa joue, rapide, avant qu'elle n'est le temps de protester ; elle lui fait bien trop souvent à manger. Felipe prend son gilet en vitesse, là, sur le porte-manteau, et puis disparaît au travers du froid ; l'hiver n'est pas encore là, de par les dates et par la neige. Il fait froid, assez pour figer les traits un peu, racler la gorge, mais pas suffisamment pour que l'hiver soit là, dans les mots et l'ambiance.

Il fronce des sourcils, au travers du temps, avant de renifler un petit peu, et puis d'avancer vers la rue principale, pour aller chercher sandwich et chocolat chaud, pourquoi pas. Qu'importe si l'un ne va pas avec l'autre ; il aime ça, simplement. Il a ce petit sourire sur les lèvres, peut-être, les jeans pleins de peinture, pourtant; il ne s'en soucie pas, étrangement, qu'importe le prix qu'il a bien pu payer, pour les avoir. Felipe, toujours bien habillé, tout tâché, là. À croire qu'il en a assez d'attirer les prunelles et les gazelles, à croire que, c'est pour de vrai, maintenant, qu'il s'est casé. Felipe est casé. Pas cassé, mais casé. Amoureux, dévoué ; noyé dans l'amour d'un être aimé.

Le café est là, à quelque pas.
Parfois, juste comme ça, on dit.
On dit quelque chose comme ça ; le temps, on ne le rattrape pas.
Ou alors, le destin. Felipe ne sait pas réellement, il n'écoute pas, ne lit pas ce genre de choses. Trop de pensées pour lui, il ne viendrait à délirer de nouveau, à paniquer.
Felipe, l'hypocondriaque des pensées; voilà comment il faudrait l'appeler.
Qu'importe enfin ; aujourd'hui, le destin, il est là.
Il est là, un bouquet de fleurs entre les doigts - elles sont un peu abîmées, proche de la mort, mais l'intention est là - .

Un bouquet de fleur sur une chaise roulante, un petit bruit qui fait appel à la maladie, aux pensées et aux chagrins, aussi. Et puis le cri ; le cri du destin. « Felipe ! » Il fronce des sourcils, le peinture, stoppe son pas, même. La langue passe sur ses lèvres en vitesse et il observe autour depuis le trottoir, rapidement. Les cris du fauteuil roulant, agonie, cessent. Ils les entend encore, pourtant, alors qu'il dévisage les traits, là, bas. Les traits maigres, les prunelles éteintes. Il voit quelque chose, il reconnait quelqu'un, mais quelque part, il ne veut pas. Il ne veut pas penser à ça ; les pensées, elles ne peuvent que prendre une mauvaise direction. On ne peut pas se trouver dans un fauteuil roulant pour une bonne raison ; l'objet serait plus beau, moins gênant, sinon. « C'est … c'est Oze. » Il sait. Évidemment qu'il sait, Felipe. Ses lèvres se pincent comme ses pensées se ferment. Il reste un moment, Felipe, une éternité certainement, à le dévisager. Les souvenirs d'été, la soirée dans la cabane, la nuit ; on dirait que tout ça est caché derrière un brouillard. Le brouillard de son visage, de son corps faible, là, comme ça. Felipe a cette impression, au fond, que s'il ouvre la bouche, il aura un noeud à la gorge. Oze, il fait mal au coeur, comme ça. Juste ça. « J'ai juste abandonné les bouclettes et la barbe, ça faisait trop bestial. Un garçon les a noté en dessous de 3/10. » Mais il le fait sourire, ce con. Il le fait sourire, bon sang. Il fait fin, oui, minime et pourtant, suffisant pour chasser les pensées; il se souvient, maintenant. Oze, il avait cet effet là, cette soirée-là. L'instant est loin, il n'a pas duré longtemps, et pourtant, il s'en souvient parfaitement. « C'est le mec qui aurait du être abandonné, selon moi. » Il se sent grand, Felipe, face à lui, comme ça. Ça fait amer dans sa gorge et il n'imagine même pas le goût, au fond, dans celle d'Oze. C'est peut-être pour ça, au fond, que ses genoux se plient et qu'il se met comme ça, à sa hauteur, sans dire quoique ce soit. Quoi dire, de toute manière ? « Tu les as gardé dans un bocal pour moi, au moins ? Ou t'en as fait une perruque, peut-être ? » Il a ce sourire en coin, léger, sur ses lèvres. Les sourcils, ils sont moins froncés ; il y parviendrait pas, de toute manière, Felipe. C'est impossible, devant Oze. Oze comme ça, il peut pas.

Un soupir finit par le prendre, au final ; celui de l'émotion, de cette surprise un peu trop grande, un peu trop cruelle, peut-être. Felipe, il se promet de crier après la vie, une fois la rencontre terminée, pour ce qu'elle a osé faire. Pour cette connerie qui colle supposément à la peau d'Oze, dont il ne connait pas le nom et qui, au fond, il ne veut pas connaitre le nom. Felipe l'observe dans les yeux, ses yeux bleus, là, si vifs la dernière fois, pendant l'été. Felipe a le sourire amer, sur les lèvres ; il a envie de prendre les étoiles de la ville, des lampadaires, et de les coller dans ses yeux. C'est pédé et niais, qu'importe ; c'est la vérité. Soupir, il désigne le café, au final. «hmm... j'allais manger, tu veux venir ? » Il penche un peu la tête, n'attend pas la réponse - impoli - et se redresse. Un instant, il hésite à pousser la chaise - c'est pas ce qu'on doit faire, non ? - mais il pense à sa propre réaction, si la chose arrivait, si la situation était inversée. Felipe, il se contente de lui ouvrir la porte, alors, et d'attendre.


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Oze Cyganik
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MessageSujet: Re: noyé dans un verre d'eau. (fel)   noyé dans un verre d'eau. (fel) Icon_minitimeJeu 9 Jan - 17:19

Le sourire de Felipe, il vaut de l'or. Il vaut bien plus que toute cette chimiothérapie et ces fleurs que je reçois parfois, lorsque tout va mal. Ce sourire, il est un peu comme celui de Niel : il fait du bien. On a envie de le lui voler pour l'enfermer dans une boîte et le regarder seulement quand ça va pas. Mais même si je venais à faire cela, il ne serait pas aussi beau que sur son visage. Alors que là, j'ai déjà l'impression de sentir une boule au fond de mon estomac. Une petite force capable de réchauffer une partie de mon âme et faire battre le cœur un peu plus fort. Ses genoux touchent le sol et le monde s'écroule tout autour de nous. Je ne suis plus petit et pathétique. Je n'ai plus les cheveux perdu dans les égouts de la ville. On a la même taille, la même forme, la même tête, la même énergie. J'ai quand même envie de lui répéter une nouvelle fois, à voix basse 'c'est Oze, tu m'entends ? Oze, le gamin de l'autre soir.' On sait jamais, peut-être qu'il ne se souvient pas de notre soirée. Moi, je peux lui raconter, s'il veut, dans les moindres détails. Je m'en souviens, comme si c'était hier. Même le désespoir ne peut rien contre ce doux souvenir. J'ai l'impression de sentir le contact de sa peau, encore. Et le son de sa voix, alors ? On en parle du son de sa voix ? Non, ce serait peut-être trop. Mais qu'est-ce que ça peut bien faire, après tout ? Je le regarde, les yeux plein de larmes, tout un océan d'affection retenu, juste pour lui. « C'est le mec qui aurait du être abandonné, selon moi. » Petit rire, brisé. Rire encore timide et enfantin. Je tourne légèrement la tête, comme pour vérifier mais non, je suis toujours à Douvres, sur ce trottoir, dans un fauteuil roulant. On est plus dans la cabane du bonheur.
Ah, cette cabane.

« Tu les as gardé dans un bocal pour moi, au moins ? Ou t'en as fait une perruque, peut-être ? » En temps normal, ça aurait suffit à me faire chialer. Oui, Niel, il le sait, il m'a vu, perdre mes cheveux et les pleurer un à un. Felipe, il a raté plus d'une étape (un épisode tout entier, voir deux). Il peut pas savoir, non, comme mon crâne lisse peut me rendre malade -ça sonne étrange de dire ça, dans mon état-. Qu'importe, j'ai les mains qui tremblent et le cœur qui se noie. Je remue la tête, doucement, pour lui répondre négativement. La vague calée entre la pupille et l'iris remue un peu, voile blanc, son visage disparaît l'espace d'une seconde sous le flou de mes larmes. Dans un élan de force, je les rattrape au vol et les laisse se noyer à l'acide mon estomac. À le voir si proche, à nouveau, j'ai presque envie de l'embrasser. Je me souviens de la douceur de ses lèvres contre les miennes. C'était quelque chose de beau, pour ne pas dire magnifique. Fin si, magnifique, le bon dieu a l'habitude, après tout, de me voir en faire des tonnes. De toute façon, il n'existe pas même pas, alors à quoi bon retenir ses pensées.

On reprend, donc. J'ai envie de l'embrasser, comme pour me remémorer le goût de sa bouche. Dans ma tête, nos baisers sont splendides. Probablement parce qu'à l'époque, j'étais déjà un peu paumé et persuadé de finir seul, avec cinquante chats. C'est un truc de fille cette pensée mais qu'importe, c'était avant tout la triste vérité. Je n'savais pas, non, à ce moment là, qu'Aristée me briserait le cœur. Que Novalee s'en irait. Que le cancer ramènerait sa tronche avec un grand sourire. Et puis surtout, j'pensais pas que Niel terminerait dans mes bras. Alors, le temps d'une nuit, je me suis laissé tomber dans ses bras, comme mon unique repère. Ce grand connard à 7/10 de sympathie m'avait montré que tout n'était pas perdu. Ou presque. J'étais tombé amoureux de lui, moi, le pauvre frisé dévoré par la solitude. Je l'aurais même épousé, pour vingt quatre heures, libre à lui de s'en aller, juste après. Mes lèvres tremblent lorsqu'il se redresse.
Felipe va partir, aussi vite que la première fois.
Après tout, nous ne savons rien l'un de l'autre.
J'entends déjà ces mots résonner dans mon esprit.
« c'était bien de te revoir, t'as l'air en forme. À la prochaine, peut-être. »
Soupir, j'ai besoin de l'infirmière, soudain, qu'elle me ramène à l'hôpital, vite.

Mes mains sont déjà posées sur les roues, prêtes à pousser dessus fébrilement. À la fin de la rue, je laisserai le fauteuil s'en aller à toute vitesse dans la pente et finir au fond de l'eau. Attendre la neige, c'est une connerie. Comme ça, Niel n'aura même pas à se débarrasser de mon corps. «hmm... j'allais manger, tu veux venir ? » La porte s'ouvre et mes doigts se resserrent. Le cadavre avance lentement, ferme les yeux sous la chaleur de la pièce. Des regards, curieux, plein de pitié se posent en ma direction. Ma main quitte mon bonnet face à cette situation. Avec ce truc sur la tête, j'ai l'air moins malade que je ne le suis. Dans un grincement, je finis par m'approcher de la table à deux la plus proche. Et pour ne pas laisser le silence prendre place trop longtemps, je me tourne légèrement vers lui, sourire aux lèvres. « [colr=indianred]ça fait plaisir de te revoir. J'ai souvent pensé à toi, tu sais.[/color] » J'ai même prié, une ou deux fois, pour qu'il t'arrive de belles choses. J'ai prié, en même temps que je priais pour moi. J'espère que le bon dieu a été plus clément avec toi qu'avec moi. Nouveau sourire, comme pour dissimuler mon corps squelettique qui se relève et part s'installer difficilement sur la chaise à côté. Juste de quoi avoir l'air normal. Ça paraît peu pour les autres mais pour moi, c'est une véritable fierté. Quelque chose de grandiose, un véritable pas de force. J'ai réussi à m'installer sur une chaise ! J'ai presque envie d'appeler l'hôpital pour leur montrer que je ne suis peut-être pas complètement foutu. Écrivez le dans les journaux, montez sur les toits pour le chanter. Faites quelque chose.

Installé juste en face de moi, mes yeux descendent jusqu'à l'une de ses mains, posée sur la table. Je reste comme ça, à le regarder quelques secondes jusqu'à faire glisser mes doigts, doucement. « Je … je peux toucher ta main ? » Mais putain Oze, c'est quoi cette question ? Et puis cette façon d'aborder les gens. On caresse pas une main, même celle de Felipe. « Non … je, excuse moi. » Le temps s'est pas arrêté entre votre nuit et ce jour bien triste. La serveuse se pointe et détruit le moment, ma main gelée retourne sur mes genoux squelettique. Même à travers le pantalon, je peux sentir mes os, c'est dégoûtant. Je n'aime pas ça. De toute façon, c'est pas le moment, non, de penser à ça. Pour l'instant, c'est l'heure de la commande. J'hésite à lui demander à un simple verre d'eau mais j'ai peur de paraître ridicule. Parce que je sais comme les chances sont nombreuses pour que je ne le garde pas sur l'estomac. L'infirmière, elle se fiche bien que je me vomisse dessus. Felipe, lui, il s'en souviendra toute sa vie, certainement. Ce sera la première chose qu'il racontera à ses amis en rentrant chez lui. 'un idiot s'est vomit dessus tout à l'heure. C'était ridicule, t'aurais du voir ça, une bonne vidéo pour internet.' mais tant pis, je prends quand même le risque : un chocolat chaud et le petit biscuit qui va avec. Silence, le temps de terminer la commande, jusqu'à ce que la serveuse ne nous offre à nouveau son dos. « Tu as l'air d'aller bien. » Faut dire que les gens, à l'hôpital, ils passent le plus clair de leur temps à pleurer. Ça chance, son sourire et ses traits durs. « Tu me racontes ? Je veux tout savoir, sur ce que t'es devenu. Et puis sur tout ce qui te semble bien. J'ai juste envie d'entendre ta voix, en fait. » Il doit bien rire, Felipe, à voir comme je n'ai pas su grandir et évoluer depuis la dernière fois. Mes yeux brillent presque, encore, comme avant. Je suis prêt, installé dans ma chaise, sous mon gros bonnet, je suis prêt à écouter tout ce qu'il a à me dire. Comme ça, s'il y a quelque chose après la mort, je pourrais raconter les histoires de toutes ces personnes que j'ai aimé. Je pourrais les écrire, les peindre, les réciter, les aimer et puis les chérir, pour ne jamais vraiment les quitter.
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Felipe Sabouraud
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MessageSujet: Re: noyé dans un verre d'eau. (fel)   noyé dans un verre d'eau. (fel) Icon_minitimeMar 14 Jan - 18:37

Il pourrait avoir le regard bas, Felipe, et puis assassiner les gens qui sont là, tout autour d'eux. Ceux qui observent avec des prunelles trop grandes et qui, certainement d'un ton bien trop haut, se permettent de juger la scène qui est en train de se dérouler. Il y a quelques mois, il aurait certainement crier des insultes, ou alors fuis, simplement. Il aurait peut-être fait le con, en reconnaissant Oze sur sa chaise qui roule, alors que sa santé, elle, ne roule plus très bien. Il aurait fait le con, oui, à faire comme les gens, à l'insulter et puis à hausser des épaules si quelqu'un, parmi ces gens, lui avait posé une question sur l'infirme juste là qui lui adressé la parole. Quelques mois, une différence totale. C'est fou ce que les gens changent, quand même. Dedans, dehors ; de partout, en somme. Felipe, il a le menton haut, en fait. Il tient la porte et il ne cille pas, simplement, qu'importe le regard des gens. Il s'en fiche ; c'est Oze. Oze, bon sang. Les mots, ils le font froncer des sourcils, certes, mais pas pour la même raison, cette fois. Ils n'ont pas le droit de parler comme ça, de juger sans savoir, de parler de malheur et puis de dire désolé sans savoir. Felipe, il ne le fait pas, lui. Il ne pose pas de questions, non plus ; dans la tête d'Oze, il doit y avoir une petite cassette qui s'active dès l'instant où les questions surgissent, et puis le discours qui se met en route pour tout expliquer, encore et encore. À quoi ça sert de savoir, de toute manière ? Il suffit d'un regard pour savoir, d'un regard pour comprendre ; le temps, il s'efrite entre ses doigts. Le temps, il ne restera pas bien longtemps ; il a d'autres vies à faire vivre, d'autres choses à vivre. Oze, c'est déjà du passé, pour lui. Ça fait grimacer, une pareille pensée. Un peu trop certainement, en sachant que le Oze, il ne le connait pas réellement, pas totalement. Mais au fond, ça, on s'en fiche, n'est ce pas ?

Oui , on s'en fiche bien un peu, de tout ça.
Oze, il est là, et même sans les bouclettes tant appréciés, et bah, ça met un sourire, sur ses lèvres.
Un vrai, beau, sourire.

Alors, c'est peut-être pour ça au fond qu'il a un peu cette lueur noire dans les yeux, à observer les gens. Il leur dit non, faut pas dire ça, il est où, votre foutu droit ? Il les juge, au fond, un peu comme eux sont en train de faire, mais au final, à quoi bon s'attarder sur les détails ? Certaines choses, au fond, ne changent pas, seulement la direction. C'est la honte, au fond, qui s'est effacée de ses traits ; il ne recule plus réellement, maintenant, Felipe. Il est là ; les pieds au sol, il reste et il ne recule pas. Il est là.

Ses prunelles, bleutés, se posent sur celles d'Oze alors qu'il tourne ses yeux dans sa direction. La lueur noire s'évade et il y a fin sourire, sur ses lèvres. Oze, on se sent obligé de lui sourire. C'est juste...juste comme ça, en fait. Pas autrement. On ne peut pas, non, faire autrement. C'est Oze, bon sang. « ça fait plaisir de te revoir. J'ai souvent pensé à toi, tu sais. » Ça fait sourire encore plus, ça. Comment ne pas le faire, après tout ? Oze, il se souvient oui. Oze, il a toujours dit des trucs adorables, tout au long de cette journée, sur le bord du lac ou alors, dans cette cabane. La nuit aussi, quand sa peau tiède était collée à la sienne et que, ses doigts, ils glissent le long de son torse, religieusement. « Moi aussi, ouais. » C'est un peu faux, un peu vrai, en fait. Il y a eu tellement de choses, tellement, des milliers de petites choses, oui, depuis le temps. Mais au fond, Oze, il a toujours été, dans ses pensées. Parce que c'est un bon souvenir, quelque chose de beau, simplement. Quelque chose de beau et de tendre, oui.

Grimace là, pourtant, sur ses traits. Il a l'insécurité qui le prend vivement par les tripes et qui fait un noeud, brusquement, lorsqu'Oze, il tente de se lever seul et puis de se poser sur la chaise, à la table. Ça fait mal aux tripes. Un peu trop, même, mais il ne dit rien. Il ne dit rien, non, malgré ses doigts qui, un peu, se tendent vers lui, et le corps qui se braque pour attendre la moindre secousse, la moindre chute. Il respire enfin, Felipe, lorsqu'Oze prend place, enfin. L'impression d'avoir couru des heures lui tombe dessus alors qu'au fond, quelques heures sont passées, simplement. Felipe, il a ce sourire léger, sur les lèvres, quand il croise les prunelles d'Oze alors qu'il prend place, enfin. Il a les yeux qui brillent, qui brillent bien fort, oui, en fait. Ça fait un peu comme les rayons du soleil qui se reflètent sur le surface de l'eau calme d'un lac. De leur lac, oui. Ça ressemble à quelque chose comme ça. C'est beau, en fait. Touchant, même.
Petit soupir entre ses lèvres ; c'est beaucoup quand même, en même temps. Felipe retire son bonnet, le pose sur la table, et puis laisse ses mains là. Il respire quelque instant, renifle un peu, à cause du froid, et les doigts d'Oze, ils bougent doucement, sur la table. « Je … je peux toucher ta main ? » Petite surprise, dans les traits de Felipe. C'est joli, mignon, comme demande. Il fronce des sourcils, pourtant, avant de sourire légèrement. Pas assez vite, certainement, car Oze, il retire ses doigts. « Non … je, excuse moi. » Felipe, il a le sourire qui fait un peu plus petit, doux, et calme, avant qu'il ne lui parle. « Non ça va, t'excuses pas, Oze. » Il est sur le point de continuer, de tendre les doigts pour prendre les siens, mais la serveuse pointe le bout de son nez. Felipe lève les yeux vers elle, la salue d'un mouvement de tête ; il la connait du lycée, c'est certain. « Comme d'habitude, chocolat et sandwich. Et euhm, un verre d'eau. » Elle prend commande, laisse traîner ses yeux un peu, et puis disparaît, simplement. « Tu as l'air d'aller bien. » Felipe tourne ses yeux vers lui, les traits un peu durs, certainement. Il va dans sa bulle, le petit, immédiatement. Une protection certainement, lorsqu'il y a d'autres gens. Le problème, face aux mots, c'est qu'il ne sait pas réellement quoi répondre. Oui et toi ? Non, ça ne se pose pas. C'est bête, simplement. Felipe, il sourit un peu, alors, simplement. Il sourit et attend, et Oze, et bien, il continue. « Tu me racontes ? Je veux tout savoir, sur ce que t'es devenu. Et puis sur tout ce qui te semble bien. J'ai juste envie d'entendre ta voix, en fait. » Un enfant. On dirait un enfant. Oze, il a beau être maigre et avoir perdu ses cheveux, il a toujours cette lueur, dans ses yeux. Oui, elle est un peu faible, un peu moins forte mais...

Mais elle est là. Juste, là.
Là.

Felipe, il pose son coude sur la table, même si ce n'est pas réellement poli. Il l'observe, la joue appuyée sur la paume de sa main, avant de lui sourire un peu, malin. Il ne sait pas réellement par où commencer, en fait. Trop de choses à dire, des milliers d'histoires, dans sa vie. Il se contente de sortir son portable, alors, et puis de retirer le mode veille. La sale tête d'Ilir s'affiche, à côté de la sienne. Felipe fait glisse le portable vers lui, pour le lui montrer. « Il travaille à la base militaire, tu sais, juste à côté.? » Fin sourire, sur les lèvres. Ses yeux caressent la photographie. « Il est bête. Et impulsif aussi. J'crois que le mec qui a inventé les bisounours s'est inspiré de lui, en fait. Il est insupportable, quand il veut de l'attention. Pire qu'un chiot. » Rire, au creux de la gorge. Les yeux brillent un peu, peut-être trop, en fait. Soupir entre les lèvres, il ne sait pas réellement quoi lui dire. « Je l'ai rencontré... un peu après cette nuit là, en fait. Pire engueulade de ma vie, je te dis pas. » Il rit, encore. « Enfin, on sort ensemble depuis...août, environ. Hm... le 14 août, en fait » Gêné, le petit, de se souvenir de la tête. Il lève un peu le menton, remercie la serveuse qui revient avec les choses, et puis prend une bouchée. Une fois le tout avalé, il continue. « Enfin bref, on vit ensemble, maintenant. » Il lève les yeux vers lui, de nouveau, enfin. Felipe, il a l'air heureux. On le devine au travers de ses traits un peu durs, de ses sourcils certainement quelque peu froncés. Parce que...parce que, et bien, ses yeux, ils sourient. Comme ça, simplement. Felipe, il est bien, dans sa vie à la con, avec Ilir la sangsue toujours là, qui, comme on peut le voir sur le portable, lui a envoyé un foutu message un peu bête pour lui dire bon appétit, avec un coeur bien niais. Nouvelle bouchée de son sandwich, pour alléger le tout.

Après un moment, il pointe le verre d'eau. « Tu peux le prendre, s'tu veux. Enfin j'crois que c'est pas bon manger, ou j'sais pas quoi. 'fin, fais pas de conneries non plus, ça s'rait con d'te faire mal juste pour me faire plaisir. » Sourire gêné, un peu. « Et puis c'pas moi qui vais dire non à un deuxième chocolat et un biscuit. »
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Oze Cyganik
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MessageSujet: Re: noyé dans un verre d'eau. (fel)   noyé dans un verre d'eau. (fel) Icon_minitimeDim 26 Jan - 16:54

C'est bête cette façon d'avoir les yeux brillants au simple fait de retrouver Felipe. Y a toute une flopée de souvenirs qui me revient en tête, comme ça, violemment. Ses caresses et ses baisers. Ses paroles aussi, un peu brutes et débiles, parfois. J'ai pensé qu'il était comme les autres, au début, avant de le découvrir dans cette misérable cabane. Si j'en avais la force, j'y retournerais bien, moi, à cette fichue cabane, avec lui. On se remémorerait de jolies choses, sans avoir à se parler, juste à se regarder. Cette pensée bête et pleine d'espoir s'accroche à mon cerveau comme la pire des sangsues. Je ne peux plus me décrocher d'elle, de cette agréable sensation d'aller mieux, soudainement. Felipe, le magicien. Si Niel pouvait être là, aussi. J'aimerais lui présenter, sourire aux lèvres. Les deux plus belles personnes que j'ai eu l'occasion de rencontrer sous le même toit, à la même table. Ça ferait naître des fleurs dans mon cœur un peu mort par l'hiver incessant qu'est devenu mon âme. Felipe aimerait Niel, à son tour, parce que tout le monde aime Niel, même la pire des bêtes féroces. On ne peut pas passer à côté de lui et penser du mal de sa personne. J'en suis persuadé, qu'importe l'objectivité de mes pensées. Le simple fait de le porter dans ma tête à l'instant, suffit à me donner un peu plus de force.
C'est une journée presque ensoleillée pour moi, aujourd'hui.

Mes doigts se perdent sous la table, nerveux, tandis que mes paumes moites se collent l'une à l'autre. J'ai peur d'être un boulet pour Felipe, même si ça doit durer le temps d'un repas, ce serait déjà beaucoup trop pour moi. Je veux pas qu'il garde ce souvenir idiot de moi : ah oze, l'incapable, pire repas de ma vie ! Non, alors, s'il le faut, je boirais un chocolat, voir deux, ou même trois, ce que vous voulez. Ça paraît pas important mais pourtant, ça l'est à mes yeux, tout autant que mon cœur qui bat doucement sous ma poitrine. Ce cœur si fatigué qu'il pourrait s'arrêter à tout moment, dévoré par la chimio et la thérapie, il ne sait plus où se perdre pour trouver un peu de répit. C'est à croire que Felipe représente un minuscule bouclier à souffrance. Et cette simple défense suffit à me donner un peu de chaleur, là, à l'âme. J'ai presque envie de le remercier mais il ne comprendrait pas mes mots. Il ne comprendrait rien, comme la plupart du monde. Je ne peux même pas le pointer du doigt pour ça, c'est normal. Si on devait tous se mettre à la place de l'autre, ça sonnerait faux. Même pas humain. Et Felipe, il est un peu ce qu'il y a de plus humain, j'ai pu le voir par le passé.
Et je le vois encore.
C'est pour ça que je l'ai aimé si vite.
Que je n'ai jamais su l'oublier, depuis.

Son corps se penche sur la table, légèrement, pour y attraper son portable. Une photo s'affiche sous mon regard et mon sourire s'agrandit, un peu bêtement. Je pensais y voir Gabin, peut-être, alors c'est un sourire un peu surpris. Les choses ont changé, finalement, depuis notre soirée. Le temps ne s'est pas arrêté.  « Il travaille à la base militaire, tu sais, juste à côté.? » J’acquiesce, d'un mouvement de tête, sans oser parler, par peur de le couper, peut-être. Il était pas du genre à se dévoiler, avant. Si les choses changent, la nature d'une personne, elle, reste la même. Alors, pour ne pas le brusquer, je me contente de rester à ma place, les mains sous la table et les yeux figés sur son visage. « Il est bête. Et impulsif aussi. J'crois que le mec qui a inventé les bisounours s'est inspiré de lui, en fait. Il est insupportable, quand il veut de l'attention. Pire qu'un chiot. » C'est beau de le voir raconter ça comme ça, le sourire aux lèvres et une étincelle au fond des pupilles. Une étincelle qui doit prendre racine au cœur, ou quelque chose comme ça. Un truc bien niais, comme il ne les aime pas. Mais moi, ça me fait sourire d'avantage, à le voir heureux et bien dans sa peau. C'est tout ce qu'il méritait, au fond, un peu de bonheur. Et de l'amour.
C'important, oui, l'amour.
Alors, ce serait con de ne pas le lui accorder.

« Je l'ai rencontré... un peu après cette nuit là, en fait. Pire engueulade de ma vie, je te dis pas. » La pensée négative d'une engueulade parvient à me décrocher un pincement au cœur. La colère est ennemie de l'homme. Je le sais pour l'avoir côtoyé trop longtemps. Pourtant, son rire parvient à faire naître une pluie d'étoiles dans mes yeux. Une pluie incessante, là, la pluie Felipe. « Enfin, on sort ensemble depuis...août, environ. Hm... le 14 août, en fait » Quatorze août, et c'est que ça dure, en plus de ça. Il ne se fout pas de ma gueule, Felipe, il a peut-être rencontré le bon. « Enfin bref, on vit ensemble, maintenant. » J'ai envie de lui poser des tas de questions mais elles restent coincées au plus profond de moi. Elles sont trop curieuses, trop intrusives, trop tout pour être dévoilées. Alors, patient, je les garde avec moi, quitte à les mettre dans mon cercueil. Ou plutôt mes cendres. J'ajoute quand même, sur une voix merveilleuse et pleine d'optimisme. « Vous êtes beaux, tous les deux. » Beaux, magnifiques, joyeux, y a trop de façons de le dire alors je reste dans le simple même si l'envie d'ajouter des mots est là. Niel m'a appris, à parler comme il le fallait, à tourner les phrases et aimer les mots.

Je fixe le verre d'eau et une grimace se dessine sur mon visage. Une grosse grimace, digne de celle d'un enfant. « Tu peux le prendre, s'tu veux. » ça se voit tant que ça que le chocolat m'effraie ? Oui, certainement. Ah punaise, mais quelle idée j'ai eu. « Enfin j'crois que c'est pas bon manger, ou j'sais pas quoi. 'fin, fais pas de conneries non plus, ça s'rait con d'te faire mal juste pour me faire plaisir. » Timide, les joues rouges, mes doigts se tendent jusqu'au récipient pour l'attraper faiblement entre mes phalanges et le ramener jusqu'à moi. « Oui … merci. Je suis désolé. » Désolé d'être aussi nul, oui, certainement, désolé pour tout. Je me sens coupable de tout, même de la guerre dans le monde, de la famine. J'ai souvent l'impression d'être le responsable de tout alors, les désolés, ils quittent mes lèvres à la pelle. Première gorgée prise, goût de rien, goût d'eau trop fade. « C'est délicieux. » Sourire, alors que le verre retrouve sa place sur la table. Et comme si j'avais peur que le silence s'installe et que la mort en profite pour nous frapper, mes cordes vocales se mettent à vibrer, à nouveau, comme ça, faiblement. « Tu sais,  moi aussi j'ai rencontré quelqu'un même si c'est fou à croire. » Rire, sincère. « Il travaille à l'hôpital, avec les enfants, peut-être que tu le connais, après tout, Niel ? Il est gentil et puis … doux. J'aurais bien aimé te le présenter. Il vaut bien un 10/10. » J'ai les larmes qui montent aux yeux rien qu'à parler de lui. Par la joie de l'avoir et la tristesse de bientôt le perdre. Qu'importe, je relève l'une de mes mains pour attraper celle de Felipe, comme espéré tout à l'heure et la caresser, plein d'amour et de tendresse. « C'est dommage qu'on se retrouve si tard. J'aurais aimé passer quelques moments avec toi, de plus. Tu m'as fait comprendre beaucoup de choses en une simple soirée. C'est bête à dire mais c'est vrai. T'as dit des choses que les autres ne me disaient jamais. Ça m'a donné un peu de confiance et même si j'ai vécu des merdes, ces derniers temps, j'ai beaucoup pensé à ce que t'avais pu me dire. J'ai fini par me convaincre que peut-être, je méritais un peu de bonheur dans ma vie. C'est … c'est grâce à toi, Felipe. J'étais transparent avant ça, j'existais pas. »
Faible sourire.
T'as encore trop parlé, Oze.
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Felipe Sabouraud
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TU PRENDS MON ÂME.

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MessageSujet: Re: noyé dans un verre d'eau. (fel)   noyé dans un verre d'eau. (fel) Icon_minitimeMar 28 Jan - 16:19

Il y a des moments de silence. Pas tous, pas très nombreux, mais bien présent. Felipe le sent un peu comme un poids, contre sa peau, et en entend une pluie de mots qui, étrangement, semble marquer sa peau et son être en entier, certainement. Oze le marque. Oze l'a marqué, tant de fois, en une seule nuit. Paroles, touchés, caresses. Des moments légers et simples, des moments qui portent le coeur, simplement, et qui, quelque part, ont peut-être ouverte une porte, dans ses pensées. Felipe aime les silences, avec Oze. Ils ont un peu étranges, différents de ce qu'il a bien pu connaitre, quelque part, mais ils sont là, chacun portant son propre message, faisant battre son coeur un peu plus, peut-être. Oze, il a retiré la clé usée, là, dans son coeur. Il l'a simplement tourné, pour déverrouillé le tout. Peut-être que, oui, il n'a pas eu le temps de rentrer, de se faire une place dans son coeur et d'y rester, mais il l'a caresser du bout des doigts presque tendrement, au point tel que, même s'il n'y est pas allé, Felipe se souvient. Le coeur se souvient, et pour lui, il a ce battement particulier. Pas amoureux, pas amical non plus ; quelque chose de doux, de léger. Quelque chose qui fait sourire et qui, quelque part, met peut-être les larmes aux yeux. Comme le vent trop froid et sec de l'hiver qui, malgré tout, fait tant de bien, dans les poumons. Quelque chose comme cela, oui. Et Felipe, en cet instant, il ne regrette pas les silences, qu'importe qu'ils sont froids. C'est un froid qui, au contraire des autres, on en vient à l'apprécier.

Il l'avait oublié, ce froid là. Après tout, une nuit c'est long parfois, mais avec le temps qui s'ajoute, ça devient court, brusquement, et ça s'efface au travers de la mémoire, des pensées, cachée sous un tas d'autres choses. Certaines ne devrait même pas se mettre là, au dessus de quelque chose d'aussi beau. Ils ne méritent pas, non, de cacher quelque chose comme ça. Et pourtant, on en vient à sourire et quelque part, apprécié le fait d'avoir oublier, du moins quelques instants. Felipe apprécie, dans tous les cas, les quelques instants d'oubli, car dans ses pensées, à ses souvenirs, l'instant passé lui semble encore plus beau, plus précieux. Il n'est pas usé, encore frais, presque aussi palpable que le présent, car il a été oublié. Il n'est pas abîmé pour être repasser encore et encore dans le coin nostalgie. Felipe, il le redécouvre un peu brusquement, et son coeur, doucement bercé, palpite un peu plus fort, sous tout cela.

C'est peut-être pour cela qu'il a ce sourire, sur les lèvres. Quelque chose de petit et en coin, quelque chose qui semble prétentieux, pour ceux qui ne le connaissent pas. Les murmures autour sont peut-être nombreux, il ne les entend pas tellement, n'y prête pas attention, non plus. Non, Felipe se contente d'observer Oze, juste là. Oze qui lui fait face et qui, faible et fragile, tend les doigts dans le verre d'eau, l'excuse au bord des lèvres. Felipe n'a pas encore de l'écouter, pas envie d'y prêter attention, ou de s'y intéresser. Il l'entend pourtant, malgré tout cela. « Oui … merci. Je suis désolé. » Le peintre se contente de secouer la tête tout simplement, tout bonnement, pour lui montrer qu'il n'y a aucun problème. Il fronce un peu des sourcils en le couvrant des yeux, avant de prendre une nouvelle bouchée de son sandwich. On dirait une mère qui surveille son enfant. Il a toujours été comme ça, de toute manière, Felipe. Toujours là à observer les gens qu'il porte à son coeur, qu'importe son mauvais caractère, un peu pour veiller sur eux. Parce qu'il les aime, malgré les insultes qu'il peut leur balancer, malgré les silences trop lourds, poison, qu'il peut faire endurer. Il a du mal, voilà tout. Un peu de mal, oui, avec le partage de ses émotions, et les bêtises du genre. Mais les abandonner, ne pas veiller sur eux ? Jamais. Autant mourir. « C'est délicieux. » Felipe fronce un peu plus des sourcils, sur le coup, avant de le dévisager en silence, la bouche presque pleine. Il mastique lentement et l'observe en silence, avant de sourire un peu, un peu beaucoup peut-être, amusé par ses paroles.

Oze, on dirait un enfant. Un enfant qui a peur de faire la moindre gaffe envers les autres, et de perdre leur amour, par la même occasion. Lorsque Dieu l'a créé, il s'est dit qu'il fallait un coeur, un vrai coeur vivant, quelque part ici bas. Quelque chose qui ne vit que pour l'amour des gens, quelque chose qui fait naître que ça, de bons sentiments, dans les coeurs. Si Ilir se trouve à être un bisounours, Oze est certainement un calinours. Felipe, il a envie d'abandonner son sandwich et son chocolat chaud pour le prendre dans ses bras. Peut-être avec assez d'accolade, le cancer partira. Non ? Non. Rêver, c'est pour les autres. Felipe fait parti de ceux qui voient la réalité, aussi cruelle et sale puisse-t-elle être. Il se contente de sourire alors, simplement. De sourire et de déposer son sandwich, pour boire son chocolat chaud. Enfin, l'un des deux chocolats chauds, en fait. « Tu sais, moi aussi j'ai rencontré quelqu'un même si c'est fou à croire. » Dans ses yeux, quelque chose brille. Felipe, il voit quelque chose, là, dans les yeux d'Oze, et ça brille fort. Si...si fort, en fait. Son souffle est tremblant et il penche un peu la tête sur le côté, le regard presque tendre, pour l'écouter. Simplement l'écouter. « Il travaille à l'hôpital, avec les enfants, peut-être que tu le connais, après tout, Niel ? Il est gentil et puis … doux. J'aurais bien aimé te le présenter. Il vaut bien un 10/10. » Ça fait chaud au coeur, entendre des choses comme ça. Voir que le monde, il n'est pas que saleté, que déchets. Voir que les gens, parfois, ils ont de bonnes choses, dans leur vie. Si quelqu'un mérite ça, c'est bien Oze. Il mérite de jolies choses, des tas même. Si on devait faire un film sur toutes les merveilles qu'Oze mérite, les vrais films d'amour sembleraient triste, et sans relief. Oze, il est au sommet de tout.

Felipe lui adresse un sourire franc, ainsi que quelques paroles, lorsqu'il pose sa main contre la sienne, pour la serrer, la toucher, tout simplement. Felipe, il a un noeud à la gorge, de voir les larmes dans ses yeux. Ils n'ont pas leur place, là. Qu'elles aillent ailleurs, ces larmes. Oze, il ne mérite que des sourires. « Non, j'le connais pas mais... il a peur bien. Vraiment bien. J'suis content pour toi. Tu mérites un 10, tu l'sais, ça ? Tu mérites le plus beau 10 du monde, carrément. » C'est maladroit et il le sait, c'est bien pour ça qu'il baisse les yeux un instant, sourire incertain sur ses lèvres. Felipe serre un peu plus ses doigts, pourtant. Il les serre fort, comme ça, entre les siens, pour lui montrer à quel point il est heureux, pour lui. À quel point il peut compter, oui, pour lui. Savoir que le monde, il va continuer sans Oze, c'est triste. Plus que triste, même. Poignard en plein coeur. « C'est dommage qu'on se retrouve si tard. J'aurais aimé passer quelques moments avec toi, de plus. Tu m'as fait comprendre beaucoup de choses en une simple soirée. C'est bête à dire mais c'est vrai. T'as dit des choses que les autres ne me disaient jamais. Ça m'a donné un peu de confiance et même si j'ai vécu des merdes, ces derniers temps, j'ai beaucoup pensé à ce que t'avais pu me dire. J'ai fini par me convaincre que peut-être, je méritais un peu de bonheur dans ma vie. C'est … c'est grâce à toi, Felipe. J'étais transparent avant ça, j'existais pas. » Ça fait étrange de se faire dire des choses de la sorte. Felipe, il se sent embarrassé, mine de rien. Il baisse la tête et observe son chocolat, le prend de sa main libre et boit une gorgée. Il est gêné, le petit prince, et on peut le voir par la rougeur qui orne ses joues. Ça fait tout chaud à l'intérieur du coeur, de se faire dire des choses comme ça. Un sourire rebelle se porte sur ses lèvres et alors qu'il l'observe, Felipe sourit encore plus. Il secoue la tête, amusé d'être si gêné, et serre un peu plus ses doigts. « Tu sais dire les trucs qui touchent toi. J'avais oublié, tiens. » Il penche la tête sur le côté, en l'observant dans les yeux. Quelque part, qu'importe l'apparence actuelle d'Oze, il le voit avec ses grands yeux bleus plein d'affection et ses bouclettes brunes et parfaites. Il en sent encore le touché, sous ses doigts. Il les serre un peu plus, entre les siens. « J'suis content, si mes conneries ont pu t'aider. Si y'a un mec que j'connais qui mérite le bonheur, c'bien toi. T'es trop beau pour ce monde de merde, il est pas à ta hauteur. » Tu lui fais peur, c'pour ça qu'il te rejette comme ça, en te balançant l'cancer. Felipe ne le dit pas, pourtant. Il garde ses mots pour lui et lui sourit. La main d'Oze, il la soulève et la tire un peu vers lui, porte un baiser contre son revers, léger. « Mais tu sais... toi aussi, Oze. Toi aussi, t'en as fait des tas de choses, pour moi. Y'en a tellement que j'pourrais pas les nommer. Si j't'avais pas connu j'crois bien que ma vie bah, elle sera p'être comme ça, présentement. J'en ai même la certitude, au fond. » Il racle sa gorge, un peu embarrassé, encore. Felipe, il est pas du genre à parler comme ça. Il est dur et bête, après tout. C'est peut-être pour ça qu'il finit par lâcher ses doigts, et prendre une gorgée de son chocolat, encore une fois. Il lui désigne son verre d'eau d'un mouvement de menton. « Finis la, sinon elle sera plus froide. » Cet idiot. Il en est presque attachant, à agir de la sorte.
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Oze Cyganik
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MessageSujet: Re: noyé dans un verre d'eau. (fel)   noyé dans un verre d'eau. (fel) Icon_minitimeSam 1 Mar - 15:47

Elle me revient sa main, délicate, contre la mienne. J'ai l'impression qu'après tout ce temps, je n'ai jamais perdu la sensation de ses doigts contre les miens. Je le retrouve comme si c'était hier. Les années n'ont pas réellement défilées. On reste tous les mêmes, au fond. L'âme et le cœur ne bougent pas, ils restent. Ils peuvent évoluer oui, mais on se lève pas un matin pour dire 'je veux changer d'âme et de cœur, avant ce soir.' Y a pas de magasin pour ça, y a même pas de site internet où en parler. Pourtant, moi, j'aimerais bien donner un peu de ma tendresse à quelqu'un qui en manque, en échange d'un bonheur plus profond et constant. Parce que la joie, c'est ce qui me fait le plus défaut. Un jour j'ai le sourire aux lèvres et le lendemain me voilà dans un torrent de larmes. Un torrent si fort qu'il lacère mes joues. Je baisse la tête et lorsque je regarde le carrelage de cette façon je sais que mes pensées sont toxiques. Elles sont aussi humides que mes joues. Mais aujourd'hui, c'est différent. Si je baisse le regard, ce n'est que pour le poser sur nos mains liées. Surtout la sienne, plus belle et douce, un peu rosée. La mienne est morte, trop pâle. On peut même y voir mes veines, comme ça, lorsque l'on fronce les sourcils. Si ça se trouve, elles racontent une histoire à elles seules. Une belle légende, comme on peut les trouver dans les tribus d'Afrique.
Pas le temps d'y penser, de toute façon, Felipe est là.
Il accapare chacune de mes secondes.
Elles deviennent précieuses, grâce à lui.

« J'suis content pour toi. Tu mérites un 10, tu l'sais, ça ? Tu mérites le plus beau 10 du monde, carrément. » Je souris en remuant la tête de gauche à droite. Ce n'est pas sérieux, tout ça. Personne ne mérite un 10, certainement pas moi. Surtout lorsque j'oublie de prendre mon traitement. Un homme qui mérite Niel se doit d'être parfait. Parce que ce petit bout de vie, c'est ce qu'il est ; parfait, grandiose. Le simple fait d'y penser fait naître une flamme au fond de mon cœur endoloris. J'aimerais qu'il soit là, juste à côté de moi. J'aimerais que son sourire illumine la table. Je voudrais oui, que sa silhouette prenne place et que Felipe le rencontre. Comme ça, une fois là-haut, le grand garçon serait là pour garder un œil sur lui. Ce serait une belle histoire, oui, mais le destin ne veut pas de ça. Il est cruel, comme toujours, et laisse les choses tourner trop mal. Il lui a fallu des années avant de me ramener Felipe. Je doute qu'il en vienne à faire une exception pour Niel. Un sanglot interne remue mes entrailles, il est à peine visible. Je le retiens si fermement que même le sourire dessiné sur mes lèvres parvient à tromper le monde entier. J'ai plus de cheveux, mon corps est en faillite mais je suis heureux. Et ce gars, ce putain de gars qui serre mes doigts est de loin l'un des plus incroyables que j'ai rencontré. Le voir si proche ne fait que me prouver la chance que j'ai de l'avoir croisé. S'il n'avait pas contribué à ma vie, rien ne serait pareil, j'en suis persuadé. J'ai envie de lui écrire une lettre pour lui énoncer mot par mot ce qu'il a pu faire pour moi. J'ai peur qu'il oublie. Qu'il ne s'en rende pas réellement compte. Je ne veux pas qu'il me prenne pour un imposteur alors que mes yeux lui hurlent des je t'aime démesurés.
Des je t'aime revenant du passé, plein de tendresse et de légèreté.

Son regard se perd dans l'immensité du monde et je me sens soudainement naufragé. Parce que cette table n'est pas une table, non, si on l'image de façon poétique on peut la comparer à un bateau. Un joli petit bateau, autrefois coloré mais aujourd'hui usé par le temps. La peinture s'écaille et tombe au fond de la mer. Felipe en est le marin, le grand marin-héros si musclé qu'il dirige la barque à la simple force de ses bras, remuant fermement les rames. Moi, je n'en suis que le pauvre passager. Le petit gars trop maigre, celui qui a peur des requins et qui passe son temps à regarder le ciel. (inutile de préciser qu'il n'a aucun sens de l'orientation.)
Ils sont donc là, tous les deux, au milieu de nulle part. La terre n'est plus autour d'eux mais ils savent tout de même où ils vont, grâce à ce grand marin au regard dur.
Et lorsque le marin tombe à la mer, dévoré par un requin, le pauvre gars se laisse aller par les courants d'eau.
Il finira dans une tempête et son corps deviendra or, au fond de la mer.
C'est peut-être ça, cette fichue légende que conte mes veines.

« Tu sais dire les trucs qui touchent toi. J'avais oublié, tiens. » Je lui souris, tendre et pourtant toujours aussi faible. « Il faut savoir dire aux gens ce qu'ils représentent pour nous avant que ce ne soit trop tard. » Imagine, un peu, si je venais à être mort avant de l'avoir retrouvé ? Je serais resté avec ses milliers de mots dans la gorge, comme ça, sans avoir pu lui dire à vive voix, le cœur battant. « J'suis content, si mes conneries ont pu t'aider. Si y'a un mec que j'connais qui mérite le bonheur, c'bien toi. T'es trop beau pour ce monde de merde, il est pas à ta hauteur. » Je sens que les larmes vont finir par couler. Des larmes d'émotion, celles qui sont plus puissantes encore que les mélancoliques. Je ne veux pas qu'il vienne à les voir. Ce serait bête que Felipe se dise 'merde, j'ai fait pleurer Oze.' Parce que les larmes, elles sont sans cesse mal interprétées. Je ne veux pas de ça, pas avec lui. Alors, plus fort que jamais, je les ravale et relève un peu la tête. Je ne suis pas à la hauteur de ce monde. C'est ça la vérité, pas le contraire, même si c'est beau à entendre et que j'acquiesce d'un signe de la tête dans un 'merci' fragile. J'ose pas rajouter quoi que ce soit par crainte qu'il pense que je rejette toutes ses paroles. C'est faux, j'ai juste une confiance en moi assez basse. Mais il le sait ça, Felipe. Il le sait depuis notre escapade nocturne en pleine nature. De toute façon, son baiser sur ma main suffit à me chambouler. Je n'ai plus de phrases logiques dans la tête. Il me retourne. « Mais tu sais... toi aussi, Oze. Toi aussi, t'en as fait des tas de choses, pour moi. » C'est à moi de froncer les sourcils, de le regarder avec des questions plein les pupilles. Qu'est-ce que j'ai pu faire pour lui ? Je suis si petit à ses côtés. Une poussière. « Y'en a tellement que j'pourrais pas les nommer. Si j't'avais pas connu j'crois bien que ma vie bah, elle sera p'être comme ça, présentement. J'en ai même la certitude, au fond. » J'ose à peine y croire mais je le fais quand même. Pourquoi Felipe viendrait à me mentir dans une telle situation ? C'est la fin de mon monde alors, c'est bien le moment ou jamais de déballer les vérités profondes. Et là, il semble sincère. Réellement. Et lorsque ses doigts quittent les miens j'ai presque envie de rechigner. J'ai envie de lui dire 'rends moi ta main, radin !'

« Finis la, sinon elle sera plus froide. »
Rire.
L'eau.
Je me fiche de l'eau, à l'heure actuelle.
« Je préfère t'écouter que boire de l'eau fraîche. Je trouve que tu fais preuve de maturité, que ce soit dans tes mots, tes choix de vie ou même ta façon de me parler. T'as fait un bon bout de chemin depuis la dernière fois. C'est à peine croyable mais extraordinaire. » J'ai peur que ses mots se noient dans ce minuscule récipient. Ils sont si fragiles et idiots, les mots. Je le regarde mais finis par capituler, je termine ce fichu verre et le goût de rien qu'il marque sur mes papilles. On dirait presque la nourriture de l'hôpital. Fin non, même ça, je ne sais plus l'avaler. Mon regard quitte le sien, un instant, pour se dessiner vers l'entrée. L'heure avance si vite. J'ai si peur de le voir pour la dernière fois. Ça me terrorise. « J'ai planté l'infirmière pour toi, si tu veux tout savoir. Elles a du contacter l'hôpital. Ils vont finir par s'inquiéter, je crois. » J'ai la gorge nouée, j'ose à peine le lui demander. J'ai peur qu'il m'envoie balader. « L'hôpital est à quelques rues d'ici. Ça te dirait de me raccompagner après notre repas ? J'ai pas envie de te quitter tout de suite ... » Elle est innocente cette demande, sans arrière pensée, d'ailleurs j'ose ajouter comme ça, sur le ton de l'humour un « Tu auras un aperçu de mon hôtel quatre étoiles. » Je ris légèrement, repousse mon verre d'eau vers le milieu de la table, comme un gamin fier d'avoir terminé son repas. « Mais prends ton temps, j'aime te regarder manger. » ça peut paraître psychopathe dit comme ça. Des personnes aiment en regarder d'autres dormir ou travailler. Felipe qui mange, c'est une œuvre d'art comme une autre. « Puis comme c'est en pente, tu pourras même t'agripper à mon bolide pour rouler un peu trop vite sur les trottoirs. Les vieilles hurleront, ce sera marrant. »
Sourire.
Ce serait presque un beau programme.
Pour nous.
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