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| Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne | |
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| Sujet: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Mer 4 Déc - 16:06 | |
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Comme presque tout le monde, il avait enclenché le réveil. Précautionneusement, il avait même vérifié l'heure et l'inclination du bouton « on » avant de s'assoupir. Comme tout le monde, il avait eu un soupir de soulagement - quelle merveille cet objet, je peux laisser ma conscience flotter, il s'occupera de la rappeler à l'ordre. La seule particularité notable que l'on pouvait distinguer dans son comportement fût : l'horaire. Sa petite machine stridente (au diable, les Smartphone) était réglée sur 18h30. Pour les « gens normaux », c'était l'heure de l'apéro. Pour lui, l'apéro n'avait pas d'heure, le matin était l'après-midi ou le soir, la nuit était le jour, qu'importe. Mais 18h30 pouvait être considérée comme l'heure de son réveil symbolique, c'est-à-dire l'heure à laquelle il devait émerger, se préparer afin d'être un minimum présentable pour sortir de chez lui. Voilà en quoi l'on peut dire qu'il était 18h30, une belle heure pour se lever.
Mais, en réalité, Gary ne s'était pas assoupi, malgré les verres qui, eux non plus, n'avaient pas vraiment d'heures. Son corps était plus fort que ça. Et, plus fort encore que son corps, son esprit, qui avait un haut pouvoir de contrôle. Vous savez, le PDG de votre corps, le grand boss qui fait ce qu'il veut, qui a la vision d'ensemble, mais qui perd parfois les détails, celui qui s'attache à ce tout fonctionne à peu près, sans s'attarder sur tout ce qui pourrait fonctionner mieux. Donc, ce PDG-esprit, là, était plus fort que le corps, aussi affaibli ce corps soit-il. Et, donc, il était capable de faire rouler l'engin, quand bien même cet engin avait-il avait la gueule de bois, la bouche pâteuse, l'esprit embrumé, un sens de l'équilibre tout relatif et des réflexes diminués.
Quand son réveil avait sonné, le PDG-esprit avait donc ordonné à Gary-machine de se lever de son putain de fauteuil. Oh, ç'avait pas été très compliqué, n'ayez crainte, il avait l'habitude. Son corps était habitué à fonctionner ainsi. En réalité, toutes les difficultés de maîtrise du corps que pouvait engendrer l'alcool lui étaient si familières qu'il lui aurait été probablement beaucoup plus complexe d'user d'un corps sain et sobre. L'ex-violoniste s'était levé quasi-instantanément à cette sonnerie qui l'avait sorti, sinon de ses songes, de ses plus profondes réflexions. Alors qu'il était encore, disons, échoué, dans son fauteuil, il avait fantasmé la scène qu'il s'apprêtait à vivre. Oh, hé ! Ne me dites pas que jamais vous visualisez une situation avant qu'elle n'arrive ? Que jamais vous imaginez vos belles réponses cinglantes qui, finalement, ne trouvent pas d'ancrage réel auxquelles s'attacher pour se libérer ? Alors, donc, il avait imaginé le cours qu'il s'apprêtait à donner, et il avait imaginé leurs répliques, des dialogues, qui auraient potentiellement pu être dits, et qu'ils n'auraient probablement jamais l'occasion de dire, outre lui, dans son espace-temps intime de la rêverie béate à l'état de veille. Bon, maintenant qu'il avait cinglé violemment son élève par fantasme, ce qui avait probablement inconsciemment eu pour mérite de lui redonner confiance en lui et en ses qualités de professeur, il était tout prêt à descendre lui botter les fesses, avec son tact habituel.
« Bon, Sid. Sois sage, je te confie l'appartement. Je sais, je sais, tu vas roupiller, mais essaie de tendre une oreille attentive à mes mélodieux cris que, je sais, tu reconnaîtras. Je vais pas loin, petit chat. Dors bien. Je vais secouer les puces de Miss-Impétueuse. »
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| Sujet: Re: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Sam 7 Déc - 16:04 | |
| Elle a la main tendue vers le plafond. Allongée sur le divan, elle contemple les fissures, les toiles d'araignée qui s'y trouvent. Elle pointe du doigt chaque bruit qui pourrait venir de l'appartement du dessus, comme pour tracer les pas de son habitant. Mais rien ne se produit tandis qu'elle a la main levée et au bout d'un moment, elle fatigue et laisse tombé le bras las, Marie-Jeanne n'est plus qu'immobile dans son divan à penser, à se demander comment l'on peut être si silencieux. Il lui dit qu'elle fait trop de bruit. Elle lui répond qu'il n'en fait pas assez. Qu'elle doit en faire pour deux. La petite impertinente qui se moque, elle est bien calme là, à ne rien faire d'autre qu'écouter le silence. Un mouvement. Un craquement plus tôt, signe que là-haut il y'a toujours de la vie, finit par la sortir de sa rêverie. Un coup d'œil sur la pendule. C'est déjà l'heure pour elle du fameux cours. Elle se redresse, observe l'appartement désordonné. Peut-être qu'elle aurait dû ranger par simple politesse envers son professeur, ou bien simplement pour éviter les remarques de celui-ci concernant son bordélisme. Mais à y réfléchir cinq minutes, elle se dit qu'elle s'en fout et qu'elle ne voit pas pourquoi elle devrait éviter ses remarques. Si ça lui fait plaisir. Elle, elle n'aura pas de mal à répondre. Alors elle hausse les épaules et relève pour aller cherche le fameux instrument, le violon de sa mère.
