|
| Auteur | Message |
---|
Ilir Sanka
j'ai même vendu mon âme au diable,
pour ton sourire. ♒ messages : 195
| Sujet: ciel orageux. (daev) Ven 3 Jan - 19:03 | |
| Ronronnement de la moto contre mes tympans glacés par l'hiver. Je n'entends plus que ça, dans mon cerveau : les vibrations incessantes de la machine élancée à toute vitesse sur route glacée. Idiotie de la jeunesse, rouler trop vite, trop brusquement sur ce voile blanc et destructeur. J'ai les mains qui se resserrent sur le guidon à qui il arrive de trembler de peur dans les tournants. Les yeux plissés par la lumière, l'adrénaline monte dans mon cœur. L'espace d'un instant, je peux même la sentir me nourrir comme une mère oiseau le ferait à son petit, à même le bec. Une force intérieure me pousse à y aller toujours plus vite, toujours plus fort. J'ai un dinosaure dans l'âme qui grogne plus fort que le moteur, plus fort que les mots de Felipe. Ou plutôt que ses derniers mots, illuminés par l'écran de mon téléphone. Je me les remémore dans une colère noire, une colère de fou furieux, une colère qui me rendrait capable de tuer mon père s'il était encore là. Ce sont des mots à mâchoire, qui me mordent les muscles. Des mots avec des yeux et une bouche. Un grand sourire qui s'élève à la vue de mes pupilles dilatées par la colère. Une vieille dame marche sur le bord de la route, son corps tout entier soutenu par un morceau de bois. Derrière ses lunettes rondes, son regard suit mes mouvements, la bouche un peu ouverte. Elle reconnaît la veste militaire tendrement enveloppé autour de moi. Et perché sur mon deux roues, je peux entendre ses pensées amères d'ici. Ses pensées qui disent toutes les mêmes choses : ces militaires, ce sont des fous ! Ces putains de militaires, ils valent pas mieux que les talibans, tous des tarés ! Mais moi, je lui brise le dos avec ce qui la tient debout. Sa canne, je la fais devenir sa pire ennemie.
Heureusement, cette lueur folle prend fin à la vue du petit bâtiment à peine visible au milieu des autres, plus grands et imposants. Jour de grâce, pour cette vieille aux yeux trop plissés.
La sonnette du mini bar résonne. Les regards se tournent tous instantanément en ma direction. C'est comme une vieille machine dont la boucle ne cesse de recommencer éternellement. Un mécanisme normal : la porte s'ouvre, on regarde, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, qu'importe l'alcool dans le sang. On dévisage aussi, un peu, au passage, sauf les habitués. On respecterait presque les alcoolos ici. Ma veste épaisse trouve sa place sur le dossier d'une chaise en vieux bois. Une odeur de tabac règne dans l'air, malgré l'absence de cigarettes. L'odeur semble être incrustée dans les murs, contre les verres, sur les tables imparfaites. L'envie de fumer en viendrait presque à me nouer la gorge. Une clope, pour apprendre à se détendre. Une clope, oui, pourquoi pas. Mais mon cerveau s'éveille et retrouve des débris passés. Je ne suis pas ici pour me saouler à cause de mon semi-célibat. Non, j'ai bien demandé à Daev de me rejoindre. J'ai un sac lourd dans le cœur, et j'peux malheureusement pas le garder plus longtemps pour moi. Il me faut cracher ce que j'ai en moi, comme le chat vomit sa boule de poils. Dans le doute, ma main plonge dans l'une de mes poches pour y attraper mon téléphone. Sms envoyé, un peu plus d'un heure auparavant : ça te dit qu'on se retrouve autour d'un verre ? À ce pub, de la dernière fois, dans une heure trente. C'est à ce moment là que je me rends compte de mon manque de tact soudain. Un soupire quitte mes lèvres tandis que, perdu dans un coin de la pièce la sonnette résonne une nouvelle fois. Le mécanisme se met en marche ; on dévisage les traits de Daev. |
| | | Invité
Invité
| Sujet: Re: ciel orageux. (daev) Dim 19 Jan - 13:13 | |
