Ses pieds, nus, caressent l’herbe fraîche de la falaise. Il y a un sourire léger sur ses lèvres, alors que le vent, bien décidé à caresser sa chevelure, ne fait que passer au travers de son ombre fantomatique. Il ne bouge pas, pourtant. L’homme reste là ; l’adolescent reste là, rêvant de ce toucher, contre sa peau, contre sa crinière. Ses paupières ne clignent pas, et une fine couche humide semble y naître. Il y a pourtant ce sourire, sur ses traits, presque éternel, presque gravé, tant il ne semble pas bouger. Le fantôme de la falaise blanche. Le fantôme de Douvres. On dit, au travers des murmures divers du port, que le corps d’un adolescent aurait été retrouvé sur un fragment de plage, au bas d’une immense falaise blanche, suite au dégèle de l’hiver. On dit que c'était il y a quelque temps, il y a cent ans. On dit que ses cheveux étaient noirs comme la nuit, et bouclés comme les moutons qui habitent les rangs. Son regard était toujours pétillant, et ses yeux, quant à eux, d’un bleu si pur et vrai qu’ils coupaient le souffle de quelconque y plongeant les siens. On souffle qu’il était beau, grand et mince ; on susurre qu’il était triste, amer et vide. Il effleure votre peau, contre cette obscurité de l'absence de jour, et souffle sa mort, contre votre nuque. On dit qu'il n'est qu'un mythe, le conte pour les touristes ; pourtant, combien d'entre vous ont pu sentir sa paume contre sa poitrine, au bon milieu de la nuit ? Il sourit, l'âme meurtri, ne cherchant qu'un ami. Il ne cherche qu'un ami, pour de nouveau apprendre à jouer. Mais l'âme détruit, il ne peut faire que de même à la vôtre. Alors faites attention, au creux de la nuit; faites attention, pour ne pas avoir de souci. Car il se glisse dans vos esprits, tendrement,  et il prend, brusquement, et cela sans demander. Il quémande à en pleurer, à en crier, pour ne pas être le seul noyé.