Le bruit de pas disparait quelques secondes pour se transformer en un toquement à la porte auquel Marie-Jeanne répond après avoir lâché un soupir. Oh, voilà un peu de mauvaise foi. Elle réalise que c'est stupide. Elle devrait se réjouir qu'on lui trouve enfin un talent autre que celui de tabasser des inconnus. Elle ouvre, nonchalante, fidèle à elle-même sans même dire bonsoir, elle s'écarte simplement et laisse entrer le voisin du dessus aka le professeur. Une grimace qu'elle tente de cacher vient à apparaître sur ses traits lorsqu'il passe devant elle, une vieille odeur d'alcool qui défile. Ca lui rappelle son paternel ça, il va lui faire des réflexions et retourner cuver tout seul, sans avoir mieux à faire. Nouveau soupir camouflé par le bruit de la porte qui claque. Elle croise les bras alors qu'aucun des deux n'a encore décoché un mot. V'là l'ambiance de mort qu'elle devrait songer à combler. Histoire qu'on se mette pas à se croire dans une église quand on est chez elle. « j’ai fait ce que vous m’avez demandé, j’ai écouté votre cd. » dit-elle tout en fouillant dans sa bibliothèque le dit enregistrement de on ne sait quel musicien mort. Elle brise un peu le silence avec le bruit de sa fouille. Elle le laisse s'installer tranquillement. Quand on est chez Marie-Jeanne, les bonnes manières c'est pas si important. « le voilà. » Elle le sort de sa cachette et se dirige vers son voisin. « je vous le rend. c'était pas mal. probablement un de ces mecs dont j'ai pas le droit de critiquer le boulot mais j'ai trouvé ça un peu triste. et j'écoute pas la musique pour bader. » explique t-elle avant de poser la boite. Elle le voit déjà, qui va la traiter d’ignorante voir même d’illettrée totalement inculte. Enfin, c’est pas écris sur son visage mais elle ne peut imaginer un cours commencer sans au moins une remontrance. « Vous voulez quelque chose à boire avant de commencer ? Peut-être un café ? » La question qui ne sonne pas comme telle, plutôt comme une vraie suggestion. Un café, au moins pour amoindrir les effets de l’alcool. |
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| Sujet: Re: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Dim 8 Déc - 4:52 | |
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Tout s'était passé au ralenti. Il avait toqué et, bien qu'elle lui eut ouvert rapidement, les secondes avaient commencé à s'espacer. Sa nonchalance apparente, ses mouvements relâchés et pourtant maîtrisés, sa façon de le laisser entre sans lui dire "Bonsoir". Le tableau était paradoxal. Si le son eut été précédemment coupé, le tableau aurait pu être intéressant : une demoiselle s'écarte, oh ! elle ne sourit pas, mais elle le laisse entrer, s'écarte même, parole gestuelle lui intimant d'entrer. On ajoutait au tableau un "Bonsoir, je vous attendais." et la scène devenait banale. Mais elle n'était pas banale, lui non plus. Elle était de mauvaise foi, lui aussi. Si bien qu'il ne prit pas la peine non plus de la saluer. Ils étaient entrés dans la vie l'un de l'autre par un compromis hasardeux et par une impolitesse partagée, alors ils allaient persévérer encore sur ce mode de communication animal, à visée objective et pratique et certainement pas relationnelle. Il ne venait pas la voir, il venait lui donner un cours ; elle ne l'attendait pas, elle attendait ses conseils, pourquoi se diraient-ils "bonjour" ? Puis, d'ailleurs, pourquoi se diraient-ils bonjour alors qu'ils suivaient leurs vies réciproques aux sons de cet immeuble mal insonorisé ? Ils vivaient ensemble, et s'étaient dit bonjour mille fois. Gary entra, à ses aises, le pas le plus assuré possible. Arrivé dans le séjour, il s'arrêta, droit sur la scène, le bras gauche irrémédiablement ballant le long de son corps, et passant la main droite dans sa tignasse de cheveux informe et emmêlée. Il fixait la demoiselle avec un sourire en coins, l'œil sévère, et le contraste entre l'assurance de ses traits et la déchéance informelle que dévoilaient ses habits froissés, son visage abîmé et son odeur âpre, devait être saisissante Lui, ne pensait pas à ce contraste. Il la fixait, patient, attendant qu'elle prenne la parole, testant la température de l'animal aux humeurs aussi changeantes que les siennes. Lui était calme ou, du moins, n'était-il pas encore énervé. Elle brisa rapidement le silence. Lui acceptait les silences. Comme en musique, ils étaient nécessaires. Pourquoi les gens en avaient-ils peur ?
« J'ai fait ce que vous m'avez demandé, j'ai écouté votre CD. » Il haussa un sourcil. Evidemment qu'elle l'avait écouté. Et vous savez le plus drôle ? Lui aussi. Elle l'avait écouté la veille, et il avait profité du concerto de Jean Sibelius avec elle, depuis son propre fauteuil. « Et vous ne l'avez écouté qu'une seule fois. » Il avait dit cela sur un ton de reproche, comme si elle avait fauté. Lui, survivait grâce à la musique. Elle était son souffle et les émotions qu'il n'avait plus alors, nécessairement, il l'écoutait en boucle, comme un plongeur a en permanence sa bouteille d'oxygène sur le dos. Elle farfouilla dans ses affaires et lui tendit son CD, qu'il glissa instantanément dans sa poche de veston. Il ne lui demanda pas ce qu'elle en avait pensé. Si cela ne lui avait rien apporté qu'elle ait envie de partager, tant pis pour elle, il n'allait pas prendre l'initiative de lui poser la question. Il lui fournissait les clés, libre à elle d'ouvrir les portes ! « Je vous le rend. c'était pas mal. probablement un de ces mecs dont j'ai pas le droit de critiquer le boulot mais j'ai trouvé ça un peu triste. et j'écoute pas la musique pour bader. » Ah. Bon, peut-être la clé n'avait-elle pas ouvert la porte, mais elle était entrée dans la serrure. Il fixa la demoiselle, tâcha de la sonder pour savoir si elle disait vrai. Hélas, il ne lisait pas encore dans les pensées, et elle avait l'air (à son plus grand désespoir) sincère. Tant sincère d'ailleurs qu'elle lui proposa de boire quelque chose, un café, je crois. Il ne prit pas la peine de répondre, ses sourcils se froncèrent. « Savez-vous pourquoi vous n'aimez pas la musique pour "bader", comme vous dites ? Parce que vous n'aimez pas cette souffrance en vous, ni ce que la musique révèle de votre âme et éveille en vous. Vous la rejetez parce qu'elle explose votre carapace, mais vous l'écoutez mal. Connaissez-vous Pablo Casals ? Non, bien sûr, quelle question. Il était violoncelliste. Eh bien, ce cher cousin de nous autres, violonistes, a dit un jour : "La musique chasse la haine chez ceux qui sont sans amour. Elle donne la paix à ceux qui sont sans repos, elle console ceux qui pleurent." Encore faut-il la comprendre, dans un premier temps, et accepter son aide, dans un second. » Et, comme s'il venait d'énoncer une parole qui méritait silence, il se tu. Pour la première fois depuis qu'il était entré, il fit un pas, puis un second, et fit le tour de la pièce, tel un chat cherchant sa place. Finalement, il s'arrêta devant le miroir mais, contrairement à la plupart des gens, il ne fixa pas son propre reflet. Mieux, ce fût comme s'il n'existait pas. Dans ce miroir, il fixait la demoiselle, et il n'y avait qu'elle, à qui il tournait le dos, qui semblait se dessiner. Il refusait obstinément de voir son image, lui qui acceptait pourtant ses souffrances. Peut-être même qu'il les recherchait, ses souffrances, qu'il les provoquait, qui sait, et qu'elles étaient telles qu'il acceptait ce qu'elles provoquaient en lui, à l'inverse de la demoiselle, mais qu'elles l'empêchaient d'être à l'aise avec sa carapace sociale, ce qui ne posait visiblement pas problème à Marie-Jeanne. Lui, ne pensait pas à tout cela. Il se contenta de lui demander : « Avez-vous répété ? »
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| Sujet: Re: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Dim 8 Déc - 16:05 | |
| C'est une routine qui s'installe. Sa venue le soir pour lui donner des cours. Seulement, les habitudes ne sont pas encore là et Marie-Jeanne se retrouve donc seule, sans encore savoir comment accueillir le professeur. Y'a un silence et elle cherche qui à le meubler. On l'avait compris plus tôt, Marie-Jeanne, elle n'aime pas le calme. On pourrait attraper ses pensées au vol et découvrir nombre de secret quand l'ambiance est morte. Cela, elle ne le permet pas. Elle se permet donc de briser l'ambiance tranquille pour aller au vif du sujet, ses cours, ses devoirs. Parler du pourquoi de sa présence et non pas se regarder dans le blanc des yeux en attendant que l'heure passe. Alors elle lui parle de ce cd, du devoir qu'elle devait faire, c'est à dire : écouter. Juste écouter. Il ne lui a pas demandé son avis en prime même si la jeune fille est du genre à ne pas taire ses opinions et que sans qu'on ne le lui demande, elle dit. « Et vous ne l'avez écouté qu'une seule fois. » Elle sourit. Elle s'y attendait à ce reproche quand elle a mis le cd la veille parce qu'elle devait l'avoir écouté pour aujourd'hui. Elle savait qu'il allait le faire remarquer qu'elle ne l'avait pas fait plus tôt. Elle sourit, juste parce que autant de prévisibilité chez un homme, c'est drôle. Elle poursuivit néanmoins sans s'en offusquer. A la limite, c'est pas bien grave. Elle se dit qu'elle sera plus assidue, plus tard. Elle poursuit sans entrer dans les détails. Peut-être que c'est ça le problème, la raison qui fait froncer les sourcils du professeur, le fait qu'elle n'entre pas dans les détails. On peut donner son avis, certes, mais lorsqu'il déroge le moins que l'on puisse faire est de l'expliquer. Marie-Jeanne, elle a un problème avec ça. Elle n'explique pas. Pourquoi faire ? C'est pas comme si on avait eu l'habitude d'écouter ce qu'elle avait à dire.