| Il est là, allongé sur son lit, à se fumer une cigarette, doucement, à inspirer et expirer la fumée, à embrumer toute la pièce et puis à planer, avec une douceur infinie qui lui plait bien. Il ne pense à rien, rien en particulier. Quand il essaie de se concentrer sur quelque chose, son esprit engrenge le petit wagon et il est parti pour des montagnes russes. Ses pensées se mélangent, deviennent aussi floues qu'un brouillard. Il n'y pige rien, et puis ça demande trop d'efforts alors il laisse tomber. Pas grave, il n'a pas besoin de penser. Ça sert à quoi, de penser, hein ? À rien. À rien. Il n'a pas besoin de s'occuper l'esprit, il est déjà occupé, là, concentré à mener sa main, qui tient sa clope, jusqu'à ses lèvre, à inspirer, lentement, à garder un peu la fumée, la nicotine, prisonnière et puis à la souffler, regarder le petit nuage que ça fait autour de lui, qui se dissipe et qu'il ne voit plus en quelques milisecondes. Trop rapide à son goût. Alors il recommence, et à chaque fois c'est le même manège. Le nuage s'envole sans laisser de trace, sans lui laisser le temps de l'observer plus longtemps, et il réessaie, et ainsi de suite. Il peut perdre des heures à faire ce petit jeu-là. De toute manière, il a du temps à perdre. Rien d'autre à faire, rien d'autre à voir. C'est pas avec la tempête qui sévit dehors qu'il peut sortir. Il se demande comment les gens peuvent bien braver le temps, comme ça. Lui ça l'incite plus à se terrer et à ne plus mettre le nez dehors. Il est bien, là, sur son matelas mou, sur ses draps froissés, dans les vapeurs de sa clope. Il ne se voit pas arrêter. Pour quoi faire. C'est moche, dehors. C'est beau, dedans. Il est bien là, tout seul, sans personne pour venir l'embêter, sans personne pour lui dire de se bouger. Il devrait peut-être, pourtant, s'activer. Chercher un job, quelque chose pour occuper ses journées, pour aider à payer le loyer. Il devrait, oui. Mais bon, ça peut attendre un peu, rien qu'un peu. Juste aujourd'hui, par exemple, rien ne presse. Il est sur un petit nuage, Daev. Il aime bien rêvasser, comme ça, de temps en temps. Il aime bien se retrouver seul à l'appart, à se laisser aller. Il n'aime pas la foule, Daev. Il se sent étouffé, comme si des dizaines, des centaines même de corps s'approchaient de lui, tendant leurs mains vers son cou, l'effleurant dans un tressaillement avant de serrer, serrer, fort. Ce sont tous ses regards qui le fixent, qui le sondent au plus profond de son être, désireux de tout savoir de lui, de le juger, peut-être, toutes ces pupilles qui se tournent vers lui dès qu'il sort de chez lui. Il devient un peu parano, Daev. Il voit le danger partout, même là où il n'est pas. Et puis les regards se détournent, parce qu'au fond il n'est pas très intéressant. On se lasse vite. Alors il relève la tête, jette un coup d'oeil furtif à ces gens qui ne l'observent plus, et il trace sa route. Il fonce vers la table du fond, revigoré, sorti de son petit nuage de fumée. L'odeur lui colle à la peau, mais c'est une vague d'air frais qui vient lui piquer le visage. Ça fait du bien, ça aussi. Sortir un peu, même s'il ne fait vraiment pas beau aujourd'hui et qu'il a dû affronter les éléments pour venir là, pour se glisser agilement sur la place libre, répondant à l'appel, soufflant fébrilement entre ses lèvres. « j'suis là. » Toujours là quand on l'appelle. Toujours présent quand on a besoin de lui. Il est comme ça, c'est son bon côté qui ressort. Alors voilà, quand il a reçu le sms, il a tiré encore une taffe, une dernière, pour la route, il a laissé le nuage s'échapper, filer entre ses doigts. Puis il s'est levé, lentement. Il a éteint son précieux, enfilé un t-shirt, une veste, et s'est engouffré dans cet autre monde, le monde réel. Celui où les gens appelent et dévisagent, celui qu'il n'aime pas tellement, en fait. |
| | | |
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |