Depuis quelques heures, l'océan a avalé le soleil. La mer le garde dans son ventre jusqu'au petit matin. Ainsi kidnappé, la lune a prit place parmi les étoiles, libre de tous les choix. Elle éclaire aussi bien que son amant tout chaud. Ils se font tout le temps la tronche ces deux là. Il ne fait pas frais ce soir et elle a décidé de mettre sur le visage des gens, une lumière qui lui ait propre : toute blanche, tout claire, un halo de magie au dessus de leur tête.
Ted, tu as décidé de sortir ce soir mais tu n'as pas trop l'moral. Tu sais bien ce qui cloche mais tu en as assez de trembler. Tu es une mauviette, la voix de ton père résonne plus que jamais dans son crâne. Les cicatrices ne semblent pas vouloir se refermer. Les larmes ne coulent pas mais la douleur est intense. Les bleus semblent vouloir recouvrir ton corps à nouveau, comme si le passé s'encrait dans le présent. Indélébile. A répétition. Supplice sans fin.
Ted, relève la tête. C'est une belle soirée qui s'annonce...un petit effort.
La bise caresse ta joue, s'invite dans tes cheveux noirs. Tu volerais presque. Une bourrasque de plus et tu sens l'eau salée sous tes pieds nus. Tu gardes tes chaussures dans les mains, les lacets entremêlés entre tes doigts fins. Comme échoué sur l'écume, tu vois un peu plus loin un naufragé. Il a l'air un peu triste. Mélancolique. Égaré. Tu n'avances pas de suite mais progresse finalement jusqu'à sa hauteur.
Il a l'air triste, évadé. Tu entends la musique dans ton dos, tu y devines la fête mais est plutôt attiré par sa présence. Tu te demandes s'il va bien, sans réellement le connaître. L'inconnu du soir. Tu te surprends à avoir peur, à vouloir comprendre ce qui le tourmente.
- T'es tout seul ?

Tu sembles le déranger. Il ne donne pas l'impression d'avoir envie de te parler. Tes dents mordent légèrement ta lèvre rose Ted. Tandis que tu l'observes, tu écoutes ses dernières paroles. Elles sont plus sèches, plus claires - pas autant murmurées que les premières qu'il t'a adressé. Cependant, tu n'as pas envie de t'en aller de suite. Têtu un peu, fouine surtout. Curieux sans aucun doute. Mais au final c'est cette question qui sort de ta bouche.
- Je peux partir si tu veux.
Tu lui demandes son avis et tu espères en silence qu'il dise non. Il t'intrigue. Tu t'es rapproché encore - gardant cependant cette distance que tu juges préférable pour ne pas trop empiéter sur sa tranquillité. Tu as déjà perturbé beaucoup de choses, ça à l'air du moins. Tu ne peux pas exagérer.
S'il ne répond pas encore, il te fixe. Il sert ses jambes sur son buste, il replie son corps comme pour se protéger de toute agression. Tu ne lui feras pas de mal. Ted, tu poses tes fesses sur le sable et reste à un mètre de lui, pour ne pas le troubler. Tu regardes la mer, replie des orteils qui s'enfoncent dans le sable mouillé. Tu y plonges ton index et penses à te présenter, poli.
- Je suis Ted.

Tu as presque l'impression que le temps a suspendu son court. Tu regardes un temps, la personne à côté de toi puis un autre, la mer qui s'agite peu à peu. Tu ne te souviens pas avoir entendu les anciens parler de la tempête. Mais malgré tout, reste t-elle possible ? Il faudrait demander l'avis d'un expert. Ici, à Douvres il faut se fier à ce que disent les marins. Qu'ils soit pêcheurs ou juste promeneurs sur les flots. Amateurs. Tu humectes lèvres. La bise les dessèche bien trop rapidement. Tu inspires profondément puis arrête d'un seul coup quand ça ricane tout bas. Pas assez pour que tu ignores, dommage. Tu fronces légèrement les sourcils. Si tu attends une réponse, tu espères toutefois que tu pourras rester. Peut être que tu n'es pas aussi discret que tu le voudrais. Tu as été démasqué. A cette pensée, tu relâches un peu ton souffle pour respirer plus normalement. Tes bras croisés, tu as remonté tes jambes pour les tenir contre ton torse. Tu restes appuyé, le menton contre les genoux.
Tu sens que son attention est toute particulière. Tu tournes à peine la tête que croiser ses prunelles te perturbent assez pour sentir tes mains devenir moites tellement tu angoisses. Le silence est pesant mais il est rapidement brisé. Dali. Un prénom de garçon, un prénom de fille aussi ? Un prénom mixte sans doute. Tu es curieux tout à coup, davantage. Tu penches légèrement la tête sur le côté comme si ça allait te permettre de mieux observer. Tu te pinces les lèvres. Son tee-shirt est bien trop ample. Tu te sens idiot de douter. C'est même impoli, d'après toi. Tu t'accroches à la courbe de ses yeux et les fixe longuement, tu y plonges comme si ton intention avait été de t'y noyer. Mais sa voix te fait revenir à la réalité. Tu clignes des cils, tu t'agites doucement.
- Et toi, pourquoi tu n'y es pas ?
On t'a toujours dit que c'était mal élevé de répondre par une question. Qu'importe. Tu ne sais même plus qui. Mais tu sais être raisonnable. Tu as l'air de déranger alors tu finis par te lever mais avant de te retourner pour y aller, tu prononces quelques mots.
- On s'y croisera j'imagine.
Un fin sourire étire ta bouche et tu attends.

Les vagues viennent s'écraser sur ses tibias, l'écume se prosterne à ses pieds. Il observe le spectacle que la mer lui offre gentiment avec un sourire niais, satisfait, simple. Aujourd'hui, le bus l'a amené ici, tout près de l'eau. Comme si la machine montée sur roues avait saisi le besoin urgent qu'avait Pan de sentir le sel de la mer sur ses lèvres. Et aussi compris qu'il n'irait pas de lui même - procrastination. Mais peut-être qu'au lieu de ça, le bus a forcé Pan à se jeter dans la gueule du loup. Il n'y avait pas un chat à son arrivée - les chats ont peur de l'eau - et maintenant, la plage est remplie, noire de toutes ces petites gens venant d'on ne sait d'où, faire on ne sait quoi. Ah, oui danser autour d'un feu et s'embrasser, après avoir bu. Il prend un peu peur. Ne bouge pas. Ni un cil, ni un membre, pas moyen de faire un pas en avant, et de courir, au loin, rentrer.

Il rêve en observant les couples se donner la main autour d’un feu de joie. Il a beau se plaire en solitaire. Lui aussi aimerait bien que quelque fois, une nana vienne lui donner la becquée avant de se frotter à lui. Ainsi, il pourrait rendre jaloux un pauvre imbécile échoué sur la plage, venu pour profiter d’une soirée estivale tellement pleine de touriste qu’il est certain de ne pas faire de mauvaises rencontres ou bien d’entendre de mauvais commérages. Quoique, ce serait le moment pour effrayer tout ce beau monde si inconnu avec une bonne histoire effrayante comme il sait les raconter. La soirée pourrait être bonne s’il n’était pas seul, or il l’est et il les sent, tous ces gens accompagnés d’amis et d’amant qui sont en train de le narguer. Plus loin, une bande de gamin s’amuse à éclater des pétards et lui se lève, se dirige vers eux avant de finalement dériver vers la mer où il aperçoit Dali. Un frisson le parcoure. Il fait frais loin du feu de joie. Il s’avance alors vers les vagues, rejoint rapidement sa jumelle puis crie avant d’être arrivé à sa hauteur. “ Daliiii ! Viens, j’ai besoin de toi. J’ai envie de faire croire aux gamins là bas que je peux me transformer en nana ! “ Il pointe du doigts les gamins, s’avance encore, elle n’a pas l’air d’écouter. “ Merde ! Ca caille ici en plus’ Tu veux pas sortir de la flotte avant d’attraper la mort ? “

Elle a la tête ailleurs. Il ne sait pas pourquoi ça ne va pas. Il ne le saura probablement pas. Il s'est déjà fait une raison. Il ne l'entend pas à cause de bruit des vagues qui est trop lourd, mais il sait déjà qu'au fond d'elle, elle râle. Sans doute, parce que contrairement à lui, jouer la bête de foire ne l'amuse pas, jouer la nana non plus. Alors il n'en dit pas plus, arrivé à sa hauteur il se contente juste de la regarder puis de lui dire de sortir de la flotte parce que ce soir, le vent est fort et que la mer est gelée. Et de toute façon, il n'aime pas la voir là, seule à prendre froid. Ça a l'air de la faire chier mais se lève tout de même, la mer n'a pas l'air de vouloir que Dali la quitte, elle s'agite, lui envoie une bonne vague qui la trempe en entier. Marcus ne rit pas. Il l'aurait fait en temps normal, mais il le sent, s'il rit, elle le tuera sur place. Le jeune homme tient encore à sa vie pour quelques années. « tu fais chier, là marcus » Il soupire, se tord les lèvres pour ne pas lui répondre que c'est elle aussi qui n'avait qu'à pas trop s'approcher de la mer. « enfoiré » Silencieux, il la laisse jurer, pour ce que ça lui fait, ça sonne comme des mots d'amour dans ses oreilles. Il déglutit juste quand elle s'avance vers lui à toute vitesse, à tout les coups elle lui donnera encore un coup qu'il aura bien mérité. Elle saisit son col, le traîne derrière elle. Marcus ne devient pas sérieux une minute, puis râle. « Nan mais, pas par là. S'ils te voient, ça va tout faire tomber à l'eau, il croiront jamais à mon tour de magie. » Oui, il en est encore à vouloir faire peur à des gosses, même s'il sait au fond de lui que ça ne se fera pas ce soir. « puis qu'est ce que t'as ? » L'envie de lui demander si elle est chiante à cause de ses menstruations lui parcours l'esprit, mais il abandonne vite l'idée de demander en prenant conscience que ça sera pire après. Il la suit, seulement.

Dali, il fini par partir. Tu regardes sa silhouette s'éloigner. Pas mots en guise de réponse. Tu as plutôt droit à son silence. Je ne rajoute rien, tu ne commentes même pas dans ta tête, sa petite fuite. Emportée avec elle, il y a un garçon. Tu comprends que Marcus c'est son prénom. Vu la fureur avec laquelle elle agrippe son col, tu comprends qu'elle est furieuse. Devant eux, tu vois quelqu'un approcher. Des pas lents, une marche bien trop langoureuse pour être normale. Tu croises légèrement des sourcils et pose tes mains sur les hanches. Tu es attentif aux moindres de ses gestes et puis surtout de la façon qu'à son corps de tanguer à gauche puis à droite. Il est à deux doigts de tomber par terre. Son bras se lève, sa main te salue. Tu souris à ton tour et agite ton bras au dessus de ta tête. Paul percute les passants, il finit par terre, comme un chat qui n'aurait pas été capable de retomber sur ses pattes. Sa bouteille finissant dans l'eau salée. Tu plaques une main sur ton front, en secouant la tête. Tu laisses échapper un soupire puis cours pour le rejoindre.
- Pas trop mal ?
Il est d'un ridicule ! La position qu'il présente te fait mourir de rire et au final tu t’esclaffes. S'il se voyait, ça lui ferait le même effet. Si ça aurait été toi, cela aurait été encore pire. Amicalement, tu lui tends ta main pour qu'il la prenne. Qu'il n'a pas idée de te tirer par terre par contre. Tu le connais si bien. Avec Paul, il faut s'attendre à tout.
Tu regardes ton ami bourré. Et tu te pinces la lèvre pour ne plus moquer.

Elle les observe qui s'amuse. Ces gens, ces étrangers, tout ceux à qui elle a vendu mille et une sucreries. Maintenant, ses poches sont vides et elle observe la foule qui s'amuse, celle qui consomme les bonbons de Marie-Jeanne et qui s'enfonce un peu plus sur le mauvais chemin. La foule qui s'éclate et qui sera peut-être morte demain. Du haut de son rocher, elle observe le monde comme juchée en haut d'un piédestal. Elle toise, regarde de haut comme à son habitude. Les jambes repliées sur elle même, les cheveux au vent et les sourcils froncés qui surveillent; presque une grimace. Surveiller quoi au juste ? Rien de précis, juste la façon d'agir du commun des mortels. Elle entend les rires et suis leur enchaînements. Quelque part, l'envie de se mélanger naît. L'envie de rire aussi. De danser. De se mêler à ce monde que volontairement, elle place en dessous d'elle. Mais rien n'y fait, elle sait. Elle sait qu'elle ne peut pas faire tout ça, qu'aussitôt en bas, elle voudrait remonter et c'est pourquoi, Marie-Jeanne passe sa soirée là, à observer les autres, à apprendre un petit bout de leur vie.

C'est une fête, comme on en fait, comme j'en fais, souvent. J'ai plus l'habitude des ambiances de pubs, des endroits fermés, qui puent la bière, le mâle, et le tabac. Je me suis dis qu'il fallait que j'essaye, juste pour voir. J'avais pensé à prévenir personne, alors j'suis là, seul, sur cette plage, et je regarde les gens.

J'suis pas pieds nus. Je suis pas même en maillot. Je déteste le sable, le sentir sous mes pieds nus. J'ai peur de m'enfoncer, de plus pouvoir en sortir. Et encore plus quand je suis défoncé. J'plane, doucement, violemment, je ne sais parfois plus très bien ce que je ressens. Au moins, je pense à rien, comme ça, ou que à des conneries.

J'percute un truc. Du bois? Le son m'est familier. C'est personne en tout cas. Ou peut-être n'importe qui, suivant la mélodie. Une guitare, qui fait la tronche. Abandonnée là, je bougonne.

"Ptin on abandonne pas une guitare, ça s'fait pas merde."

Je me pose sur un petit rocher, mon cul dépasse mais tant pis. J'commence à gratter quelques accords. Elle a un son qui me fait sourire, bêtement. J'entends des rires au loin, j'entends plus rien. Que mes doigts, qui essayent de jouer un truc, qui essayent de créer une mélodie, sourde, que le vent s'emploie à détruire.

Paul est d'un ridicule ! Mais peux-tu réellement lui en vouloir ? Peux-tu vraiment le trouver minable ? Absolument pas. Tu as toujours eu cette habitude de le voir dans des situations pareilles. Pas forcément sous le même angle étant donné que vous ayez grandit mais il t'arrivait autrefois de lui rendre service, de le sauver du ridicule quand il lui était facile de s'exposer. Tu ne peux le laisser dans cet état, alors tu t'es avancé vers lui pour le secourir. Non par pitié. C'est ton ami. Ton fidèle acolyte. On ne laisse jamais tomber un frère. De tout son long, Paul est allongé par terre, les cheveux pleins de sable. Son rire déchire la nuit et tu éclates tout autant de joie, bon enfant. Main tendue jusqu'au ciel, s'il pense attraper une étoile, c'est surtout tes doigts qu'il possède entre les siens. Tu le hisses sur ses pieds, le maintiens toutefois contre toi, une main agrippant sa taille pour qu'il se tiens droit. En vain. C'est peine perdue, Paul est ailleurs, incapable de contrôler ses gestes. A tel point qu'il te fait même perdre pied. Tu sens ton corps tanguait avec le sien, partir à la renverse et finir tout droit dans l'eau froide. Est-ce qu'à ce stade il m'était permis d'être en colère contre Paul ? Bien qu'on se retrouvait totalement mouillés, simplement à cause de sa folie passagère à vouloir récupérer sa bouteille d'alcool vide ? Non. Toujours pas.
Tandis que Paul brandissait sa bouteille avec victoire, toi, tu tâchais de le regarder avec des yeux colériques. Raté, tu éclates de rire en voyant l'expression de son visage.
- T'es qu'un pauvre naze Paul ! Tu fais chier.
Tu le tires par le bras et le sors de l'eau. Restes sage Paul, s'il te plaît. Tu veux juste aller près du feu pour vous réchauffer.

Elle a attendu. Oh, pas longtemps. Un quart d'heure tout au plus. Mais un quart d'heure quand on a dix-sept ans et qu'on doit se rendre à une fête, c'est insurmontable. Perchée sur ses hauts talons, le visage fardé, le corps à moitié dénudé. Le maigre tissus qui cascade sur son corps peine à seulement suggérer les courbes de ses hanches, de sa poitrine, de son ventre exagérément plat. Sa lourde chevelure blonde donne l'impression qu'elle porte tout le malheur du monde sur ses épaules. Les siens sont amplement suffisant pourtant. Son regard se perd dans la contemplation de l'éclat d'un lampadaire se reflétant sur les carreaux d'une fenêtre.
Enfin Lo arrive. Elles s'agrippent l'une à l'autre, des sourires leur crèvent le visage tandis que l’excitation de l'interdit monte en elles. Leurs pas se dirigent d'instinct vers la plage. Elles entament la première cigarette. Lo crapote, ça fait rire Gisele qui se moque qu'elle. Lo marche devant, vexée. Alors Gisele sort la bouteille de vodka de son sac. Lo ralentit et pardonne. Elles rient, sillonnent les ruelles sans méfiance, se tiennent par la main en offrant leur visage au ciel et au sel. Enfin la plage se fait apercevoir. Elles abandonnent leurs sacs et leurs chaussures au bon vouloir de la nuit, et enfin, elles y sont.
Gisele sent le sable crisser délicatement sous ses pieds nus, s'infiltrer entre ses orteilles et lui arracher une grimace d'inconfort. Elle préfère le sable lorsqu'il est humide. Sa tête tourne, ses idées vagabondent aux rythmes des gorgées de vodka, son bras s'accroche à la taille de Colombine. Soudain celle-ci s'arrêter et Gisele manque de lui rentrer dedans. Elle secoue la tête afin de replacer ses idées dans le bon sens. Droite, gauche, en haut, en bas, c'est bon, tout y est. Elle hoche la tête, admirative à l'écoute de sons que le jeune homme devant lequel Lo s'est arrêtée arrive à faire sortir de son instrument, simplement à l'aide de quelques cordes et de ses doigts. « j'arrive pas à reconnaître la chanson, mais ça me dit quelque chose. » chuchote-t-elle en se penchant sur l'épaule de Lo.
Gisele ferme les yeux. C'est beau. Alors elle aime. Au fond, tout au fond, elle sent son monstre ronronner. Il ne se manifestera pas ce soir. Elle sourit, soulagée et repus de bien-être. Elle laisse sa tête se poser sur l'épaule de sa meilleure amie qui ne bouge pas non plus, trop absorbée par le guitariste. Quand la mélodie s'arrête, Llewellyn sort brusquement de sa rêverie éveillée. Elle se passe un bout de langue rosit sur les lèvres avant de sourire tout son saoul et d'applaudir à son tour. Elle observe le musicien quelques secondes avant de lâcher ; « elle a un nom ta guitare ? » Elle sourit toujours, curieuse et effrontée.

We live in a beautiful world...

J'essaye de m'en convaincre, alors que je chantonne, puis que je chante franchement. J'ai l'impression que ça fait une éternité que j'ai pas chanté comme ça. Depuis que je suis parti de Cork, que le groupe s'est dissout, c'était comme si l'envie était partie, elle aussi. Je fais quelques fautes, les cordes ne suivent pas toujours mes doigts, un peu comme si elles me faisaient comprendre que je ne prenais pas le temps d'écouter les sons qu'elles produisaient. C'est stupide, je sais.

- C’était super.

Je ne sais pas si ça m'est adressé, mais mon premier réflexe est de me dire que non. Alors du coup je reste encore dans ma bulle un moment, le temps d'arrêter de planer. L'herbe que j'ai pris est d'une putain de bonne qualité, il faudrait que je retrouve la fille qui me l'a vendu en début de soirée à l'occasion.

« elle a un nom ta guitare ? »

Cette fois, je lève les yeux vers la voix, qui me semble t-il était différente de la première. Je manque de ne plus savoir respirer. Je cligne des yeux.

" Vous êtes des sirènes venues pour m'emporter en mer? "

Je les regarde plus attentivement et je constate qu'elles n'ont pas de queue de poissons ni d'écailles sur une quelconque partie de leurs corps. Evidemment pour n'importe qui d'extérieur on aurait dit que j'étais en train de les mater de façon très grossière, mais je n'étais en réalité qu'en train de m'assurer qu'elles n'étaient pas des féroces créatures marines venues me prendre pour me noyer.

"Dé... désolé, j'ai cru que... Ouais, nan... Enfin je veux dire, elle n'a pas de nom. Je l'ai trouvée là à vrai dire... elle en a peut-être un alors... Vous êtes jumelles?"

Voilà que je bafouille, comme un puceau. Faut dire qu'elles sont si... belles. Je pose la guitare à côté de moi, très doucement, comme si c'était en sucre. La question m'est venue comme ça, sans que je puisse même y réfléchir. Elles se ressemblent sans vraiment être identique, leurs manières sont différentes. Leurs yeux sont par contre, tout autant hypnotisant...

Une grimace se trace sur le visage de Marie-Jeanne comme un éclair dès qu'elle entend de la musique. Probablement qu'elle ne serait pas assez mélomane pour apprécier la douce mélodie, elle fronce des sourcils et fusille du regard le jeune protagoniste qui s'amuse à faire chanter une vieille guitare. Il ne la voit pas. Personne de toute façon ne voit Marie-Jeanne. Elle est là sans être là, et ça lui convient amplement. Comme de son perchoir, elle a une vue sur une bonne partie de la fête, elle tourne rapidement la tête pour occuper ses pensées ailleurs, peut-être que là bas, le spectacle vaut le coups. Alors elle regarde, elle suit des yeux deux garçons qui semblent courir vers elle, nouvelle grimace. Elle ne souhaite pas qu'on l'approche et son regard se détourne à nouveau pour qu'on ne s'intéresse pas à elle, qu'on ne voit pas qu'elle est là, ou bien, qu'on pensent qu'elle est bien occuper à penser. Penser, n'est ce pas la meilleure conversation que l'on puisse avoir ? " Hey, jolie terrienne, tu mets ton numéro dedans. C'est pour faire une offrande à la mer" Et finalement, il semblerait qu'on l'ait vu. Rien ne sert de regarder ailleurs, Marie-Jeanne s'adresse désormais à son interlocuteur et le fixe en se retenant de faire tout geste pouvant être malvenu. " Non. " répond t-elle sèchement, la voix un peu haute pour qu'elle atteigne le bas du rocher et le dit jeune homme. " Je n'ai pas besoin de ça, mais là bas tu trouveras tout un tas d'idiote qui adorerait mettre leur numéro dans une bouteille. " Elle pointe du doigt la fête, manque d'ajouter qu'avec un peu d'chance, elles s'offriraient également à la mer pour s'y noyer.

Elle le toise tout en souhaitant mille horreurs à tout ce monde qu'elle vient de pointer du doigts. A lui aussi, probablement pour avoir déranger sa paix, son instant entre elle et l'océan. Connerie. Marie-Jeanne n'est pas de ces dépressif qui ne font que regarder dans le vide à la recherche de la case qu'ils ont en moins. Non, elle est juste là, seule. Et c'était très bien comme ça. Elle ne le quitte pas des yeux, lui qui tient à peine debout, c'est drôle. Il tomberait qu'elle rirait. Elle aimerait ça, rire. " Ah ... quelle tristesse ! quel malheur ! Jamais ma vie n'aura la même saveur ! P'tain j'ai fait une rime ! " Ses yeux sont rond Qu'est ce qu'il lui prend tout à coup ? De prendre un air si théâtral. La peur soudaine qu'il se met à entrer dans un long monologue le prend, elle décide de descendre, pas encore de partir mais du moins d'être prête à le faire. Au cas où... " Tu veux que je t'applaudisse peut être ? " Elle gronde, c'est assez méchant. Elle ne s'attend pas à une réponse, elle n'en veut pas. La réthorique, c'est son passe-temps. Elle descend donc, c'est assez dangereux, elle adhère mal. Quelle idée de grimpe aussi, mais on ne lui en fera pas la remarque. "Je veux ton intelligence... Je pourrais la mettre en bouteille, comme ça tu rejoindras le camp des idiotes facile à draguer... ça m'arrangerait" dit-il tandis qu'elle s'affaire à rejoindre le sol. Elle jette les yeux au ciel, en se disant que quand même, qu'est ce qu'il ne faut pas entendre. " Arrête de dire des conneries et pousse toi que je te tombe pas dessus. " répond t-elle avant de sauter au pied du rocher. Elle retrouve la terre ferme, enfin le sable, puis lève les yeux vers lui en répondant." C'est pas mon genre d'arranger les gens, maintenant tu le sais. "