« Savez-vous pourquoi vous n'aimez pas la musique pour "bader", comme vous dites ? Parce que vous n'aimez pas cette souffrance en vous, ni ce que la musique révèle de votre âme et éveille en vous. Vous la rejetez parce qu'elle explose votre carapace, mais vous l'écoutez mal. Connaissez-vous Pablo Casals ? Non, bien sûr, quelle question. Il était violoncelliste. Eh bien, ce cher cousin de nous autres, violonistes, a dit un jour : "La musique chasse la haine chez ceux qui sont sans amour. Elle donne la paix à ceux qui sont sans repos, elle console ceux qui pleurent." Encore faut-il la comprendre, dans un premier temps, et accepter son aide, dans un second. » Elle arrête tout mouvement, juste après avoir mis la machine à café en route. Elle l'écoute, roule des yeux avant de souffler. « Et en plus, il est psy. » Elle se retourne vers lui. Ses mots qui résonnent dans sa tête. Elle tente d'en saisir le sens, les gros blabla comme ça, c'est ce qui est censé l'aider nan ? Elle rit, pouffe plutôt avant de s'avancer vers lui. Difficile de mener une conversation d'un bout à l'autre de la pièce. « ça n'a rien à voir avec ce qu'il peut y avoir en moi. je suis pas maso comme vous, je n'écoute pas de musique pour me torturer et me rappeler ce qui va pas dans ma vie. la musique, c'est pas ma psychanalyse. moi, j'écoute pour me divertir. comme le font tous ceux qui vont à l'Opéra sinon avec le billet on fournirait une corde pour se pendre. je ne contredis pas l'œuvre de Mr Sibelius, juste que ... » Et voilà qu'elle oubli où elle veut en venir. « juste que voilà. et supposons que je l'ai mal écouté parce que je " n'aime pas cette souffrance en moi" . » Elle fait les guillemets avec ses doigts pour citer. « je vois pas en quoi c'est mal si je suis juste pas le genre à m'apitoyer. » finit t-elle par dire avant que cela ne se mettre à entrer dans les grands débats philosophique. Marie-Jeanne, elle sait quand même qu'elle pourra pas aller bien loin, elle n'a pas la connaissance du monde suffisante. Puis le silence, à nouveau. Les yeux de Marie-Jeanne qui se lèvent au ciel. « Avez-vous répété ? » Elle ouvre l'étui, en sort son instrument. « Oui, je vois pas pourquoi vous posez la question. Vous avez du entendre. » répond t-elle en prenant le bras dans les mains. « Vous voulez entendre à nouveau ou me dire de suite votre avis ? » demande t-elle avant de finalement commencer les premières notes, comme la réponse ne vient pas. |
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| Sujet: Re: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Mar 10 Déc - 13:05 | |
| Professeur, c'était un métier. Gary n'était pas professeur, il ne l'avait jamais été. Toute sa vie, il avait été élève. Elève d'excellents professeurs, de personnes investies, consciencieuses et pédagogues. Il avait étudié et appris auprès de "grands" dans leur domaine, qu'il s'agisse de son éducation scolaire comme musicale. Depuis tout petit, il avait appris avec rigueur, en élève obéissant et intéressé. Il aimait apprendre, c'était un fait. Aimer apprendre aux autres n'était pas la réciproque d'aimer d'apprendre soi-même de quelqu'un d'autre. Violoniste, mais professeur débutant, il ne disposait pas encore des clés du métier. Voire même, il disposait de qualités plutôt embarrassantes. Il était de mauvaise foi, impulsif, et manquait cruellement de patience. Il ne tenait pas une position neutre et abordait son élève comme n'importe quelle autre personne, il n'instaurait aucune distance, aucune barrière, il était lui à l'image de l'homme qu'il était dans la vie de tous les jours. Et, comme dans la vie de tous les jours, il était un peu farfelu et se dispersait.
Alors, il allait devoir "apprendre à apprendre". Mais, pas aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui, la discussion s'était ouverte sur un sujet épineux.A la réponse de la demoiselle, il sut qu'il avait touché une corde sensible chez elle. Non, bien sûr, elle ne s'apitoyait pas sur son sort. Elle allait de l'avant, fonçait et laissait la souffrance derrière elle, loin, bien loin de sa conscience. Tout ce qui pouvait évoquer la sombre part en elle lui était hermétique. Ce n'était pas qu'elle ne la comprenait pas, c'était qu'elle la rejetait bien loin d'elle pour ne pas la comprendre. Et pour cela, une solution facile : ne pas l'aimer, cet objet qui lui rappelle ce qu'il y a de plus profond en elle. Lorsqu'il l'entendit lui asséner qu'il était maso, contrairement à elle, elle qui refusait de s'accrocher à sa souffrance, il eut envie de lui répondre : mais, ma petite, bien sûr que tu es maso, toi aussi ; après tout, comment veux-tu combattre un ennemi que tu ignores ?
Mais il s'était abstenu, et ses traits s'étaient déformé en un rictus mi-figue mi-raisin, narquois et bienveillant à la fois, en somme, à l'image de ce qu'il était : animé d'émotions contraires ou ambivalentes. Sa main droite plongea dans sa poche, et il attrapa la flasque qui était dans sa poche, la porta à sa bouche et laissa une longue gorgée de ce qu'il appelait sa "Potion magique" lui brûler l'œsophage, et ôter en lui tout sentiment parasite. Comme il aurait fait bouillir des poux pour les éliminer. Le feu qui coula dans sa gorge fut un bon moyen de se retenir de répondre à la demoiselle ce qui aurait pu mener sur une discussion.
A la place, il lui demanda si elle avait répété, ce qui, comme elle le lui fit remarquer, n'était qu'une fausse question, puisqu'il l'avait entendue s'exercer. Il sourit malgré lui à la remarque revêche de la jeune femme, parce qu'elle avait du caractère. Toutefois, elle l'avait un peu blessé dans son égo (eh, elle venait de lui rappeler que s'il n'avait rien de mieux à lui demander, il pouvait se taire. Ce qu'il ne ferait pas, bien entendu.) Du coup, comme un enfant auquel on lance une pique, il répliqua par une autre. « Effectivement, je vous ai entendue. Techniquement, c'est pas trop mal, mais ça manque encore d'entraînement, nous y reviendrons. Le problème, voyez-vous, c'est qu'au travers de la cloison qui sépare votre appartement du mien, j'ai l'impression qu'il y a la même barrière que celle qui vous empêcher de ressentir ce que je vous donne à écouter. Je vous ai donc écoutée, je ne vous ai pas entendue. Si vous espérez un jour faire passer une émotion par votre musique, Mademoiselle, peut-être vous faudra-t-il être plus ouverte sur les courants émotionnels qui animent votre âme. La technique n'est utile que lorsqu'elle étaye l'émotion qui la sous-tend. » Un silence, un de plus, comme pour appuyer sa parole, qu'il avait professée comme une vérité objective. Allons, ne le blâmez pas de prêcheur de bonne parole, c'était sa vérité à lui, et si elle avait quelque chose à tirer de son enseignement, Marie-Jeanne, cela commencerait probablement par entendre sa conception de la musique. « Vous avez quatre heures. » Ajouta-t-il, un brin cynique, pour détendre l'atmosphère. Premièrement, il espérait peut-être inconsciemment que la demoiselle serait plus réceptive à son message s'il ne semblait pas lui imposer une seule façon de voir. Peut-être y réfléchirait-elle à deux fois s'il lui donnait l'occasion, tout en lui indiquant le chemin à suivre, l'illusion qu'elle pouvait en emprunter un autre. Deuxièmement, il remit lui-même en question sa propre conception de la musique, rien que par cette petite question finale. Si lui était persuadé d'avoir raison, peut-être un observateur attentif entendrait dans cette question : ai-je raison de penser cela ? Suis-je dans le vrai ? Est-ce vraiment la seule solution que la mienne ? Finalement, ils en revenaient à leur débat précédent, auquel la demoiselle était pourtant hermétique.
Le "professeur" fit un demi-tour sur lui-même et fixa la jeune femme. Il hésita. « Mais puisque vous aimez beaucoup la technique, je pense que nous pourrions commencer par quelques exercices pratiques, utiles mais sans âme, histoire de vous détendre les doigts. Commençons par quelques gammes, nous ferons quelques arpèges ensuite. » |
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| Sujet: Re: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Sam 14 Déc - 20:15 | |
| Qu'on parle de souffrance. De ce qu'écouter de la musique pouvait éveiller comme émotion en elle. Marie-Jeanne n'est pas prête. C'est bien trop tôt. Jamais au grand jamais, il fût question autrefois dans une de ses conversations de ce qu'elle pouvait bien ressentir. Il faut avouer, jamais le sujet n'avait intéressé quelqu'un, elle la première. Jamais, il n'avait été opportun également dans sa vie de montrer ce qui pouvait bien se cacher à l'intérieur. Tout n'avait été que violence depuis toujours et jusqu'à peu, elle pensait que tout serait ainsi pour toujours parce que c'est là qu'elle est venue au monde. Que son monde c'est ça, la violence et qu'il n'y a pas de place pour du sentiment ou de l'émotion. Que tout ça, c'est nocif pour elle, que pour survivre, il a fallu fermer les vannes et que les rouvrir, ce n'est pas quelque chose que l'on aussi simplement en écoutant un simple cd alors peut-être qu'avant de lui apprendre à être musicienne, il faudrait lui montrer comment être sentimentale. Elle ne sait pas. Elle a envie de le lui répliquer fort, de lui crier : qu'elle ne sait pas faire ça, qu'elle sait rien, qu'il avait raison : elle n'est qu'une coquille vide dont on avait grandement sous-estimé la profondeur de l'abysse. Et Marie-Jeanne, elle s'emporte presque. S'en rendre compte qu'elle ne sait rien, ça atteint sa fierté. Peut-être le premier endroit où il faudrait travailler. Marie-Jeanne, elle n'aime pas qu'on sache qu'elle ne sait pas.
Elle ne bronche pas plus. Que pourrait-elle ajouter après ses stupides paroles ? Rien. Le sujet la met mal à l'aise, peut-être que parler n'était pas la meilleure idée. Elle aurait du laisser planer le silence laissant pour seul bruit flottant dans l'air que celui de son violon, après tout c'est pour ça qu'il est là. Lui montrer et juger, ou bien ne comprend t-elle encore rien de ce qu'il vient faire. A ce moment, elle préfère ne rien dire. Elle obéit. Bien sûr, après une petite réponse acerbe dont elle n'a pas pu se retenir. Elle obéit et joue bêtement ce qu'il lui a dit de travailler. Certainement maintenant va t-il encore lui dire qu'il y'a pas d'émotion, qu'elle ne dégage rien du tout. Sans doute, il va encore jouer le psy alors que des deux, c'est lui qui en aura sûrement besoin d'un. Mais elle fait semblant de rien, ne pense rien et joue seulement, en se rappelant de ce qu'elle avait travaillé, de ce qu'elle avait appris. Elle est coupée rapidement. Rejouer ne doit pas être nécessaire. « Effectivement, je vous ai entendue. Techniquement, c'est pas trop mal, mais ça manque encore d'entraînement, nous y reviendrons. Le problème, voyez-vous, c'est qu'au travers de la cloison qui sépare votre appartement du mien, j'ai l'impression qu'il y a la même barrière que celle qui vous empêcher de ressentir ce que je vous donne à écouter. Je vous ai donc écoutée, je ne vous ai pas entendue. Si vous espérez un jour faire passer une émotion par votre musique, Mademoiselle, peut-être vous faudra-t-il être plus ouverte sur les courants émotionnels qui animent votre âme. La technique n'est utile que lorsqu'elle étaye l'émotion qui la sous-tend. » Elle ne comprend pas grand-chose, ce qui l'énerve un peu plus parce que tout ce qu'il arrive à faire, c'est à la faire sentir encore bête qu'elle ne l'est. C'est bon, elle a compris. Elle ne dégage pas d'émotion. Marie, elle fera jamais chialer quelqu'un au son de son instrument - c'est plutôt son poing qui est bon à ça - mais elle n'a pas besoin qu'on le lui répète. Elle souffle, agacée. Son peu de politesse lui permettant de préserver son calme. Un ange passe. « Vous avez quatre heures. » Peut-être doit-elle rire. Probablement qu'il sait déjà qu'elle ne le fera pas. Elle le regarde le visage figé et sérieux, non, elle ne rira pas alors autant commencer la leçon, c'est ce qu'elle lui dit là, sans parler.
« Mais puisque vous aimez beaucoup la technique, je pense que nous pourrions commencer par quelques exercices pratiques, utiles mais sans âme, histoire de vous détendre les doigts. Commençons par quelques gammes, nous ferons quelques arpèges ensuite. » Elle observe son instrument, déçue par ce qu'il lui annonce. Alors son discours, ça s'arrête là ? Il ne cherche pas bien loin le professeur. On dirait même qu'il ne cherche pas du tout. Marie-Jeanne, elle repose son instrument. Oui, elle est déçue. « Ouais, donc parce que je comprend pas une fois, vous vous dites qu'il vaut mieux faire dans ce qui vous demandera pas trop de boulot. Du pratique. » Le mot, elle le crache. C'est vexant. De suite, elle n'est pas d'accord avec son point de vue et la voilà condamnée à apprendre comme n'importe qui. « Dix minutes et vous êtes déjà en train de me punir avec des gammes. Je dois vous donner un leçon de pédagogie ou quoi ? Au lieu de me prouver que j'ai tort, vous êtes là à céder parce que je " préfère la technique " Forcément c'est ce qui me va le mieux, c'est ce que j'entraine depuis des années. Mais quitte à venir là m'imposer votre odeur qui pue l'alcool, autant enseigner quelque chose que je sais pas plutôt que de me donner des arpèges que je saurais très bien travailler toute seule. » Elle a fini. Elle retient d'ajouter que quitte à lui casser les pieds, autant le faire de façon utile.
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| Sujet: Re: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Lun 23 Déc - 6:06 | |
| Attentif, il ne manqua pas un quart de secondes le regard de la demoiselle sur son instrument, qu'elle dirigea sur la table sur laquelle elle posa le violon pour, enfin, le regarder à nouveau. Quelque chose trembla en lui. Une corde sensible, nerveuse. Quelque chose qui le fit frissonner et qui lui ôta sa moue ironique par la même occasion. Cette corde, ce n'était pas celle de la colère, ni de la déception. Ca s'apparentait plutôt à quelque chose de l'ordre de l'égo, de l'estime de soi, bref, de quelque chose qui le heurta dans ce qu'il était, en profondeur. En un geste, elle venait de lui dire « merde. » Il réalisa que, si jeune fût-elle, elle lui tiendrait tête. Son visage ne se décomposa pas, au contraire, Gary se campa sur ses deux jambe, le plus droit et raide possible, fier et tendu comme un arc. Il la jaugea du regard, hésita, et c'est elle qui prit la parole. « Ouais, donc parce que je comprend pas une fois, vous vous dites qu'il vaut mieux faire dans ce qui vous demandera pas trop de boulot. Du pratique. »
Etait-ce vraiment cela qu'il cherchait ? Etait-ce vraiment de la flemmardise que de lui avoir proposé des gammes ? Non. C'était de la provocation, et ça lui avait demandé plus d'efforts encore que de lui demander ce qu'elle savait faire. Gary était peut-être bourré comme un coing, mais il n'était pas idiot. Il avait peut-être l'impression d'avancer à tâtons, mais son inconscient avait un plan. Evidemment, il ne s'en rendait pas compte, pas consciemment en tout cas. Mais il n'attendait qu'une seule chose en provoquant la demoiselle : provoquer chez elle une sensation forte, n'importe laquelle. La faire sortir de ses gonds, la faire sortir de son apparent je-m'en-foutisme. Et ce, à des fins pédagogiques, quoi qu'elle en pense. Mais elle n'était pas encore assez en colère pour qu'il poursuive son plan, non. C'était trop frais, elle n'était pas assez à cran. Son agacement commençait à peine à monter, or il fallait attendre qu'il lui fasse tourner la tête, un peu comme l'alcool, voyez.
D'ailleurs, elle ne tarda pas à lui faire comprendre qu'elle n'avait absolument rien compris son petit jeu. Elle se lança dans une tirade, un peu vexée, et puis elle l'agressa, choisit de le piquer là où ça faisait mal, lui reprocha son manque de pédagogie et l'odeur de l'alcool. Il la laissa s'énerver, sans cligner une seule fois des yeux. Le regard droit et orageux. Il attendit patiemment qu'elle termine. Lorsque ce fût fait, notre homme quitta son miroir et s'approcha, d'un pas déséquilibré et pourtant sûr de lui, du fauteuil le plus proche, sur lequel il s'assit avec toute la grâce d'un alcoolique qui trouve là sa bouée de sauvetage. Il but une gorgée ou deux, prit une grande inspiration, s'apprêta à parler, puis se ravisa. Silence. « Je peux fumer ? Peut-être l'odeur de la clope masquera-t-elle celle de l'alcool ? » Question rhétorique, puisqu'il avait déjà remis sa flasque dans sa poche et sorti son paquet de cigarettes, ainsi que son cendrier de poche (ce fût une homme élégant et soucieux de l'environnement, par le passé, vous savez ?). Il alluma sa clope avec lenteur, ses gestes étaient mesurés. Du moins, au moment où il les pensait, il étaient mesurés. D'abord, il avait placé sa baguette de tabac entre ses lèvres, puis il avait, de sa main valide unique, mit le feu à son herbe séchée. La réalisation de ces gestes simples était moins adroite qu'il ne l'avait imaginée, mais enfin, c'était fait. Il tira une bouffée. Au moins une minute s'était écoulée depuis la fin de la tirade de la demoiselle.
« Je pense que vous avez raison, vous pourriez travailler vos gammes seule. Après tout, vous êtes une grande fille, et je suis un vieil homme fatigué, et vous allez soulager un peu ce poids qui pèse sur mes épaules en travaillant votre technique toute seule. Pas besoin de moi pour vous délier les doigts. » Son ton était neutre, son rythme était lent, et il avait tiré sur sa clope entre ses deux phrases. « Voilà ce que nous allons faire. » Une autre taffe, qu'il inspira profondément et rejeta sous formes de petits cercles, comme un ado qui s'amuse à impressionner la galerie, ce qui lui décrocha un sourire (et tant pis si elle interprétait mal ce rictus, après tout, cela lui était égal.) « Vous, vous allez reprendre votre instrument et calmer vos ardeurs. Vous allez vous détendre, parce qu'on ne joue pas bien lorsque l'on est tendu. Et rien de mieux que quelques petits gestes quotidiens et maîtrisés pour se détendre. »
Il était une règle implicite commune, inhérente à l'être humain se sentant menacé dans sa liberté, que toute injonction trop prononcée provoquait l'exact comportement opposé. Demander à un enfant de ne pas faire quelque chose est le meilleur moyen qu'il le fasse. Demander explicitement à quelqu'un d'émettre un comportement est le meilleur moyen qu'il ne le fasse pas. Il se sentirait soumis, sentirait sa liberté d'action compromise, et donc, pour rétablir son sentiment de contrôle, il ne fera pas ce comportement, même s'il avait initialement prévu de le faire. Et Gary n'avait absolument aucune intention de faire faire des gammes à Marie-Jeanne. Pour l'instant, il voulait l'énerver. Donc, pour qu'elle ne fasse pas ses gammes, il lui demandait de les faire, et pour qu'elle se mette en colère, il lui demandait de se détendre. Qu'on vienne lui reprocher son manque de pédagogie, mais pas sa compréhension de l'être humain. Il poussa la chose un peu plus loin encore. « Et moi, en attendant, je vais lire. Vous avez des livres, n'est-ce pas ? » Non, évidemment, elle n'avait pas de livres - ou alors, ils étaient bien cachés. Mais bon, une petite pique supplémentaire pour lui rappeler son manque cruel de culture, ça ne faisait pas de mal. Finalement, cette petite scène était comme un jeu pour lui. Bien sûr, il avait un objectif, mais pour l'atteindre, il lui faudrait passer par mille détours, et il s'y plierait. Avec joie.
Il ne pouvait pas obtenir d'elle directement qu'elle mette toute son âme dans la musique, parce qu'elle n'avait jamais envisagé cet art comme un exutoire. En revanche, il pouvait provoquer en elle un sentiment fort, de colère ou de frustration, quelque chose de tellement simple à manipuler chez cette âme encore jeune aux relents adolescents. Il voulait la frustrer de ne pas jouer. La mettre en colère. Il voulait qu'elle s'énerve contre lui. Elle pensait n'être pas capable de jouer un sentiment par la musique, mais elle pouvait en éprouver à l'égard du professeur de musique. En la plaçant dans une émotion houleuse à son égard, son jeu en sa présence serait forcément imprégné d'une émotion, non ? Eh bien voilà, c'était peut-être cela qu'il chercher à provoquer. |
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| Sujet: Re: Tournent les vies oh, tournent les violons ∆ PV Marie-Jeanne Mer 25 Déc - 22:15 | |
| Elle finit par se laisser tomber sur une chaise et à ne plus parler. Elle n'est clairement pas habituée à prendre sur elle, à encaisser les remarques - qui pour le coup sonnent comme des insultes à ses oreilles - et surtout à faire ce qu'on lui dit sans sourciller quand elle juge l'ordre idiot. Marie-Jeanne, elle n'a pas la langue dans la poche et si quelque chose ne va pas, alors elle le dit. Tout simplement. Après, elle s'en rends compte maintenant que le silence est de mise que peut-être devrait-elle le dire avec moins d'ardeur, moins de mépris. Elle le sait pourtant, que le premier qui s'emporte est toujours lui qui perds. Elle le sait qu'elle ne doit pas faire le reproche en premier mais ça tombe comme ça, comme si c'était voulu et qu'elle ne pouvait l'éviter. Pour le coup, c'est que maintenant elle se retrouve juste les fesses sur une chaise, les bras croisés à bouder comme le ferait un enfant. Et dans sa tête, c'est son égo contrarié et sa raison qui se disputent afin de démêler si au final, elle doit se calmer ou continuer de s'emporter à chaque fois que le professeur la cherche.
Elle le suit des yeux, l'air renfrogné tandis qu'il titube jusqu’au fauteuil. Elle ne peut s'empêcher de lever les yeux au ciel quand elle voit ça. Elle se dit qu'il n'aurait pas du venir, pas avec un coup dans le nez. Son appart à elle, c'est pas un pub. Mais elle n'ajoute rien encore, après tout il a du le comprendre après sa remarque que l'alcool ici n'était pas vraiment le bienvenu. Marie-Jeanne, elle n'apprécie pas les gens qui ne sont pas en pleine possession de leurs moyens face à elle. Elle finit de l'observer lorsqu'il tombe, la rapide pensée qu'il va probablement finir par s'endormir là la frappe. Elle préfère ne pas y penser, au pire le fauteuil ira dehors. « Je peux fumer ? Peut-être l'odeur de la clope masquera-t-elle celle de l'alcool ? » Ses yeux frôlent le ciel, encore. La cigarette, c'est bien le seul truc qui la dérange pas. Bizarrement. Elle se contente d'acquiescer, si ça le fait arrêter de boire pour se concentrer sur le cour alors tant mieux. Bien qu'ironiquement, elle ne peut s'empêcher de lui répondre. « oui. et peut-être qu'aussi son pouvoir magique ira jusqu'à en arrêter les effets, avec un peu de chance » Elle se lève tout de suite après, se sentant mal à l'aise assise et un brin coupable de ne rien faire alors qu'elle devrait être en train d'apprendre, ou bien faute de professeur : d'apprendre.
« Je pense que vous avez raison, vous pourriez travailler vos gammes seule. Après tout, vous êtes une grande fille, et je suis un vieil homme fatigué, et vous allez soulager un peu ce poids qui pèse sur mes épaules en travaillant votre technique toute seule. Pas besoin de moi pour vous délier les doigts. » Là, c'est un regard blasé qu'elle affiche, pour changer un peu. A l'entendre, on dirait qu'il est à l'article de la mort. C'est bon, c'est pas demain qu'on lui découvrira un cancer de la prostate. Y'a le temps avant l'hospice. Mais elle se tait, elle l'écoute, pour ce que ça peut faire. « Voilà ce que nous allons faire. » Parce qu'enfin, il allait se passer autre chose que cette longue tirade qui n'avait que pour effet d'ennuyer Marie-Jeanne. « Vous, vous allez reprendre votre instrument et calmer vos ardeurs. Vous allez vous détendre, parce qu'on ne joue pas bien lorsque l'on est tendu. Et rien de mieux que quelques petits gestes quotidiens et maîtrisés pour se détendre. » C'est donc repartie sur les gammes. Le violon, s'il n'avait pas une telle valeur sentimentale, sans doute qu'elle lui aurait déjà aplati sur le crâne. Elle y songe fortement du moins, pesant le pour et le contre. Heureusement, le matérialisme fait son œuvre. Il ne mourra pas aujourd'hui. Dans sa tête, ça bouillonne. Elle réfléchit à ce qu'il dit, peut-être qu'il a raison après tout. Dès qu'on se met en colère, on perd le jeu. Et puis des gammes, faut bien qu'elle se prépare. Comme un sportif. Nous dirons que Marie-Jeanne devient raisonnable, du moins elle se met sur la voie. Puis vire de bord avant d'avoir eu le temps de dire quoi que ce soit.
« Et moi, en attendant, je vais lire. Vous avez des livres, n'est-ce pas ? » Elle a la main qui tremble. L'envie de crier qui monte à la gorge. Les larmes aussi, qui veulent sortir. Mais Marie, elle contrôle tout ça. Après tout, la situation là, le sentiment qu'elle ressent, c'est pas la première fois que ça arrive. Alors y'a le contrôle qui arrive, le contrôle d'elle même tandis qu'elle le regard. Les yeux forts, en colère. Alors quoi ? Pourquoi telle réaction après une question si anodine ? Il n’avait pas à la couver. Fallait bien qu'il s'occupe pendant qu'elle ferait ses exercices. Mais il n'y avait rien d'anodin dans la requête du professeur. Depuis qu'il avait foulé le pas de la porte, ne s'évertuait-il pas à matraquer l'estime que Marie-Jeanne avait d'elle, en soulignant qu'elle ne savait rien, pas même ressentir des émotions. Il y'avait des choses qu'on pouvait lui dire, d'autre qu'on ne pouvait pas. Lui signifier son manque d'instruction en était une. Le pire étant quand cela provenait de quelqu'un qui n'avait pas eu la force de continuer face à la vie quand elle se battait encore. Non, la critique était mal venue et n'avait pas lieu d'être. Si elle ne lui répète pas sans arrêt qu'il n'est qu'un faible, alors il n'y a pas à rappeler qu'elle est ignorante.
« Rentrez chez vous. » marmonna t-elle lentement, d'un calme d'avant tempête. Elle serre les dents Marie en l'observant les yeux sur elle. N'a t-il pas comprit ? « Si vous avez envie de lire, fumer, ou même boire. Vous pouvez le faire chez vous. » ajouta t-elle difficilement avec le même calme. Silence. Il semble attendre quelque chose. Il n'a pas l'air de vouloir partir non plus. Quoi ? Il n'est quand même en train d'attendre qu'elle fasse ce qu'il a dit, qu'elle commence à jouer, à faire ses gammes. Marie-Jeanne n'est peut-être pas instruite. Elle a peut-être la réaction rapide, comme ceux qui agissent avant de réfléchir mais Marie-Jeanne, elle n'est pas stupide. Elle ne le laissera pas l'humilier en lui signifiant son manque d'instruction. Cela ne pouvait pas être fait exprès, on le voyait bien à l'appart de Marie-Jeanne, à son manque de meuble d'objet qu'il n'y aurait même pas jusqu'à l'ombre d'un picsou mag' ici. Non, c'était voulu. Probablement une vengeance pour l'avoir traiter d'ivrogne. Toujours le silence. Toujours pas de mouvement. « Vous n'avez pas entendu ? Y'a rien ici. Je ne vous ai pas invité à prendre le thé. Mes bibliothèques sont aussi vides que ma tête. Vous êtes content ? Vous l'avez bien rabaissé la petite du dessus. Bravo, à part traîner votre carcasse d'un bout à l'autre de votre salon, vous savez aussi m'humilier, bel exploit. Maintenant dégagez. J'ai accepté d'être aidée. Pas d'être enfoncée. » |
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