Depuis ce matin, je n'ai fait que marcher le long des rues aux visages circonspects, sur les pavés usés d'une ville inconnue ; jouant de temps à autre à l'équilibriste sur les bordures de trottoir. Le jour est passé comme une brise fugitive sur ma joue. Je n'ai pas vu les minutes se fondre dans les heures, ni les nuages recouvrirent la timidité du soleil automnal. J'ai marché jusqu'à demain ou peut-être était-ce hier ? Je ne sais plus vraiment. Les destinations ont toujours été floues et vagues à ma vision. Aller nulle part, sans carte ou boussole et me laisser prendre par l'instinct. Par le hasard, qu'il soit bon ou mauvais. J'ai tant laissé mes jambes m'emporter que les immeubles abîmés se sont effacés, que les pavés se sont changés en béton routier. Les lampadaires défectueux ont disparus eux aussi et autour de moi, il n'y que la grandeur des arbres dont la cime frôle le ciel et la fraîcheur du vent du soir venant tout juste de tomber.
L'or, l'orangé et le marron se sont obscurcis avec la nuit et la terre se laisse modeler, au bon vouloir de mes pas qui s'enchaînent sur sa peau usée. Il y a la lune, en hauteur, qui m'observe, silencieuse et lointaine. Des pépites argentées se tissent, une à une, sur le velours d'un ciel nouveau pour accompagner la dame ronde et blanche. Les gens ont tendance à disparaître avec le soleil et les voitures ne passent presque plus au fur et à mesure que la nuit s'installe. Elle est mélancolique à Douvres, un peu lugubre aussi. Londres vibre plus fort, chatouille l'intérieur de mon ventre affamé de vie. Londres crie alors que Douvres ne fait que murmurer. Je suis à la recherche de quelque chose sans savoir exactement ce que c'est. Mes prunelles dévisagent l'horizon, le creusent et font osciller sa ligne droite et paisible. Mais la solitude murmure des mots tendres à mon oreille et pousse à refermer un peu plus ma veste en cuir. Mes phalanges s'engouffrent dans l'une de mes poches pour en sortir une cigarette et un briquet ; comme si la flamme et la nicotine pourraient remplir tout l'espace dépeuplé qui s'étend face à moi.
Le silence est froid, s'infiltre du bout de mes doigts jusqu'aux vertèbres dessinant l'ossature de ma colonne. Des frissons s'y glissent et s'incrustent comme de l'encre dans les tissus de ma chair. Je ne suis pas habituée à l'absence de bruits. Je ne suis pas habituée à ces pensées qui, dans ma tête, se multiplient. Elles divaguent, me serrent un peu le cœur, me rendent nostalgique de moments que je crois fabriqués mais qui, peut-être, sont bien réels. Les couleurs deviennent complications sans que je ne sache comment les arrêter. Elles respirent à la place de mes poumons. Pour la première fois, la confusion me paraît dérangeante et mes désirs se penchent vers une image, un regard, un message dans lequel il n'y aurait pas de mots.
Je finis toujours par m'abandonner aux chimères qui me ramènent à lui, lorsque je suis seule et que les autres sont partis. Lorsque la fête et la musique ne résonnent presque plus ou plus du tout. C'est comme si l'absence qui crée son fantôme ne faisait qu'attendre mes failles. Un peu à l'image du fauve qui traque sa proie naïve. En silence. J'en viens à implorer des dieux, dans lesquels je ne crois pas, pour fermer les yeux sur ce qu'il insuffle en moi. Je ne suis pourtant pas de celles qui ont peur, je ne suis pas de celles qui reculent mais ce que je sais plus encore, c'est que je ne suis pas de celles qui pleurent.
C'est toujours mes pas que j'entends. Je me suis mise à les compter, en courant dans le sens inverse des allégories sentimentales. J'ai compté jusqu'à cent, puis cent cinquante. La fumée de ma cigarette traversant ma trachée pour caresser mes nerfs gentiment diffuse la sérénité. J'ai continué à enchaîner les nombres incessamment jusqu'à ce qu'un corps, qui ressemblait plus à une ombre se dessine dans l'azur de mes iris. Il est assez grand, même de loin je le remarque. Son air est tendu, un peu contrarié, doucement nerveux. Plus je m'en rapproche et plus ça se confirme. On dirait que je ne suis pas la seule à errer sans connaître, à me perdre sans avoir de repères. Les dernières cendres de ma cigarette chutent au sol pour refroidir et c'est la dernière bouffée que j'expire. Le mégot se libère de mes phalanges pour s'envoler alors que je me met face à lui.
Je souris, un peu, puis lui dit « T'es perdu, toi aussi ? Ou c'est juste une impression que j'ai ? » À première vue, il n'a pas l'air méchant. Ses traits sont doux, un peu lointains, un peu effacés par la nuit peut-être et son regard est sombre mais loin d'être douloureux. Je ne saurais pas dire son âge. Ni d'où il vient. Alors je lui imagine une histoire, sans fondements. Juste pour rire. « Je m'appelle mad, au fait et toi, c'est comment ? »
Némo Chenoa
un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme et une femme superbes criaient sur la place publique : "mes amis, je veux qu'elle soit reine !" "je veux être reine !" elle riait et tremblait. il parlait aux amis de révélation, d'épreuve terminée. ils se pâmaient l'un contre l'autre. en effet ils furent rois toute une matinée où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et tout l'après-midi, où ils s'avancèrent du côté des jardins de palmes.
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Feuille de personnage ♒ âge: trente ans déjà que les nuages te voient grandir et t’épanouir, et pourtant c’est la trace de ce nombre vertigineux d’années – plus ou moins – vécues qui trouble cruellement ton esprit. ♒ profession : explorateur idéaliste à temps plein. ♒ le choix du coeur:
Sujet: Re: float (n) Lun 21 Oct - 9:46
Tu dois partir. Tu sors sans claquer la porte. Tu laisses Colombine seule, elle fait la gueule mais ça va pas durer longtemps, elle va bien trouver un moyen de faire filer le temps de la nuit entre ses doigts sans toi. Parce que ce soir, une poudrée rouge s’est répandue au-dessus de ta tête, ce soir, l’au-delà a laissé tomber dans le ciel un concentré nébuleux, flamboyant, de splendeur céleste, ce soir, les effluves voluptueuses du coucher de soleil ont su envoûter ton cœur amoureux, amoureux de la côte, amoureux de la forêt, amoureux de la nuit, du ciel et de la verdure, amoureux des oiseaux, des étoiles et de la nature, ce soir, tu dois partir, tu as seulement humé le parfum de ce doux crépuscule pour décider que ça serait trop triste de passer la nuit entre quatre murs, et tu es sorti sans claquer la porte, et en laissant Colombine seule.
Liberté. Au début, un vide dans ta tête, tu ne quittes pas des yeux cette poussière de rubis qui semble vouloir protéger de la nuit l’Angleterre entière. Tu longes la côte avec toujours la même réjouissance aérienne. A chaque pas la terre te pousse, te fait pousser des ailes, la terre t'emmène, te guide et te rend léger comme le vent, comme un de ces nuages que tu voudrais pouvoir rejoindre ce soir, tu voudrais pouvoir t'envoler parfois, mais bon, il faut pas demander la lune non plus, ce soir la nature t'offre sas richesse et son opulence, autant en profiter et pas faire le gosse pourri-gâté. Le temps passe, la côte défile, les vagues se brisent en un bruit sourd, réprimé par la brise qui court vers le large, ton esprit fleurissant cesse de vagabonder jovialement aux alentours et revient à sa source, les éléments qui t'entourent ne sont plus qu'une illusion floue et impalpable, tes yeux ne regardent plus qu'en toi et tu ne vois même plus la nuit tombée. C'est plus le cosmos qui règne au dessus de ta tête que tu explores, mais plutôt ton cosmos interne, cet univers à échelle plus ou moins réduite où se bousculent phrases, mots, bribes d'expressions et de syllabes, images, couleurs, mélodies, cette sphère noire, blanche et bleue où tu peux cueillir ici ou là une étoile, où tu peux t'enfouir dans le coton du démenti et de la quiétude.
Et une minute dans ce globe fuyant c'est une heure, deux heures, trois heures sous la véritable lune qui t'observe déjà, l'air amusé, l'air de se dire oh, il a bien l'air paumé, il sait même plus vers quel côté il va le pauvre, regardez-moi déjà ces yeux invisibles, quand il va revenir sur terre, il va pas être un peu confus lui. Et tu reviens sur terre. Et tes yeux invisibles quittent leur voile argenté pour constater qu'ils auraient bien fait de mieux te guider. Parce que là, cet arbre là, ce ciel là, ce chemin là, ils te sont absolument inconnus, et quand tu regardes autour de toi, te voilà sous l'oeil rieur de la lune à te dire que tu sais même plus où aller pour rebrousser chemin, retrouver la ville et la maison. Dans le doute, tu recommences à marcher dans la direction du vent qui te chatouillait le dos lorsque tu t'es éveillé. Tu marches vite un peu quand même, parce qu'à en juger le foisonnement scintillant qui t'épie de haut, ça fait pas mal de temps que le ciel s'est dévêtu de ses doux rayons brûlants, donc que tu te laisses inconsciemment porter vers cet endroit que tu n'avais jamais vu auparavant. Tu as du t'enfoncer en cette terre inconnue assez longtemps pour te retrouver là, à laisser l'angoisse germer progressivement en toi. Parce que passer la nuit dehors c'est magnifique. Mais quand l'esprit s'agite et panique, anticipe l'aigreur du lendemain et te fait regretter ta nonchalance, c'est juste atroce.
De toute façon, tu as encore de la force pour retrouver ton chemin avant de tomber de sommeil. Alors tu continues d'arpenter cette terre nouvelle, l'esprit trop confus et pas assez libre pour jubiler en découvrant chaque détail, chaque trésor, chaque cadeau que puisse t'offrir cette carte neuve, et tu pries silencieusement la lune espiègle de te guider vers le chemin d'origine, et de cesser de s'amuser de toi, perdu, faible et petit face à sa noblesse céleste, et puis tu ralentis l'allure, parce que les étoiles chantent de toute façon, et que te presser ne t'aidera pas beaucoup, surtout si tu es en train de t'enfoncer dans ces parages inconnues au lieu de retrouver ton vent rassurant et familier. L'air ici ne te dit rien de toute façon. Et parce qu'il accompagne ton état, paumé et désespéré, tu le trouves infiniment amer. Sauf qu'il te semble prendre du goût, une contenance tiède et fruitée, et tu le laisses envahir tes poumons avec un peu de satisfaction au moins, quand tu t'aperçois que tu n'es pas seul dans le coin.
Un mégot de cigarette qui vient de voler à côté de toi, tu le suis des yeux avant de lever la tête vers cette douce présence que tu viens de sentir, et qui vient de faire perdre son sourire à la lune malicieuse. Le sourire, c'est cette petite lumière qui s'est plantée face à toi qui l'a. Et tu as l'impression que ça t'éclaire sur le coup. Une demoiselle au charme légèrement diapré, un petit arc-en-ciel nuancé à tes yeux. « T'es perdu, toi aussi ? Ou c'est juste une impression que j'ai ? » Tu lui réponds par un petit sourire, à l'image du sien, de toute façon ça doit se voir, à ton air un petit peu crispé, que t'es pas totalement serein, là, maintenant. Elle-même a l'air bien plus à l'aise que toi. Alors, pas besoin de dépenser quelques mots. A ta tête et à ton sourire elle doit bien comprendre que personne ne pourrait être plus perdu que tu l'es en ce moment. « Je m'appelle mad, au fait et toi, c'est comment ? » Tu baisses la tête et regardes tes pieds quelques secondes. Mad c'est joli. Ton prénom à toi, il est juste complètement absurde. Tu relèves les yeux vers elle et tu lui souris une seconde fois, un peu plus timidement. « Némo. Avec un accent sur le e. Tu peux rire maintenant, ça sera fait, comme ça. » Ton ton n'avait rien d'agressif, il était plutôt hésitant, farouche, au pire, tu aurais pu le dire l'air froid aussi. Mais agressif, jamais. Et puis tu soupires. Un peu penaud quelque part. Et puis tu lèves les yeux vers le ciel, cette toile éclatante. « Il doit être vraiment tard, ça m'inquiète. » Dans d'autres circonstances, tu aurais gardé le silence face à quiconque, même face à la même personne, à ce même éclat quelque peu bigarré, mais là, tu sens bien que tu vas devoir faire des efforts pour participer au dialogue, parce que la nuit te semble bien plus menaçante que d'habitude.
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